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PAUL V


levée des censures. Il fut impossible d’obtenir quoi que ce soit en faveur des jésuites, qui demeureront encore pendant cinquante ans exclus de la Republique de Venise. Aucun acte enfin ne fut dressé de l’accord, qui n’eut que la garantie des rois de France et d’Espagne. Le résultat si péniblement obtenu fut communiqué au consistoire du 30 avril, sans que les cardinaux fussent autorisés à donner leur avis.

Paul V n’avait pu obtenir complète satisfaction. Il n’osa pas dans la suite, par crainte d’une nouvelle rupture, exiger la comparution de Sarpi et de Marsiglio devant le tribunal de l’Inquisition. Le Sénat de Venise avait également échoué : en donnant à ce conflit une portée plus grande, en en faisant une affaire qui intéressait les rapports de l’Église et de l’État, il avait compté sur l’appui des princes, dont il défendait les droits, il ne le trouva point et fut obligé de se rendre sous la pression de la France et de l’Espagne.

La publication en France du concile de Trente.


Un meilleur choix des évêques sous Henri IV, l’activité de curés zélés, fondateurs d’ordres, tels que François de Sales, Vincent de Paul, Pierre Fourier et Pierre de Bérulle, la création de congrégations destinées à l’instruction de la jeunesse, avaient déjà fait réaliser de sérieux progrès à la réforme catholique en France Mais, pour que ces efforts portassent tous leurs fruits, il était nécessaire que le concile de Trente fût appliqué et, pour cela, promulgué dans le royaume.

Les prédécesseurs de Paul V, de Pie IV à Clément VIII, n’avaient jamais perdu de vue cette promulgation. Clément VIII, lors de l’absolution de Henri IV, 17 septembre 1595, avait exigé du roi, comme pénitence, « que le concile de Trente fût publié et observé par tous, exceptant cependant (ce que nous accordons à votre très instante supplication et prière) les points, s’il y en a, qui vraiment ne pourraient être observés sans que la tranquillité du royaume en fût troublée ». V. Martin, Le gallicanisme et la réforme catholique, Paris, 1919, p. 284. Henri IV accepta cette pénitence et, durant tout son règne, chercha sincèrement à obtenir des parlements la publication demandée. Paul V d’ailleurs, lui rappelait cet engagement et les nonces, Barberini et Ubaldini, multiplièrent leurs interventions, sans obtenir de résultat. Le roi se heurta à l’opposition irréductible des parlements.

Les décrets disciplinaires du concile de Trente apparaissaient, aux yeux des légistes, comme la manifestation la plus accentuée de l’ultramontanisme, comme une menace de l’intervention de l’étranger dans les affaires françaises, comme une atteinte portée à l’autorité suprême du pouvoir temporel. Les troubles de la Ligue avaient déjà fait apparaître l’opposition entre deux thèses sur l’origine du pouvoir : celle des légistes et la thèse démocratique. Les légistes, puisant leurs théories dans le droit romain, faisaient découler l’autorité des princes directement de Dieu ; ils l’opposaient à celle du pape, à qui ils n’accordaient aucun droit sur le temporel des princes. Les partisans de la thèse démocratique faisaient découler l’autorité « de Dieu, mais par l’intermédiaire raisonné des hommes, comme tout ce qui concerne le droit des gens ». V. Martin, op. cit., p. 321. La première devait trouver sa plus forte expression dans le Basilicon doron de Jacques I er, répandu en France par G. Barclay, Barclaii (Gulielmi) de potestate papæ in principes sseculares liber posthumus, Pont-à-Mousson, 1609, et la seconde être défendue par Bellarmin, en réponse à Barclay, De potestate summi ponti/icis in temporalibus, Opéra, éd. Vives, t. xii.

