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PÉCHÉ ORIGINEL. LA SCOLASTIQUE DU Xlie SIÈCLE


Episl., xv, P. L., t. clxxviii, col. 362 ; Introduclio ad theolog., 2, col. 1071 ; Theologia christiana, 4, col. 1287.

On méconnaîtrait toute une partie des idées théologiques sur le péché originel émises dans ce siècle et le sens des discussions qu’elles provoquèrent, si l’on ne faisait ici une place à la doctrine du maître du Pallet. 111’a consignée surtout dans son Exposition sur l’c’pître aux Romains, t. II, c. v, col. 806-873, dans VEthica, col. 636-657, dans l’exposé sur VHexameron, col. 761767. On en trouve plus ou moins l’écho dans quatre recueils de sentences qui dépendent de lui : V Epi tome theologiæ clirislianæ (ibid., col. 1685 sq.), les Sententiæ Florianenses (édit. H. Ostlender, Bonn, 1929) et celles de Maître Omnebene, encore inédites ; enfin, dans la Somme de -Maître Roland Bandinelli, éditée par Gietl, Fribourg-en-Brisgau, 1891. On trouvera dans ce dernier auteur plusieurs sentences tirées des recueils précédents.

1. Analyse de la doctrine d’Abélard.

a) La notion que donne Abélard du péché originel dépend de sa définition du péché en général. Celui-ci est essentiellement quelque chose de volontaire, un consentement libre à une inclination mauvaise (culpa anima ;), par rapport à Dieu un mépris et une offense. Ethica, c. iii, col. 636, 639, 641 ; c. xiv, col. 654.

C’est la mauvaise volonté actuelle qui fait l’homme injuste, ibid., col. 636-637. Ce n’est donc point le désir naturel de la concupiscence purement et simplement, mais le consentement qu’on y donne qui est péché, col. 641. De même, tout ce qui se fait par ignorance invincible, comme ne pas croire au Christ chez quelqu’un qui ne le connaît pas, ne peut être une faute. C. xiv, col. 657. Ainsi, ce n’est point au désir comme tel et à l’action extérieure qu’il faut regarder, mais à l’intention consciente qui l’inspire. C. iii, col. 645 ; c. v, col. 648 ; c. vii, col. 649. Bref, dans celle perspective, tout péché est un acte de la volonté propre. Mais alors, que faut-il penser du péché originel qui se trouve dans les enfants inconscients non baptisés ?


Il s’ensuit que ces enfants ne peuvent être le sujet d’un péché au sens strict du mot. Le péché originel ne peut être autre chose en eux qu’une dette de condamnation aux peines que nous payons solidairement connue des dettes de famille à raison de la faute de nos premiers parents. Abélard s’efforce de le prouver en s’appuyanl sur l’Écriture et sur la tradition. Il remarque que le mol péché » a différents sens dans l’Écriture. Ou bien il esi pris au sens propre, pro i/isa animæ culpa et contempla Dei, id est prava voluntate i, qua rri apud Deum statuimur. Exp. in Rom., col. 866 ; ou bien i, l est pris pro ipsa peccali poena quam jier ipsum incurrimus.

(’.'est dans ce dernier sens qu’il faut entendre le péché originel : magis hoc ad peenam peccali, cui videlicet parue obnoxii lenentur, quam ad culpam animi et contemplum Dei référendum videtur. Ibid., col. 866, cꝟ. 871. Abélard en appelle à Augustin, a Boèce, à Jérôme, pour montrer qu’il n a de péché que là où il y a mi du libre arbitre. Ethica, c. iii, col. 641, et In i : mn.. col. 866 868. L’Éthique soutient encore, d’une façon plus absolue, la doctrine avouée dans le commen taire. Cl c. xiv, coI.654 : quo (peccalo proprie sumpto) parvuli sunt immunes, qui, cum mérita non habeant tanquam ratione carenles, nihil ris ad peccatum / ; ///</ ; luiiir. et solummodo per sacramenta salvantur.

