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    1. PÉCHÉ ORIGINEL##


PÉCHÉ ORIGINEL. PIERRE LOUBARD

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que le péché originel est totalement détruit ; hi baptême, quoique la concupiscence demeure connue peine. Mais, qu’avec Gandulphe de Bologne et Robert de Mehin on oublie, dans la définition « lu péché originel,

cette relation morale dont parle Augustin, qu’on identifie complètement la concupiscence comme telle avec le péché originel, force est bien, si l’on veut tenir compte de l’expérience, de reconnaître que la concupiscence, c’est-à-dire Le péché, demeure après le baptême.

Pierre Lombard et les augustiniens de son école, toul en acceptant les prémisses d’une définition à tout le moins incomplète du péché originel, n’ont heureusement pas tiré les conséquences logiques de cette définition, et ont pu soutenir avec la tradition que le baptême remettait le péché originel.

c. Les conditions et la durée de la rémission du péché.

— Le péché originel est-il remis à tous les adultes par la seule réception du baptême, même à ceux qui le reçoivent sans contrition ?

Selon quelques docteurs de l’époque, le baptême accorde le pardon sans que le baptisé ait besoin de s’exciter à la pénitence. Selon Robert de Melun et la plupart des théologiens contemporains, on ne peut devenir membre du Christ et recevoir l’Esprit-Saint si la volonté demeure attachée au péché et si elle n’est pas simple et droite.

Quant aux enfants, ils obtiennent par le baptême la grâce du salut éternel ; ils sont innocents, mais ils ne peuvent être appelés justes ; ce titre ne convient qu’à ceux qui, par l’exercice des vertus de foi, d’espérance et de charité, deviennent semblables au Christ.

Saint Thomas rejettera les conclusions de Robert de Melun, Sum. theol., IIP, q. lxix, a. 5, en ce qui concerne les effets du baptême, et le concile de Vienne précisera la doctrine : Nos attendentes generalem ejjicaciam mortis Christi opinionem secundam quæ dicit, tam parvulis quam adultis, conferri in baptismo informantem gratiam et virtutes, tanquam probabiliorem… duximus eligendam. Denz.-Bannw., n. 483.

Le péché originel peut-il revivre dans l’âme ? Non, il n’est même pas vrai de dire, remarque Robert de Melun. qu’il a été commis au sens propre du mot, une première fois. Une fois remis, il n’entraîne plus jamais la peine éternelle. Fol. 261 r°, R. Martin, toc. cit., p. 412-415.

Telles sont les questions variées agitées au xiie siècle touchant la théologie du péché originel. Elles trouvent leur réduction à une synthèse moyenne et leur expression classique dans la doctrine de Pierre Lombard, le Maître des sentences. A ce titre, elles méritent une étude spéciale.

2. Les idées de Pierre Lombard sur le péché originel.

— Pierre Lombard est très attaché à saint Augustin, il le cite très souvent ; il doit beaucoup aussi à Hugues de Saint-Victor. C’est dire que, par lui, la théologie s’éloigne de l’orientation qu’elle avait prise avec saint Anselme.

a) Le pourquoi de la chute. — Pierre Lombard, après avoir expliqué, d’après Augustin, la nature du péché commis par nos premiers parents, s’est posé la question : pourquoi Dieu a-t-il permis la tentation de quelqu’un dont il prévoyait la chute ? L. II, dist. XXIII, c. i, éd. de Quaracchi, t. i, p. 416. Il y a plus de gloire, répondit-il, à ne point consentir qu’à ne pas connaître la tentation. Mais pourquoi Dieu a-t-il créé des êtres qu’il prévoyait devoir être mauvais ? C’est parce qu’il savait que tout cela tournerait au bien des justes et à la punition des pécheurs. Mais ne valait-il pas mieux que Dieu fît l’homme tel qu’il ne voulût jamais pécher ? Sans doute, concède-t-il, une nature qui ne veut pas le péché est supérieure à une nature qui le veut ; mais il faut avouer qu’il n’y a pas de mal

