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PÉCHÉ ORIGINEL. LA SCOLASTIQUE DU Xlie SIÈCLE
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marque l’influence réciproque de la personne d’Adam sur la nature, de la nature transmise sur les personnes pour éclairer la transmission du péché. Chez saint Augustin, la concupiscence était le véhicule de la transmission du mal héréditaire ; elle corrompait le corps, puis l’âme. Chez saint Anselme, la génération naturelle, concupiscente, contribue seulement à produire un individu nouveau qui participe à la nature malheureuse et coupable d’Adam. La génération, c’est seulement l’agent qui transmet la nature telle qu’elle a été faite en Adam pécheur. On distingue mieux ainsi entre l’acte prévaricateur et l’effet qu’il a produit, et dont nous sommes les héritiers. La cause a une malice plus grave que l’elïet.

Enfin, la définition du péché originel comme une privation appelle l’idée de peines proportionnées à ce péché donc purement privatives. Ici, comme ailleurs, Anselme pose des principes dont on tirera les conséquences au cours des siècles. Par l’ensemble de sa spéculation, il se trouve semer les germes féconds d’une théorie du péché originel qui, en se développant, éliminera les exagérations de l’école augustiniennc, tout en conservant de celle-ci les principes vivants, conformes à la doctrine de l’Église.

A l’avenir devait appartenir de combler les déficiences du système anselmien touchant les rapports de la nature et de la grâce et de laisser tomber ce qu’avait d’inexact le réalisme exagéré qu’il tenait de son milieu et de son époque. Anselme lui-même n’invite-t-il point à tenir le résultat de son effort spéculatif comme un système qu’il propose non lam aflirmando quam conjectando ? De conc. virg., c. xxix, col. 464.

Les scolastiques, particulièrement saint Thomas, l’entendent ainsi ; ils marchent dans la voie qu’il a tracée, en corrigeant ou complétant le système théologique du grand spéculatif du liée.

III. La théologie du péché originel dans l’École au xiie siècle. — Le xiie siècle se révèle, spécialement en ce qui concerne la question du péché originel, ce qu’il apparaît d’ordinaire dans le domaine de la recherche intellectuelle, d’une pensée ardente et variée, d’une grande curiosité d’esprit qui lui fait remuer bien des problèmes, d’une audacieuse liberté parfois, qui lui fait proposer des solutions nouvelles et non traditionnelles, d’un besoin de systématisation et d’unité qui lui fait ébaucher ces vastes recueils synthétiques que sont les Sentences. Toul ce travail se fait, dans une mesure pi us ou moins grande, sous l’Influence lointaine de saint Augustin.

Les uns repensent sa doctrine à la Façon el à la suite de saint Anselme ; ainsi Honorius d’Autun et don de Cambrai surtout ; d’aulrcs>, Abélard et ses disciples, en reproduisent plutôt les termes que le fond : le plus grand nombre des sententiaires s’attache à taire revivre la substance et aussi les expressions de sa pensée. C’est dans le Maître des Sentences qu’il faut chercher le témoignage le plus classique de l’augustinisme du xiie siècle.

1° Deux disciple* tir saint Anselme au commencement du xiie siècle. - t. Honorius d’Autun rapproche, dans son Elucidarium, les théories d’Augustin, d’An selme et de l’Érigène, sans arriver à les synthétiser correctement.

t en suivant saint Anselme qu’il définit le péché originel - une injustice » : omnis namque homo cum tali juslitia unsci debuit quali Adam conditus futt. Sed quia hum Vdam sponte deseruit, omnis huma in injuslilia vtiginem nivendi sumit, quie injustitia peccalum vocatur. Elue, t. II, c. xi, P. I.., t. ci. xxii, col. 1 I 42. I heu a le droit d’exiger de la nature, en chaque homme, ce qu’il a donné à celli i i en Adam.

