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PECHE ORIGINEL. LES GRANDS SCOLASTIOUES


ment sa volonté propre, mais aussi la volonté de la nature universelle ; celle-ci succombant, par le fait succombait la volonté individuelle de chacun de ses descendants. Aussi peut-on dire que chaque enfant est puni pour son propre péché. Erat in Adam non solummodo voluntas hujus singularis personæ, sed voluntas universalis naturæ, quo cadenle a juslitia originali, cecidit etiam quælibet voluntas succedentium posterorum. Ibid., q. ii, membr. i, ad 6um, n. 220, p. 233.

Un peu plus loin, il explique que la raison de la transmission du péché d’origine est à chercher dans ce fait que le commandement fut donné à Adam non pas seulement à titre personnel, mais comme au chef moral du genre humain. La prohibition s’étendait non seulement à lui, mais à tous ceux qui étaient en lui en vertu du germe vital : par sa désobéissance, il déméritait pour tous ceux qu’il représentait et contenait, comme le Christ, par son obéissance, a mérité pour tous ceux dont il est le chef moral : Ratio transmitlendi originale videtur esse ex hoc quod prohibilio facta [uit ipsi Adse in quantum erat h ibens naturam humanam totam in se ut per quam alii descenderent per propagalione. n. Ibid., membr. iii, c. iii, n. 228, p. 243. Alexandre de Haies semble bien, par ces idées, préluder à la théorie del’inclusion des volontés dans Adam.

D’une façon moins développée, Albert le Grand parlera, lui aussi, de la volonté d’Adam comme de la volonté de toute la nature qui était en lui. Sum. theol., part. II, tract. XVII, q. cvii, membr. ii, ad lum. p. 289.

2. Son moyen de propagation.

C’est, d’après les

maîtres de l’époque, la concupiscence de l’acte conjugal.

Il ne suffit pas, déclare Guillaume d’Auxerre, que nous ayons été inclus physiquement en Adam lorsqu’il a péché, mais il faut ajouter notre naissance par la concupiscence pour expliquer la propagation du péché originel. Summa aurca, part. II. tract. XXVII, fol. 87 v°, cité par J.-B. Kors, op. cit., p. 76.

Alexandre de Halès requiert de même pour que nous soyons soumis à la loi du péché originel, que la chair soit engendrée sous l’influence de la libido. Ibid., membr. iv, c. ii, n. 230, p. 247. L’âme est souillée dès son entrée dans la chair corrompue, comme le vin est souillé par le vase impur dans lequel il est versé. Ibid., membr. iv, c. i, n. 229, p. 246 ; voir aussi Albert le Drand, In /P"" Sent., dist. XXXI, a. 2, sol., p. 51 1.

Mais cette souillure de l’âme par une chair corrompue posa devant 1rs maîtres du xme siècle la même question qui préoccupait déjà leurs prédécesseurs : Est-il juste d’imputer a l’âme quelque chose qu’elle n’a point reçu par création, ni commis par volonté propre, mais qu’elle contracte par son union avec la chair, union qu’elle n’a fait que réaliser par obéissance au Créateur ? IN y répondent, avec les maîtres du xir siècle, s’iii.-n disant que Dieu ne veut pas changer l’ordre naturel des choses ainsi Guillaume d’Auxerre i Ité dans I i ; Kors, p. 77, et Albert le Grand, Sum, theol., p. 299 soit en confessant que la justice di> ine Mt c irtain im : nt irrépréhensible, bien qu’elle nous s<>ii Imparfaitement compréhensible. Alexandre de Halès, ibid., me nb. iv, c. ii, n. 230, p. 2 17.

t" Conséquences du péché originel. Uexand I laies en traite longuement, soit en parlant des effets du péché de nos premiers parents, Sum. theol., t. iii, tract. III, q. i. lit. ri, n. 2m 219, p. 215 230, soit en parlant ex profess < de la concupiscence, ibid., q. ii, membr. vii, n. 235 2 IX. p. 251-262, et de la peine du pèche originel, membr.. n. 253-258, p. 265-272. Son point de m., ( >ujet, comme celui de saint Anselme, ustinien en ce sens qu’il s’en tient au point de vue ( increl de la nature telle qu’elle est sortie des mains de Dieu. Il représente i ille-ci comme pro fondément corrompue : toutes les forces de la nature, mais plus particulièrement celles de la génération, ont été corrompues par le péché. Membr. vii, c. iii, n. 237-240, p. 253-255.