a créer une nature qui voudra le mal librement, et qui ensuite subira la peine proportionnée a la faute. — Mais si Dieu voulait, les méchants seraient bons. Sans doute, niais Dieu a mieux aimé laissera chacun le soin d’agir librement, quitte a récompenser les bons et a punir les méchants. Mais Dieu pouvait tour ner la volonté des méchants vers le bien, car il est toul puissant. Il le pouvait, certes, pourquoi ne l’a-t-il lias fait ? parce qu’il ne l’a pas voulu… Pourquoi ? Ipse novit : non debemus plus sapere aiiam oportet. C’est le conseil de discrétion en face du mystère que donnaient déjà saint Irénée et saint Augustin. Pierre Lombard, à la suite d’Hugues de Saint-Victor, et de tant d’autres, arrête ici ses investigations devant le mystère.

b) L’existence et la nature du péché originel. — La dist. XXX du même livre est employée à établir le fait de la transmission du péché et de la peine d’Adam a sa postérité, c. i-v, puis à définir le péché originel. C’est la concupiscence habituelle : Fomes peccati, scilicet concupiscenlia vel concupiscibilitas qux dicitur lex membrorum, sive languor naturæ, sive lyrannus qui est in membris. C. vin. Pierre Lombard sait qu’il y a, sur ce point, variété d’opinions et jusqu’alors peu de clarté dans celles-ci : de hoc suncti doctores subobscure locuti sunt, atque scholastici leclores varie senserunt. Il connaît le sentiment d’Abélard qui réduit le péché originel à une condamnation à la peine ; mais il le réfute et il établit, d’après les Pères, que le péché originel est une faute. C. vi-vn.

c) La raison, la voie et le moyen de la transmission du péché originel. — La raison de la propagation du péché pour Pierre Lombard comme pour son maître Hugues, c’est l’unité individuelle de la matière corporelle d’Adam et de ses descendants : In Adam omnes peccaverunl ut in materia, non solum ejus exemplo. Omnrs enim ille unus homo fuerant, id est, in eo malerialiter erant. C. ix et x.

Par quelle voie se transmet le péché originel ? Non pas par l’âme qui sortirait d’une âme souillée ; cela c’est le traducianisme que la foi catholique réprouve. Dtst. XXXI, c. m. Il se transmet par le corps qui est souillé d’abord par la concupiscence charnelle, et qui transmet, à son tour, sa souillure à l’âme : L’nde caro ipsa, quæ concipitur in vitiosa concupiscenlia, polluitur et corrumpitur ; ex cujus contaclu, anima cum infuditur, maculam trahit. Ibid., c. iv.

C’est parce que nous sommes nés d’une génération concupiscente et formons une unité matérielle avec Adam que nous contractons la culpabilité et la peine consécutive à la faute. Il y faut ces deux conditions : le Christ est bien formé dans son corps de la chair d’Adam, mais il n’en vient pas par la concupiscence : de ce fait, il est exempt de la tare universelle. Notre conception, au contraire, par le fait qu’elle n’est pas sans concupiscence, n’est pas sans péché. Ibid., c. mi, et In epist. ad Heb., c. vii, 4-10, P. L., t. clxxxii, col. 450-451.

d) Les conséquences du péché originel. — a. Dans la vie présente. P. Lombard les résume en cet axiome : l’homme, par le péché, perdit tous les dons gratuits, et vit ses biens naturels altérés : Per illud naturalia b<ma in homine corrupta sunt et gratuila detracta. Hic est enim ille qui a latronibus vulneralus est, et spoliatus : vulneralus quidem in naturalibus bonis, quibus non est privatus, alioquin non potest fieri reparalio, spoliatus vero gratuitis quæ per gratiam naturalibus addita fuerant. Ihve sunt data optima… quorum alia sunt corrupta per peccatum id est naturalia ut ingenium. memoria, intellectus : alia substracta. L. ii, dist. XXV, c. vu.

P. Lombard, dans ce passage qui commente Luc, xix, HO, admet bien une corruption des bona naturalia. Il n’est pas le premier à commenter ce passage.