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    1. PECHE ORIGINEL##


PECHE ORIGINEL. JEAN SCOT

incarné qui réunit à la fin tous les êtres les uns avec les autres et avec Dieu.

La méthode de Jean Scot.

Il l’expose à la fin du

1. IV du De divisione nituræ. En ce qui concerne la nature de l’homme primitif et sa chute, il s’attache aux Pères, surtout aux Grecs (Grégoire de Nazianze, .Maxime) et aux Latins (Ambroise, Augustin) pour s'élever de là à des spéculations personnelles. IV, xxvi, P. L., t. cxxii, col. 860. « La double nature de l’homme, son état avant le péché et après le péché, l’homme microcosme, l’interprétation du paradis, tout cela provient du De paradiso d’Ambroise, qui, luimême, a beaucoup emprunté au De opificio mundi de Philon, au De imagine de Grégoire de Nysse, à VHéxaméron d’Augustin (lire sans doute Basile). » É. Bréhier, Histoire de la philosophie, t. i, p. 546.

Ses raisonnements philosophiques sont inspirés d’un ultra-réalisme touchant la conception de la nature humaine. Plus encore que chez Julien d’tlalicarnasse, la nature est ici conçue comme une réalité toujours existante dans sa totalité à travers la continuité de son développement historique. Elle était présente tout entière en Adam, elle est présente tout entière dans le Christ, toujours la même sous l’incessante variété des individus qui la réalisent à travers la durée. Cet ultraréalisme conditionne ses explications de la chute et de la rédemption.

2° Création et chute collective de la nature humaine. — Tous les hommes ont été créés, en même temps et en une seule fois, avec leur corps spirituel et immortel tel qu’il sera à la résurrection, en un seul homme : tous ont péché actuellement en lui avec leur volonté propre et tous par le fait ont été expulsés avec lui du paradis.

Jean l’affirme eu 1. 1Y, c. xil, du De divisione natures, col. 799 : Omnes homines semel et simul facti sunt in illo uno homin°. Il l’avait expliqué clairement au De prsedeslinatione, c. xvi, 3, col. 419 : Cum ilaque omnium twminum universam naturam in primo homine Deus condiderit, a adhuc enim, ut ail Augustinus, ille unus omnes fuit »… reclissime creditur, quemadmodum in illo Dcus généraient humani generis creure volait subslantiam, ila et omnium hominum propriam subslituit voluntatem. Si enim in uno communis omnium et corporalis et spiritualis naturse humanse plenitudo sit constitua, necessario ei inerat singulorum voluntas propria… Non ille peccavit in omnibus, sed omnes in illo ; sicut enim ille /inhibai propriam voluntatem, ita et proprium peccatum ; etquemadmodum in illo unusquisque voluntatis suse individuum posséderai numerum, ita in illo per seipsum singulus quisque potuit proprium commiltere delictum.

Avec un tel réalisme, il est trop facile de résoudre le problème de la déchéance de tous en un seul : au lieu de se tourner vers Dieu, la nat ure universelle s’est repliée sur elle-même en un pêche d’orgueil et a entraîné la chute de tous avec m s conséquences : apparition des corps matériels qui deviennent les vêtements dis corps spirituels immuables, distinction des i génération charnelle, concupiscence ci morl De

nul.. I. II. c. xxv, col. 582 ; t. IV, c. XII, col c. xx, col. 838 ; c. xxiii, col. 848.

.'{" Définition du péché originel. — Ainsi, le péché Originel c’est le péché commun île la nature humaine, créée a l’image di Dieu : Ksi ilaque originale peccatum illud. quo Iota natura humana… leges divinas per inobeélenliam transgressa est m paradiso.. "n enim primus Adam soins pu i uni. sed omnes pin averunt, priusquam in mundum procédèrent. Hoc igitur générale peccatum originale dicitur. In Evanq. sec. Juan., fragm. i, col. 310 311.

