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PÉCHÉ ORIGINEL, LE DÉBUT DU XIII* SIÈCLE


tient dans le 1. II une section De peccato originali ; au milieu des quæsliones se trouve un Tractatus de peccato originali. lui attendant l’édition critique prochaine de ces deux ouvrages, dans la Bibliothèque thomiste, pour avoir une idée de leur contenu, voir la même Bibliothèque thomiste, l. m : G. Lacombe, Prmpositini canccllarii Parisiensis (1206 1210), opéra omnia, i. f-’lude critique sur la oie et les œuvres de Prévoslin. Paris, 1927, ]>. 56-57, 172.) Il suffira ici de mettre en relief les influences prépondérantes qui ont contribué au progrès de la doctrine sous ses aspects principaux.

1° L’existence du péché originel. - Pour prouver l’existence du péché originel, Alexandre l’ail appel spé cialement à la preuve expérimentale : crainte de l’homme à l’égard des animaux, douleurs de l’enfantement chez la femme, lutte de la chair contre l’esprit, pudeur naturelle, peines que rencontrent les enfants dès leur naissance. Voir Alexandre de Halès, Summa theologica, éd. de Quaracchi, t. iii, tract. III, q. ii, membr. i, n. 220, p. 232-233. En quoi il est l’écho de saint Augustin et de saint Anselme ; les augustiniens postérieurs préciseront et développeront cette doctrine.

La notion du péché originel.

Prévostin et Guillaume

d’Auxerre, disciples de Pierre Lombard, voient comme leur maître, dans le péché originel, surtout une disposition au mal : pronitas ad peccandum. Mais, au lieu de se contenter de cette affirmation générale, ils analysent cette mauvaise disposition de la nature, et distinguent autant de péchés originels qu’il y a de penchants viciés par elle. Ainsi Prévostin, après avoir signalé les définitions d’Abélard et de Pierre Lombard, ajoute : nobis videtur convenienler dici posse quod plura originalia sunt in parvulo… Sicut enim concupiscibilitas parvulum reddit concupiscibilem et adultum concupiscentem, ita vitium superbise parvulum reddit superbibilem et adultum superbientem. Summa, fol. 97 b, cité par Kors, op. cit., p. 67. De même, Guillaume, Summa aurœa. part. II, tract. XXVII, c. vi, fol. 88 v°89, cité ibid.

Pour Alexandre de Halès, le péché originel implique à la fois une coulpe et une peine. La coulpe consiste dans la privation de la justice requise et dans une difformité qui altère en quelque sorte la forme de l’âme, mais la concupiscence, habituelle dans les enfants, actuelle dans les adultes, en est la conséquence pénale. On peut dire de ce péché, insiste-t-il, qu’il est une coulpe en raison de la privation de la justice, une peine à raison de la concupiscence : il tire son caractère de peine d’une tache vicieuse, feeditas vitiosa, qui est dans la chair, son caractère de faute de la privation de cette justice que l’âme devrait posséder. Ibid., tract. III, q. ii, membr. ii, c. i, n. 221, p. 236, et ad 2um et ad 4um, p. 237.

Ainsi, la concupiscence est seulement une peine. Alexandre connaît sans doute une définition du péché originel par la concupiscence, celle du Lombard, mais c’est là une définition par l’aspect matériel ; la concupiscence en fait est une peine qui dérive de la corruption de la nature. Il vient de dire, d’ailleurs, que la définition du péché originel comme carentia vel nuditas debilæ justitiæ, seu impotentia habendi justiliam, est une définition par la cause efficiente. Ibid., tract. III, q. ii, memb. ii, c. iii, n. 222, p. 238, et aussi membr. iv, c. i, n. 229, p. 246.

Le vrai nom de la concupiscence c’est celui de sequela peccati originalis. Ibid., membr. vii, p. 251 sq. On pourrait aussi l’appeler un péché, car, quand elle est dans son règne (avant le baptême), elle est liée au péché et cause de péché ; elle est annexée à la privation de la justice requise. Ibid., membr. vii, c. i, n. 235, p. 252.

