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PÉCHÉ ORIGINEL. LE CONCILE D’ORANGE


augustinienne touchant l’impossibilité du libre arbitre déchu à se relever seul, la nécessité absolue de la grâce pour que celui-ci retrouve son efficacité.

C. i. Que dans le péché d’Adam tous les hommes aient perdu leur puissance naturelle (de mériter) avec l’innocence, ne puissent s’élever de cet abîme par les seules forces du libre arbitre, si la grâce de Dieu ne les en retire, c’est le jugement d’Innocent.

C. iv. Personne ne peut bien user du libre arbitre si ce n’est par le Christ. Tel est l’enseignement du même docteur dans sa lettre au concile de Milève.

C. v. Tous les efforts, toutes les œuvres et tous les mérites des saints doivent être rapportés à la gloire et à la louange de Dieu, puisque personne ne peut lui plaire sinon par ce qu’il a lui-même donné. Conclusion du pape Zosimc.

C. vu. Ce qui fut établi par le concile de Carthage nous le recevons comme la doctrine du Siège apostolique, spécialement ce qui fut défini dans les 3°, 4e et 5e canons.

C. vin. La règle des prières dépose dans le sens de la nécessité de la grâce.

C. ix. Les exorcismes pratiqués avant le baptême sur les enfants et les jeunes gens montrent que le démon est chassé hors d’eux et qu’ils sont transférés en propriété au Christ par le fait du sacrement de la régénération.

Enfin, selon la doctrine augustinienne que la grâce, loin d’abolir la volonté, la refait bonne et la libère, voici la conclusion : tous les mérites sont précédés par la grâce et certes ce secours ne nous enlève pas le libre arbitre, mais le libéra. A noter enfin les restrictions concernant les questions plus ardues et plus profondes qui sont objet de controverses et dont il n’est pas nécessaire d’imposer la solution.

2° Élimination progressive de l’erreur dzs « Marseillais ». — - Cette erreur, sur les forces du libre arbitre déchu, sera progressivement éliminée grâce à l’activité doctrinale de saint Prosper, de saint Fulgence de Ruspe, du pape Hormisdas, de saint Césaire. Ce dernier en provoqua la condamnation au concile d’Orange.

1. Action de Prosper d’Aquitaine.

Dès les dernières

années de l’évêque d’Hippone, et durant cent ans, dans certains milieux du sud de la Gaule, des évêques et des moines, en relation plus ou moins étroites avec le monastère de Lérins, tout en rejetant l’erreur de Pelage, critiquent cependant quelques thèses augustiniennes sur l’incapacité absolue de la nature déchue par rapport au bien, et veulent faire une place plus large à la liberté de l’homme dans l’acquisition du salut. Saint Prosper et saint Hilaire décrivent ainsi leurs idées sur le péché originel et ses suites : Tout homme, il est vrai, a péri en Adam, et personne ne saurait se racheter par son libre arbitre. Mais il n’est personne dont la volonté soit tellement alanguie qu’elle ne doive et ne puisse vouloir être guérie. Le malade ne veut-il pas le médecin ? il apporte sa confiance, le médecin donne le remède. Inter August. epist., ccxxv, 3 ; ccxxvi, 2, 4, P. L., t. xxxiii, col. 1002, 1007 sq. Les « Marseillais », qu’on appellera plus tard semi-péla^iens, plaçaient ainsi dans l’homme le commencement du salut.

C’est alors que, sous la sollicitation de ses disciples, saint Augustin écrivit le De prædestinalionc sanctorum et le De dono perseoerantite. Après la mort du grand docteur, saint Prosper défendra la doctrine du maître dans le De ingralis, P. L., t. li, col. 91-148, dans les deux Epigrammata in obtreclatorem Augustini, ibid., col. 149-152, dans le Liber contra collatorem, col. 213276.

2. Affaire des écrits de Fausle de Riez.

Plus tard, l’évêque Fauste de Riez, sur le conseil du synode d’Arles (470), où il avait fait condamner l’erreur pré destinatienne de Lucidus, écrivit un traité théologique sur la question controversée, le De gratia, I’. L., t. lviii, col. 783-836.

