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PÉCHÉ ORIGINEL. LA SCOLASTIQUE DU Xlle SIÈCLE


Dieu, mais par rapport à la sagesse. Suin. IheoL, Ia-IIæ, q. lxxxiii, a. 1, ad 5um. Son émule et ami saint Bonaventure avait par anticipation justifié son procédé par ces paroles : dicendum quod in rerum conditione, plus pensatur ordo divinæ sapienliæ quam pensetur ordo justitiæ vel misericordiee. » R..Martin, loc. cit., p. 120.

d) La mesure de culpabilité du péché originel. — On peut se demander si la mesure de culpabilité du péché originel se caractérise par une mesure de culpabilité égale chez tous les hommes. Saint Anselme de Cantorbéry s’était posé la question et avait admis la même mesure de culpabilité chez tous. Cf. De conc. virg., c. xxvii, P. L., t. clviii, col. 460-461. Il semble que Robert de Melun soit seul à la poser au xiie siècle : il la résout dans le même sens qu’Anselme de Cantorbéry. La question était plus pressante pour des augustiniens qui définissaient le péché originel par l’habituelle concupiscence. Le fait est que cette concupiscence a des degrés divers chez différents individus. Robert de Melun a eu conscience de la difficulté et lui a donné une solution. Cf. R. Martin, dans Rev. des se. phil. et théol., t. xi, col. 390-394.

e) Le péché originel et le péché des ascendants. — Augustin avait admis que les péchés des autres parents en dehors d’Adam, se propagent aussi, non seulement quant aux effets pénaux, mais quant à la culpabilité jusqu’à la troisième et la quatrième génération. Opus imperf. cont. Jul., II, 177, P. L., t. xlv, col. 1218 ; de même, III, 65, col. 1277 ; VI, 22, col. 1554, et aussi Ench., c. xlvi et xlvii, P. L., t. xl, col. 254-255. La question de mesure de cette transmission restait pour lui cependant mystérieuse. Op. imp., III, 57, col. 1275.

Au xiie siècle, la grande majorité des auteurs, avec Robert de Melun, sont d’un avis différent ; ils nient qu’un péché quelconque, hors celui d’Adam, ait passé ou passe des propres parents à leurs enfants. Robert de Melun s’emploie particulièrement à l’établir. Voir les textes dans R. Martin, loc. cit., p. 394-401.

A l’encontre, Gandulphe de Bologne soutient la thèse de la transmission d’autres péchés. Sent., t. II, § 225 : Quod non solum primorum, sed etiam proximorum parentum peccatis parvuli obligentur. Éd. Walter, p. 273.

La conclusion de Robert de Melun et des partisans de sa doctrine va devenir classique : les maîtres du xiii c siècle, saint Thomas, In //um Sent., dist. XXXIII, q. i, a. 1-2 ; Sum. theol., I a -II », q. lxxxi, a. 2, et saint Bonaventure, In I / » m Sent., dist. XXXIII, a. 1, q. i, l’établiront solidement.

/) La rémission du péché originel. — a. Les moyens de rémission. — On enseignait alors dans l’école qu’il y avait trois moyens de rémission : le sacrement de baptême, l’effusion du sang et l’orientation du cœur vers Dieu. Sur les deux premiers moyens, aucune difficulté. Cependant, certains théologiens niaient l’efficacité du baptême de désir : ainsi Abélard. Robert de Melun, avec la majorité des théologiens, prit parti contre Abélard ; il précisa : ni l’elTusion du sang, ni l’orientation du cœur vers Dieu ne suffisent à remettre le péché si l’on fait abstraction du baptême. Voir fol. 258 r°, cité par R. Martin, loc. cit., p. pu ;. Il n’y a, en fait, qu’un remède au péché originel, le baptême, qui revêt des conditions extérieures d’application différentes.

