Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 12.1.djvu/22

Cette page n’a pas encore été corrigée
29
30
PAUL V


veut justifier sa résistance : elle fait appel à des juristes de Milan et de Padoue, surtout elle s’attache le servite Paolo Sarpi, né à Venise en 1552, un des plus grands agitateurs que l’Église ait jamais connus. Sûr de l’appui de la République, qui en fait son théologien consulteur aux appointements annuels de 200 ducats, Sarpi place la querelle sur le terrain doctrinal, en fait une lutte de principes sur les rapports de l’Église et de l’État. Il refuse au pape tout pouvoir temporel et au clergé toute situation privilégiée dans l’État. Suivant ses conseils, le Sénat soutient que le gouvernement temporel reçoit immédiatement de Dieu pouvoir sur les affaires ecclésiastiques, que les censures portées par Paul V doivent être considérées comme non existantes. Il n’est donc pas nécessaire d’en appeler à un concile général. Le Sénat, considérant que les censures sont nulles, n’a qu’à en empêcher la publication.

De fait, tout est mis en œuvre pour que les censures pontificales ne viennent pas à la connaissance du public : défense, sous peine de mort, de les publier, ordre donné aux curés de livrer sans les ouvrir les écrits venant du Saint-Siège. Le 6 mai, le doge adresse une instruction à tout le clergé, Cornet, op. cit., p. 71 sq., protestant contre les censures et affirmant que dans les choses temporelles il ne reconnaît d’autre supérieur que Dieu. Il ordonne de continuer l’exercice du culte, sous peine d’exil.

Malgré les précautions prises, les censures sont connues : elles eurent peu d’effet. Les évêqucs excusent leur désobéissance par la menace de mort. Le bas clergé, très relâché, ne pouvait offrir aucune résistance. Le clergé régulier n’était pas meilleur : les religieux vénitiens sont dépeints, au temps de Paul V, comme « la honte et la lie de tous les ordres ». L. Pastor, op. cit., t. xii, p. 100. Il y eut cependant des exceptions. Les jésuites reçurent de leur général Acquaviva l’ordre d’obéir à la bulle ou de quitter Venise. Cf. Juvencius, Historiée, societatis Jesu pars quinla, t. ii, Rome 1710, p. 104. Le Sénat, par une loi du 14 juin 1606, les exclut pour toujours du territoire de la République. Les capucins et les théatins, qui se soumirent à l’interdit, demandèrent et obtinrent la permission de partir.

Pour empêcher l’observation de l’interdit, les écrits justifiant la Seigneurie se multiplient. L’université de Padoue publie trois rapports de juristes, voir Goldast, Monarchia romani imperii, p. 310-367 ; Sarpi édite deux écrits de Gerson sur la résistance aux abus de la puissance pontificale et à l’excommunication, puis il publie ses Observations sur les censures de Paul V contre la République de Venise, réfutant la bulle du 17 avril, son Traité sur l’interdit, publié au nom de six autres théologiens de la République, Bcllarmin répond à un pamphlet de l’ex-jésulte Marsiglio et aux écrits de Sarpi. Sommervogel, Bibliothèque de la Compagnie de Jésus, t. i, p. 1208 sq. Le cardinal Gætani, Baronius entrent dans la lice. Gretser compte, en 1607, 28 écrits en faveur de Venise et 38 pour le pape. Cf. Consideralioniun ad theologos Venelos libri lit. [ngolstadt, n>i’7. Opéra omnia, t. vii, p. 425-427. Le résultat cherché était atteint. Le peuple prenait p.irti pour la République. On continuait l’exercice du culte, sans tenir compte de l’interdit, les offices étaient plus suivis que par le passé.