Les plus ardents à défendre les droits du Parlement étaient les deux présidents, Ach. de Harlay et Aug. de Thou, et l’avocat général L. Servin. Sous leur influence, le parlement de Paris décida de faire brûler

le décret de l’Index du 14 nov. 1609, condamnant l’Histoire universelle de de Thou, avec un discours d’Ant. Arnauld, prononcé à la suite de l’attentat de Châtel contre Henri IV, et le décret du Parlement prononçant les peines de mort contre Châtel et d’exil contre les jésuites, accusés de complicité. Le Parlement prononce une sentence identique contre l’ouvrage du jésuite Mariana, De rege et régis instilutione, Tolède, 1599, qui légitimait le régicide. La réponse de Bellarmin à l’ouvrage de Barclay, l’écrit de Suarez, Defensio fidei catholicee et apostolicx adversus anglicanse sectæ errores, Coimbre, 1613, cf. A. J. Rance. L’arrêt contre Suarez, dans Revue des questions historiques, t. xxxvii, 1885, p. 594-601, sont condamnés, En même temps se répandent les écrits opposés à la papauté, tels que la Chronologie septennaire, Paris, 1605, de Cayet, le Mystère d’iniquité ou histoire de la papauté, 1607, de du Plessis-Mornay, le Théâtre de Vantéchrist, 1610, de Vigner, le Libellus de ecclesiastica et politica potestate, 1611, d’Edm. Richer.

L’accueil fait à ce dernier ouvrage montre que le clergé était alors fort éloigné de partager les idées gallicanes des parlementaires. Sur l’initiative du cardinal du Perron, quinze évêques se réunirent pour examiner le Libellus et le jugèrent digne de censure : il fut condamné comme hérétique par les conciles provinciaux de Sens et d’Aix. La Sorbonne elle-même intervint, blâma le livre et priva l’auteur de sa charge de syndic, 1 er sept. 1612. L’application des décrets du concile dans certains diocèses et les bienfaits qui en résultaient, la gravité des abus provenant de l’intervention du pouvoir séculier, l’attrait qu’exerçait le calvinisme sur les clercs douteux, tout cela prouvait la nécessité urgente d’une réforme complète. L’union se créait dans ce but parmi les membres du premier des ordres de l’État. « Il restait encore, certes, quelques dissidents, et farouches, mais rares. Et, comme pouvait l’affirmer à la reine, vers la fin de ces démêlés, le cardinal de Joyeuse, moralement l’unanimité de l’Église de France s’était déclarée contre Richer, contre le Parlement, pour Rome. » V. Martin, op. cit., p. 364. Cela explique les événements de 1614 et de 1615, l’attitude du clergé aux États généraux et sa décision à l’Assemblée générale du clergé.

Aux États généraux, réunis à Paris en octobre 1614. la première préoccupation du clergé fut de demander au roi « qu’il lui plaise que le concile soit reçu et publié dans le royaume, et ses constitutions gardées et observées, sans préjudice des droits de Sa Majesté, libertés de l’Église gallicane, privilèges et exemptions des chapitres, monastères et communautés, pour lesquels privilèges, libertés et exemptions, Sa Sainteté sera suppliée à ce qu’elles soient réservées et demeurent en leur entier, sans que ladite publication y puisse préjudicier ».

A cette proposition, le Tiers, prenant l’offensive, opposa, comme loi fondamentale du royaume, une déclaration, affirmant que le roi de France était « absolument indépendant de toute puissance étrangère, spirituelle ou temporelle, et ne tenant sa couronne que de Dieu seul ; que le pape n’avait pas le droit de le déposer, ni de relever ses sujets du serment d’obéissance, sous aucun prétexte ». V. Martin, op. cit., p. 368. Soutenir la doctrine opposée était se rendre coupable du crime de lèse-majesté.

Le cardinal du Perron, assisté d’une suite imposante de prélats, se rendit, le 23 décembre, à la réunion de la Noblesse et, le 2 janvier 1615, à celle du Tiers, pour combattre cette proposition et réussit à la faire retirer. Mais, pour la publication du concile, seule la Noblesse put être gagnée ; le Tiers resta irréductible. Le président Miron refusa de s’intéresser à une question purement religieuse : « Ce n’est pas à nous, qui sommes