Saint Thomas, un siècle plus tard, donnera un aperçu fidèle de cet état de la question au xir Bii Sum. theol., III, q. xl, a. 2.

b. La mesure de cette, rémission. - Anselme de Cantorbéry, Odon de Tournai, puis Guillaume de Champeaux, les sententiaires de l’école de Laon, ensuit) Vlctorins et Holand de Bologne, enseignaient claire

ment que toute culpabilité était remise au baptême ; il ne subsistait, dans le baptisé, qu’une certaine faiblesse qui était la peine du péché pardonné. Robert de Melun connaît ces idées ; il les expose clairement, fol. 258 r", dans R. Martin, p. 407. Mais il les rejette. D’après lui, le péché originel demeure péché après la rémission : ainsi l’exige la notion même du péché originel, qui est la loi des membres. Fol. 258 r°, dans R. Martin, loc. cit., p. 408. « Le péché originel n’est donc pas remis dans ce sens qu’il ne demeure pas péché ; mais uniquement dans ce sens que l’homme est absous de la peine due pour ce péché : c’est-à-dire de la peine éternelle. » R. Martin, ibid.

Pour le prouver, il en appelle à l’expérience de la concupiscence, à la parole de l’Apôtre qui appelle « péché » la concupiscence dans les baptisés lorsqu’il dit : que le péché ne règne point dans votre corps mortel. Ainsi, pour cela, le péché originel ne subsiste pas seulement comme peine mais comme faute dans les baptisés.

On se rappelle que Jean Scot avait déjà parlé ainsi : on retrouve le même enseignement troublant chez Gandulphe de Bologne. Sent., t. II, surtout § 223, 224, 226. Le péché originel est remis, dit-il, en ce sens seulement qu’il n’entraîne plus l’éternelle damnation : Lcx isla quæ est in membris, remissa est regeneratione spirituali et manel in carne mortali ; quia reatus solutus est sacramento id est œterna danmatio remissa est… : manel autem quia lex, id est originale peccatum, operatur desideria contra quæ dimicant fidèles. Patet ex lus prædictis originale peccatum manere post sacramentum baptismatis… Ibid., § 223, p. 272. Il ajoute : « Il est remis en tant que son empire est mitigé, il n’est pas remis en ce sens qu’il est effacé. » § 226, p. 274. Le péché originel, après le baptême, devient véniel : Cum originale peccatum sit veniale post sacramentum baptismatis, potest deleri per conlritionem cordis, quod quidem videtur, etsi numquam per contrilionem cordis deleatur. Ibid.

Pierre Lombard affirme lui aussi que le péché originel demeure après le baptême ; mais il s’expliquera aussitôt en un sens tout différent de Gandulphe de Bologne et de Robert de Melun : le péché ne demeure après le baptême qu’à titre de peine. Sent., t. II, dist. XXXII, c. i. C’est aussi le sens de l’expression d’Innocent III : « Le péché originel transit reatu quoad labem, et remanet aclu quantum ad fomitem. In ps. L, P. L., t. ccxvii, col. 1059.

Garnier de Langres, lui, s’exprime dans le sens de Gandulphe dans son sermon xxxi, in Nativ. Mariée : Originale peccatum nec in aliquo hominc deletur etiam post baplismum. In baplismo non potest deleri ut non sit, sed debilitatur ut non obsit. Inest post baptismum aclu, non reatu. P. L., t. cev, col. 766. « Pour tous ces auteurs, remarque avec raison R. Martin, saint Augustin est la source où ils prétendent puiser leur doctrine. Impossible cependant d’interpréter le docteur d’Hipponc suivant des sens aussi divers. » Ibid., p. 112. Le tort de Gandulphe de Holognc et de Robert de Melun particulièrement est d’abord d’avoir simplifié la pensée de saint Augustin, et après l’avoir faussée en la simplifiant, d’avoir déduit les conséquences logiques de leur erreur.

Augustin avait toujours eu soin de reconnaître que la concupiscence et l’ignorance dans les non baptisés avaient une relation morale avec la faute d’Adam, C’est par cette relation morale que ces défauts étaient en eus non seulement une peine, mais une culpabilité La relation morale détruite par le baptême, la concupiscence perdait à ses yeux, par le fait même, son caracde péché et n’était plus pour l’homme qu’une peine) en même temps qu’un appel à la vigilance et i

la lutte. I.a doctrine est cohérente, et l’on peut duc