Ici-bas les forces de l’âme ont été diminuées : l’ignorance et la concupiscence engendrent une grande facilité pour le péché ; de même celles du corps ont été atteintes : de là l’infirmité, la faim, la soif, le froid, la lassitude, etc. On remarquera la façon correcte dont Alexandre répond à la question : Utrum peccandi nécessitas sit pœna originalis peccati ? Membr. x, c. n. n. 251, p. 267.

Dans l’autre vie, la privation de la justice originelle entraîne pour l’enfant mort sans baptême celle de la vision de Dieu : aucune peine, cependant, ne répondra à la concupiscence. Le De fide ad Pefrum qu’Alexandre attribue à saint Augustin, parle bien du supplice du feu, mais les enfants connaîtront ce supplice non pas ratione ardoris, mais rationc lencbrosilatis. Ibid., memb. x, c. i, n. 253, p. 267.

Ainsi, Alexandre de Halès, comme Guillaume d’Auxerre, à la suite d’Honorius d’Autun, d’Abélard, de Pierre Lombard, d’Innocent III, distinguent de mieux en mieux la nature et les conséquences du péché originel et du péché actuel. Saint Albert le Grand ne sera pas d’un autre avis. Les enfants ne connaissent, selon lui, pour le péché originel, dans l’autre vie, que la peine de la privation de la vision de Dieu. Il explique ainsi le texte du De fide ad Petrum : Auguslinus improprie loquitur, vocans supplicium pœnam damni. In IV am Sent., dist. IV, a. 8, ad lum. Les maîtres du xme siècle, comme ceux du xii 1’, au nom d’une meilleure connaissance de la nature du péché originel, sentent le besoin d’adoucir la pensée augustinienne touchant les conséquences de ce péché dans l’autre vie

5° La destruction du péché originel. - Alexandre de Halès consacre à cette question une partie de son traité. Membr. VI, n. 233-234, p. 249-251. Il répond d’abord à la question traditionnelle : Qualiter originale transeat reatu et rcmaneat actu ? L’activité du péché originel qui reste après le baptême, écrit-il, c’est bien la concupiscence, mais non pas dans son règne. C’est la concupiscence diminuée, qui reste comme une épreuve pénale pour nous aider à conquérir la vie éternelle. Ibid., c. i, n. 233, p. 250.

A cette autre question : utrum originale omnino deleatur in baplismo ? il fait aussi une réponse très précise qui résume l’enseignement traditionnel : Cratia bapttsmalts de.let originale peccatum quantum ad culpam et quantum ad pœnam suffocantem, et non quantum ad pœnam promovenlem ; ad idem lendunt gratin baptismalis et pœna pmmovens : scilicet ad consecutionem vita eeternm… Dimittitur erg) peccatum originale quantum ml CUlpam et quantum ad dnminium concupiscen tiæ quæ est pœna in prsesenti, et quantum ad carentiam visionis quæ » <en<t est in /uturo. Ibid.. c. ii, n. 234, p. 250.

VII. LE DÉVELOPPEMENT DE LA THÉO-LOGIE DU PÉCHÉ ORIGINEL DE SAINT THO-MAS AUX CONTROVERSES DOCTRINALES DU XV SIÈCLE. — Pelle était, dans son ensemble, l’état’le la doctrine théologique touchant le péché originel à la veille de l’apparition des deux grandes

synthèses qui vont commander le développement

de la théologie postérieure du xin* au wr siècle : la

inte fermentation doctrinale qui se manifeste au

mi siècle et au début du XIII" avec ses illlluclices el Mirants divers, Va nous aider a mieux saisir

les perspectives plus ou moins larges selon lesquelles

les deux grands maîtres de la seconde moitié du

mu siècle vont envisager la doctrine traditionnelle Tandis que saint Bonaventure va s’attacher