Mais pourquoi l’ignorance qui est, elle aussi, une peine du péché, n’entre-t-elle point de même dans les constitutifs du péché originel ? C’est que l’ignorance

n’est plus de l’ordre appétitif et volontaire auquel se rattache le péché. Ibid., membr. ii, c. iii, a. 2, n. 224, I ». 240.

Il résume sa pensée dans cette formule empruntée au langage aristotélicien : « Quand on place le pi originel dans la concupiscence, on en décrit le côté matériel, quand on le place dans la tache ou la difformité contractée par l’origine des premiers parents, on en décrit le côté formel. » Ibid., membr. H, c. i, ad 2um, n. 221, p. 2. ! 7.

Ainsi se trouve rejetée au second plan par Alexandre de Halès, dans sa définition du péché originel, Yhabitualis coneupiscenlia, par laquelle les théologiens du xiie siècle aimaient à caractériser le péché ; loin d’en exprimer le concept plénier, loin d’en dire l’élément premier qui lui confère son caractère de coulpe, elle n’en décrit, pour notre docteur, que le côté matériel, l’aspect pénal, d’ailleurs en relation très étroite avec la coulpe.

Désormais, avec Alexandre de Halès, ses contemporains ou ses disciples distingueront un élément formel et un élément matériel dans le péché originel : d’une part, la privation de la justice originelle, d’autre part, la concupiscence. Mais, sous les mêmes mots, les différents auteurs mettront des nuances variées dans leur façon de concevoir l’élément matériel et l’élément formel. C’est ainsi que le docteur franciscain ne veut pas, comme certains de ses contemporains, que l’on identifie ces deux éléments du péché originel avec les deux éléments du péché actuel : d’une part l’aversio a bono immutabili avec la privation de la justice originelle : d’autre part, la conversio ad bonum commulabile avecla concupiscence. Il n’y a, dans le péché originel, ni aversion ni conversion qui provienne activement du libre arbitre de l’enfant, bien qu’il y ait une tendance habituelle au péché qui vient de la faute d’Adam. Ibid., membr. ii, c. iii, a. 1, n. 223, p. 239.

Saint Albert le Grand, tout en reproduisant habituellement les distinctions d’Alexandre de Halès. paraît plus attentif que lui à se rapprocher des formules augustiniennes. Après avoir reconnu que la voie la plus facile pour arriver à une notion convenable du péché originel se trouve dans la distinction entre un élément matériel (fœdilas concupiscentiœ) et un élément formel (carentia debitse justitiœ), il conclut par la définition suivante : « Le péché originel est l’inclination au mal avec la privation de la justice qu’on doit avoir. » In II am Sent., dist. XXX, art. 3. éd. Vives, t. xxvii, p. 505 ; voir aussi Sum. theol., part. 1 1, tract. XVII, q. cvii, membr. ii, ad 3um, t. xxxiii, p. 288, et membr. ni, ad lum, p. 290.

Tous nos auteurs s’entendent à rattacher la culpabilité du péché originel non à la volonté personnelle des enfants qui le contractent, mais à la volonté du premier homme en qui nous étions d’une certaine façon au moment de son péché. Guillaume d’Auxerre, Summa aurea, part. II, tract. XXVII, c. vi, fol. 89 ; Alexandre de Halès, Sum. theol., tract. III, q. ii, De peccato originali, membr. ii, c. ii, n. 222, p. 237238 ; Albert le Grand, In II™ Sent., dist. XXX, a. 1, ad 3 Um viam, ad 4um, p. 498 ; et Sum. theol., part. II, tract. XVII, q. cvii, membr. ii, ad lum, p. 289.

La transmission du péché originel.

1. Sa raison.

— Selon Guillaume d’Auxerre, le péché originel nous est naturel du fait qu’il n’est autre chose que la nature corrompue transmise par Adam à ses descendants. Aussi n’entraîne-t-il point une peine sensible : il nous rend seulement indignes de la contemplation immédiate de Dieu. Summa aurea, part. II, tract. XXYII, c. i, fol. 88 r°, cité dans J.-B. Kors, op. cit., p. 72.

Alexandre de Halès cherche plus avant, dans la voie tracée par saint Anselme, la raison de la transmission du péché originel : Adam, dit-il, possédait non seule-