Il ne se contente pas de cette explication ansel mienne, il la complète par une autre qui vient de Jean Scot : c’est par un péché actuel que s’explique la corruption actuelle des âmes. En efïet, selon Honorius, elles sont punies parce que, créées pures in invisibili materia, elles ont embrassé avec trop d’avidité le corps qu’elles devaient animer : Deus omnia simul et semel per maleriam fceit… postmodo autem universa per speciem distinxit. Ab inilio igitur, animæ sunt creatse in invisibili maleria, formantur autem quolidie per speciem et mitluntur in corporum effigiem… Deus nonnisi bonas cl sanctus créai animas, et ipsæ naturaliter desiderant corpus inlrare… ; verumtamen, cum intraoerint illud immundum et pollulum vasculum, lanla avidilale illud amplectuntur, ut plus illud diligant quam Deum. lbid., c. xiv, col. 1144-1145.

Après avoir allirmé, avec saint Anselme, qu’il n’y a pas de faute dans le semen, c. xii, col. 1143, il revient à la théorie augustiniennc : semen ejus per carnis concupiscenliam coinquinatur, c. xv, col. 1145, et il explique alors l’injustice originelle par la concupiscence. Ibid., c. xii, col. 1143. La peine dans l’autre vie des enfants morts sans baptême, ce sont les ténèbres seulement. C. xv, col. 114(5.

En somme, Honorius n’a pas une idée nette du péché originel, particulièrement lorsqu’il le présente comme un péché actuel de l’âme préexistante, éprise du corps qu’elle vient animer. En voulant fusionner les doctrines d’Augustin, d’Anselme et de l’Érigène, loin d’arriver à un progrès dans l’élucidation de la vérité traditionnelle, il la déforme et propose une hypothèse que l’École éliminera assez vite.

2. Odon de Cambrai.

Plus pénétrant et plus synthétique, d’une inspiration ansehnienne plus pure, Odon († 1112) emploie toutes les ressources de la méthode dialectique et de la philosophie réaliste de l’époque à élucider < la fameuse question du péché originel ». De pecc. orig., t. I, P. L., t. clx, col. 1071. Il y consacre un petit ouvrage en trois livres, ibid., col. 1071-1102. Nous avons là le premier traite ex professo sur la question, depuis saint Augustin. La question à résoudre est nette : comment avons-nous péché en Adam ? Ibid., col. 1071.

a) Définition du pe’clie’. — Pour y répondre, Odon duil d’abord définir le péché originel : le 1. I est employé à établir cette définition anselmienne : privatio justities débitée. Le péché, c’est le mal moral qui n’a pas son siège dans le corps, mais dans l’âme et particulièrement dans la volonté. Col. 1071-1072. Ce n’est point une substance, mais une privation, c’est à-dire l’absence d’une chose là OÙ elle devrait être. Col. 10731074.

Or, la créature rationnelle, telle que Dieu l’a faite, devrait toujours posséder la justice ; car elle l’a reçue,

à litre de dépôt à garder, pour le rendre a Dieu s’il

l’exige. Col. 1075. Un peu plus loin, i. il. col. 1081, i idini fait l’inventaire du dépôt qui a été confie a

l’homme : il Comprenait la raison, la liberté, le libre arbitre, afin qu’il put obtenir librement la béatitude. I, ’lui n une se trouvai ! ainsi cou si itué débiteur de cette |ustice qu’il avait revue, responsable de celle-ci, s’il l’abandonnait. Pour compléter le nombre des élus, il était doue enfin de la force de la génération naturelle.

Le mal de la nature humaine, c’est (finie la prix at ion

de cette Justice qu’elle devrait toujours posséder :

injusius quia non habes debttam essentiam justitise, idée debltam, quod accepisll, non servatam, sed sponte d

lam. ( 01 1075 D.

b) l.e problème de la transmission. Le mal du

péché originel une fois défini comme une privation, reste a en expliquer la transmission. L’explication est liée dans une certaine inclue a la quest ion de Idrigine

de l’Ame Sur ce point, Odon se trouw enfao de deux