Il y repousse fortement la doctrine de Pelage. Tous les hommes, déclare-t-il, ont le péché originel qui leur est transmis ex generantis voluplate, et sont soumis à la mort, I, i, col. 786 ; I, il. col. 788 ; à la mort du corps et non à celle de l’âme, précise-t-il dans sa lettre à Paulin, Epist., iv, dans P. L., t. lviii, col. 848. Par ailleurs, il semble bien accorder à la volonté l’initiative dans l’œuvre du salut, tout en reconnaissant un affaiblissement des forces du libre arbitre. De gratia, I, ix, ibid., col. 795-796.

Ces idées, tout d’abord, ne firent pas scandale, et circulèrent, durant toute la fin du Ve et au commencement du vie siècle dans les milicv.x provençaux. Cf. Gennade de Marseille, De ecclesiasticis dogmalibus, P. L., t. lviii, col. 979-1000.

Vers 520, à Constantinople, elles étonnèrent cependant les moines scythes qui firent demander à Rome quelle était l’autorité de Fauste. La réponse du pape Hormisdas est claire : les écrits de Fauste ne sont pas reçus, c’est-à-dire n’ont point d’autorité ; la doctrine de la grâce doit être cherchée dans les ouvrages de saint Augustin, dans ceux d’Hilaire et de Prosper, plus sûrement encore dans ces capitula ecclésiastiques conservés dans les archives romaines, probablement les capitula cités plus haut. Epist., lxx, P. L., t. lxiii, col. 490-493.

3. Saint Fulgence.

- Consulté aussi avec ses collègues africains, par les représentants des moines scythes, l’évêque de Ruspe, saint Fulgence, répondit en approuvant ces défenseurs d’Augustin, d’abord dans une lettre, Epist., xvii, P. L., t. lxv, col. 451493 ; plus tard, après 523, dans une nouvelle lettre, Epist., xv, col. 435-442 ; puis, dans un traité perdu contre Fauste ; enfin, dans le traité De verilate preedeslinationis et gratise, ibid., col. 603-672.

Il est facile de dégager de ces documents les idées que saint Fulgence opposait à Fauste sur le péché originel et ses suites. Le péché originel, originale peccatum, parentalis macula, est transmis par la concupiscence dans l’acte de la génération, mundus homo non nascitur, quia interoenienle libidine seminatur. De verit. prxd., i, iv, 10, col. 608. Ainsi, le genre humain soumis à cette génération est-il impliqué dans une universelle condamnation. Même les enfants sont condamnés gehennali incendio, interminalibus ignis œlerni pœnis. I, xi, 31, col. 619 ; Epist., xvii, 28, col. 469. C’est par pure miséricorde, sans considération des œuvres futures, que Dieu prédestine les uns. laisse les autres dans la massa damnata : ab illa igitur massa damnata nemo futurorum præscientia operum discernitur ; sed miserantis fig.li ope atque opère segregatur. De verit. prxd., i, ni, 7, col. 603. L’homme déchu demeure sans doute en possession du libre arbitre, mais il lui faut la grâce pour l’utiliser pour le bien. De verit., t. II, tout le début. Ainsi l’homme est incapable, laissé à lui-même, de mériter les premiers secours surnaturels ; Dieu les donne à qui il veut par pure miséricorde.

Saint Fulgence présente la doctrine traditionnelle du péché originel sous la forme de l’augustinisme le plus strict, en des thèses schématisées qui accusent encore davantage, par leurs raccourcis, les aspects rigides de la doctrine du maître. Pour être jugée correctement, la doctrine du disciple comme celle du maître a besoin d’être remise dans la synthèse à laquelle elle appartient, et où la rédemption trouve une grande place.

Ajoutons, cependant, qu’à certains points de vue secondaires la pensée de Fulgence ne cadre pas totalement avec les positions doctrinales qui allaient être