I Conséquences du péché. Pour la nature ainsi déchue, i 'est l'éloigncment du premier principe, la chute dans l’instabilité di s choses sensibles, l’attai he

ment à l’animalité, à la concupiscence de la génération charnelle qui est la peine du péché commun. De divis. nat, t. IV, c. xii, col. 801-802 ; In Ev. sec. Joan., fragm. i, col. 310-314.

C’est pour elle, en résumé, un état de blessure dont elle ne peut guérir par ses propres moyens : Cadendo vulncratus est (homo) omnibusque naturalibus bonis, in quibus condilus erat spoliatus. De divis. nat., t. IV, c. xv, col. 811.

Capable de tomber par son libre arbitre, elle est impuissante avec lui seul à se relever : Idonea fuit per liberum arbitrium vulnerare se ; jam vero vulnerala et sauciala, idonea non est per liberum arbitrium sanare se. Ibid., c. xxii, col. 844-845. Elle fait ainsi l’expérience de la destruction de l’unité, de la paix, de l’harmonie en elle ; c’est le divorce de l'âme et du corps jusqu’au jour du retour à l’ordre primitif et à une union nouvelle. Ibid., c. xxv, col. 855-856.

5° Sa destruction commencée au baptême, achevée à la fin des temps. — Comment est guérie la blessure du péché originel ? Le Sauveur a été laissé seul dans la masse du genre humain pour guérir cette blessure : ut per illum solum semper salvum totius naturx vulnus curaretur ac per hoc ad pristinum slulum salutis totum, quod vulneralum est, restilueretur. In ev. sec. Joan., fragm. i, col. 311.

Le péché originel et tous les péchés, commis après le baptême, sont remis de telle sorte qu’ils n’existent plus : Ibid. Mais, cependant, cette purification estelle totale ou en espérance seulement ? Pourquoi, si la cause du péché originel est totalement extirpée, ses effets, la concupiscence entre autres, sont-ils encore là? Jean Scot répond en disant que la nature humaine n’est pas complètement débarrassée du péché d’origine ; cela n’arrivera qu'à la fin du monde où le péché originel, cause de la mort, sera détruit enfin avant elle. Ibid., col. 313.

Mais alors que donne le baptême ? — La culpabilité (realus) est enlevée, niais le péché demeure : rcutus solummodo originalis peccali » er baptismum laxatur, manente adhuc originali peccato. Aliud enim est sagiltam au/erre de vaincre, uliud postea vulnus sanure. Hoc igitur totum est quod nobis gratia bapiismatis conferl. Ex rcalu enim peccali nos libéral. Ibid., col. 313-314. Ici, un ultra-réalisme lui fail séparer l’entité péché originel du realus de celui ci. Au lieu de dire, avec saint Augustin : « dans le baptisé la culpabilité de la concupiscence i i < nlevée, mais l’acte de la concupiscence demeure ». il dit : le péché originel demeure et sera seulement détruit à la fin des temps. »

G Influence de Scot. - Par rapport à la tradition antérieure, Jean Scol nous apparaît, dans sa doctrine du péché originel, beaucoup plus comme un écho, al I, ii de au milieu du IXe siècle en < (aident, des conceptions grecques des disciples d’Origène, que comme un continuateur de la pensée d’Augustin. Il en a cons I il nce en ce qui concerne ses idées sur la première

condition des corps spirituels avanl le péché ; s’il s'écarte de l 'évoque d’Hippone, c’est que ses spéculalions personnelles s’accordent mieux de la penséi saint Grégoire de Nysse. Sur ce point, il ne fera pas C’est surtout par sa traduction des Noms divins du pseudo-Œnys qu’il fera connaître en occident i Idée que le mal originel est mu défection et une priai Ion de la rcci il mie primitive.

Son ultra réalisme, dans un sens adouci, ne sera pas

sans Influence toutefois sur les conceptions de saint

Anselme touchant la justice et le péché originel, Cf,

Kors. op. cit., p. 23, le même point de vue

i rouvera chez Odon de Cambrai, Honorais d’Au<

tun, etc. Anselme et ses disciples ne donneront point évidemment dans l’idée Fausse de la double condition de l’homme et de la préexistence des volontés indivi-