Une dette de peine attachée à une condamnation du père de la famille humaine, voila bien le conal Itul if du péché originel pour Abélard. Sa rétractation dans l’Apologie reste amphibologique : Ex Adam in quo tanna peccavimus, lam culpam quam peenam nos contraxis.se assero, quia illius peccatum nostrorum

quoque peccatorum omnium origo exstilit et causa. Apol., col. 107.

b) S’il en est ainsi, comment admettre dans les enfants l’hypothèque d’une peine éternelle, là où il n’y a pas de faute, comment concilier la justice de Dieu avec un tel traitement ? La réponse se trouve dans ce principe général : Dieu n’est jamais injuste ; quoi qu’il fasse à l’égard de sa créature, sa volonté n’est jamais mauvaise. In Rom., col. 869 B. Bien plus, Abélard veut montrer, dans l’attitude de Dieu à l’égard des enfants morts sans baptême, un signe de sa bonté pour eux, et pour ceux qui sont témoins de leur sort.

Il demande, en effet, à ces petits la plus légère des peines, celle des ténèbres dans la privation de la vision béatifique : Quam pœnam non aliam arbitror quam pâli tenebras, id est carere visione divinse majeslatis. Ibid., col. 870 A. Il croit d’ailleurs que Dieu ne destine à cette peine que ceux que, dans sa sagesse, il avait prévu devoir devenir mauvais, s’ils avaient vécu. Dieu leur épargne ainsi une peine plus grave. Abélard en appelle ici au témoignage de Jérôme « dans sa lettre à la fille de Maurice », ibid., col. 870-871, et croit pouvoir interpréter ainsi la pensée de saint Augustin.

c) N’est-il pas déraisonnable de punir dans les fils la faute qu’on a pardonnée aux parents ? Non, car la concupiscence vicieuse de l’acte conjugal est toujours là pour faire des fils de l’homme des fils de colère. Ibid., col. 872. Lorsque quelqu’un est fait esclave avec ses fils, il peut parfois se libérer sans libérer ses fils. Ne voyons-nous pas un exemple de cette vérité dans les oliviers greffés qui produisent malgré tout des sauvageons et dans le grain séparé de la paille qui produit encore de la paille avec le grain. Ibid.. col. 872.

o De cette concupiscence déréglée nous ne sommes pas coupables, c’est Adam seul, par son péché, qui en porte la responsabilité ; par elle, cependant, nous sommes punissables. » Kors, op. cit., p. 39. Pour Abélard, comme pour la tradition, la concupiscence est bien un vice ou un défaut de la nature, introduit en nous par le péché d’Adam ; ce n’est pas un péché. In Rom., col. 895.

d) On devine ce qu’est pour Abélard le baptême ; non pas la rémission d’une culpabilité qui n’existe pas. mais la remise de la dette éternelle qui pèse sur nous à raison de la transmission de cette hypothèque par la concupiscence. Ibid., col. 872.

Mais il reste la mortalité et les autres a III ici ions temporelles. Le disciple d’Abélard le reconnaît : Epit, Iheol. christiana, c. xxxvii, col. 1758 : Quod veto, gehenna remissa, pana temporaliler existai, in baptismale manifeste apparet, quia cum ibi gehenna qvue pro originali peccalo demissa sit, manet tamen dissolulio corporis, manct et numerosa defectuum mulliludo. Unde Augustinus de origine peccali : transit, inquit, reatu, manet aclu.

relie est l’interprétation abélardienne d’un axiome augustinien. On y saisit la manière d’Abélard ; il veut sui nVugUSt in ; il le suit d’ailleurs sur certains points : le rôle véhiculaire de la concupiscence, la distinction entre le m. d ci la culpabilité ; mais il l’abandonne sur

le tond, quand il réduit le rctilus du péché originel à l’obligation de subir la peine du [léché du premier

parent, et répudie dans l’enfanl toute participation

solidaire à l’étal de culpabilité d’Adam.

Il répugne a admettre l’axiome traditionnel : une participation solidaire -i la peine Implique une lame participation mystérieuse solidaire a la faute d’Adam, ussi est Il clair, comme le remarque J. Kors,

i qu’il ne fait quc donner uni habile transposi lion de la doctrine aUgUStinienne et i est en vain qu’il

s’efforce de paraître d accord avec le maître, em ployant les mêmes termes, les mêmes exemples : le sens est tout autre. Op. cit., >. 39. Au concile de