L’excitation <les esprits était d’autanl plus dangeque le gouvernement cherchait des appi l’extérieur. On arme’les deux côtés. Le 16 mai 1606,

l’ambassad nglais a Venise donne l’espérance

d’une illl rotes

tantes. Cf. Niirnbcrger, Papst l’uni V, und da » penezianische Interdit. !, dans Uistor. Jahrb., t. iv, 1883, p. 176 s’i ou comptait aussi sur la niais Henri IS’avait nettement déclaré, dès le début du conflit, qu’il serait pour le pape contre tous sans exception, pour Venise contre tous, sauf le pape. Rome prévoyait la guerre et s’y préparait. L’Espagne mit ses forces à la disposition du pape ; l’empereur Rodolphe II, craignant de voir Venise devenir une nouvelle Genève, leva également des troupes.

3. Négociations et fin du conflit.

La situation devenait critique pour la République. Elle se rend compte qu’un accord lui sera plus profitable que la guerre. N’ayant pu conclure une alliance avec la France, elle accepte sa médiation. Déjà, au cours de l’année 1606, bien des pourparlers avaient eu lieu : les gouvernements de Henri IV et de Philippe III s’étaient entremis auprès de Rome et de Venise. Ces interventions n’avaient fait que mieux ressortir l’opposition des deux partis en présence. A Rome, on exigeait de Venise l’envoi d’un ambassadeur pour demander la levée des censures, la suppression des deux lois, la livraison des deux ecclésiastiques, le retour de tous les religieux, y compris les jésuites. Venise acceptait de remettre les prisonniers entre les mains de l’autorité ecclésiastique, de laisser rentrer les religieux, sauf les jésuites ; elle refusait de supprimer les lois et exigeait la levée des censures avant l’envoi d’un ambassadeur.

A la fin de janvier 1607, Henri IV proposa à l’ambassadeur de Venise de se porter lui-même garant de la suspension des lois en litige, à condition que la République lui donnât quelque signe que sa parole ne serait pas sans effet. Le cardinal de Joyeuse qui se rendait en Italie reçut ordre de se tenir prêt à agir comme médiateur. De fait, au début de février, il se rend à Rome, où Paul V lui donne ses instructions : observation de l’interdit jusqu’à la levée des censures, promesse de modifier les lois dans un temps déterminé, acceptation nette de la caution du roi de France.

Les négociations furent laborieuses. Le 14 mars le Sénat donne aux rois de France et d’Espagne l’assurance qu’il ne se départira pas, dans l’application des deux lois, de son ancienne piété et religion. Mais il demeure intransigeant sur le rappel des jésuites. Le pape, de son côté, ne veut pas les abandonner. Le général Acquaviva lui conseilla de conclure la paix sans considération pour son ordre. De plus, en acceptant de livrer les deux ecclésiastiques, la Seigneurie prétendait réserver ses droits de juridiction.

En liii, le 1 er avril, le cardinal de Joyeuse et l’ambassadeur français d’Alincourt, présentent au pape deux documents. Dans le premier, l’ambassadeur demande au nom de son roi et de Venise la levée des censures : la République regrette le passé, désire rentrer en grâces auprès du pape et est prête à donner satisfaction. Dans le second, Joyeuse et d’Alincourt promettent au nom de Henri IV que les prisonniers seront livrés, que les lois ne seront pas appliquées, que la protestation contre l’interdit et l’écrit du doge seront retirés en même temps que les censures seront levées, que les religieux qui ont fui à cause de l’interdit pourront rentrer. Le 9 avril, Joyeuse arrive à Venise. muni d’instructions et de brefs, datés du 4 avril, pour la réconciliation.

Elle a lieu le 21 avril : jusqu’à la dernière minute, la République s’est refusée à observer l’interdit ; les prisonniers furent livrés, avec réserve relative à la compétence de la Seigneurie sur l< tiques, a

l’ambassadeur français, qui les remit au cardinal, sans mention de la communication fut alors faite

nu doge et au Sénat de la levi sures. Ie car dinal célébra une messe solennelle après l’absolution. Il n’y cul aucun ai le explicite de retrait de la proi tion du doge « outre l’interdit : elle n’avait pli raison d’être, disait le Sénat, par le fait même de la