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PÉCHÉ ORIGINEL. DOCTRINE DE S. AUGUSTIN


bilité : Non enim et hoc effet peccatum c/und originale traherctur sine opère liberi urbilrii i/uo primat homo peccavit. Cont. Jul., VI, x, 28, t. xi.iv, col. 838. Et encore : Illo mdgno primi kominis peccato, natura ibi nostra in delcrins commutata, non solum fada est peccatrix, sed gênerai peccatares, De nupt.. II, xxxiv, 57, t. xliv, col. 471.

b) Celte culpabilité dans laquelle la nature déchue est impliquée solidairement, avec Adam, n’est pas une simple imputation du péché de noire premier père, qui pourrait pareillement être enlevée par une non-imputation. Elle s’appuie, au contraire, sur notre unité réelle avec la personne d’Adam en vertu du semen générateur. Kors, op. cit., p. 16, n. 7. Un avec lui au moment de la prévarication, nous avons voulu en lui et avec lui le désordre moral de notre nature.

Cette unité existait naturellement et virtuellement quand Adam a péché : Pcr unius illius malam voluntatem omnes in eo peccaverunt, quando omnes Me unus fuerunt, de quo propterea singuli peccatum originale iraxerunt. De nupt., II, v, 15, t. xliv, col. 444. Et encore : In Adam omnes tune peccaverunt, quando in ejus natura, Ma insita vi qua eos gignere poterat, adhuc omnes Me unus fuerunt. De pecc. mer., III, vii, 14, col. 194. Et ailleurs : Omnes ex uno homine, tanquam in massa originis commune Mud habent peccatum. Cont. Jul., III, xviii, 35, col. 720-721.

Cette unité dans la solidarité coupable de la race s’actualise et s’étend par le vice de la génération, c’est-à-dire par la concupiscence qui l’accompagne.

c) C’est, en effet, la génération, en tant que dominée par la concupiscence, qui établit comme par contagion le rapport qui nous unit au péché personnel d’Adam. En face de Julien qui l’accuse de méconnaître la sainteté de l’institution divine du mariage en vue de la propagation de l’espèce, Augustin distingue entre la source de la génération qui est sainte et la concupiscence qui l’accompagne : celle-ci seule est mauvaise et produit le péché originel : Sic insinuantur hsec duo, et bonum laudandse conjunctionis unde ftlii generentur et malum pudendw libidinis unde qui generantur regenerandi sunt, ne damnentur… Neque nunc agitur de natura seminis, sed de vitio. Illa quippe habet Deum auctorem, ex islo autem trahitur peccatum originale. De nupt., II, xxi, 36, t. xliv, col. 457.

Plus tard, dans VOpus imperf., II, 42, t. xlv, col. 1160, il dira de même en parlant de la concupiscence : « Voilà la cause qui transmet le péché originel : voilà pourquoi celui qui est venu pour effacer nos péchés n’a pas voulu naître de la concupiscence. »

Même les parents baptisés, bien qu’ils n’aient plus la faute héréditaire, procréent néanmoins des enfants coupables, parce qu’ils les engendrent dans la concupiscence. De pecc. mer., II, ix, 11, t. xliv, col. 158. Ainsi engendrés dans la concupiscence, ces enfants en portent comme par contagion la souillure dans leur corps ; mais il ne s’agit pas que d’expliquer la souillure de l’organisme, il faut expliquer l’implication de l’âme dans la souillure de la nature. Nous avons vu quelles hypothèses proposait dans ce but l’auteur du De libero arbitrio ; en face des pélagiens son esprit hésita jusqu’à la fin entre deux hypothèses : ou l’âme comme le corps vient des parents souillés : ou bien l’âme créée immédiatement par Dieu, en entrant dans le corps comme dans un vase impur, est souillée par son contact ; mais alors il faut expliquer pourquoi Dieu permet cette dégradation : et il faut admettre que l’arrêt divin contient une partie cachée. Cont. Jul.. Y, iv, 17, t. xliv, col. 70 1.

Comme philosophe néo-platonicien, Augustin sentait la force des objections que l’on peut élever contre le traducianisme : « Se représenter, disait-il, l’âme de l’enfant sortant de l’âme du père, à la façon d’une

lumière allumée à une autre lumière, voila ce qui paraît impossible. Episl., exc, 15, t. xxxili, col. K02. Comme théologien, il voyait les difficultés du créatianisme pour expliquer la transmission du péché originel : « Enseignez-moi, écrivait-il à saint Jérôme en 419, comment les âmes des petits enfants peuvent pécher en Adam, à supposer qu’elles soient créées au moment de leur entrée dans le corps, et, si elles ne pèchent pas, enseignez-moi comment le Créateur avec justice peut leur imposer une faute qui leur est étrangère, i EpisL, clxvi, 10, t. xxxiii, col. 725..Mêmes hésitations, en 419, dans le De anima et ejus origine, I, vi, t. xliv, col. 477, et encore dans Retract., t. i, 3, t. xxxii, col. 587. Ce qui lui importait d’ailleurs par-dessus tout, c’étaient les certitudes de la foi : la question philosophique de la provenance de l’âme lui apparaissait comme une de ces questions que l’on peut laisser en suspend : Jsla /ides non negetur, et hoc quod de anima palet, aut ex otio dicitur, aut sunt alia in hac vita, sine salutis labe nescitur. Cont. Jul., Y, iv, 17, col. 794.

Quoi qu’il en soit des hésitations d’Augustin sur la façon d’expliquer l’infection de l’âme dans la génération, le grand docteur a toujours tenu ferme ce principe : c’est la nature propagée par la génération qui nous rattache au péché personnel d’Adam : c’est l’unité de cette nature qui fonde la solidarité de tous dans la culpabilité d’un seul. « C’est en raison de cette solidarité que l’humanité est tout entière une « masse de perdition ». La personne d’Adam a fait la nature pécheresse, puis c’est la nature qui nous fait pécheurs : nous ne sommes coupables que par la culpabilité de la nature en nous, qui, à son tour, n’est coupable que par la volonté du premier homme dans lequel cette nature se trouvait tout entière. Nous portons donc notre propre péché pour autant que nous portons notre propre nature : d’autre part, cependant, c’est le péché d’un autre que nous portons, puisque nous ne l’avions pas commis de notre propre volonté personnelle : le péché originel est donc un vrai péché de la nature, vitium naturæ. » J.-B. Kors, op. cit., p. 20 ; cf. Cont. Jul., VI, x, 29, t. xliv. col. 839 : Opus imperf., I. 57 et 85, t. xlv, col. 1079, 1105.

Cette doctrine, dans sa substance, sera reçue dans la tradition ecclésiastique postérieure. L’Église expliquera le fait de la transmission du péché de nature par le lien de la génération : elle ne suivra point cependant jusqu’au bout saint Augustin, en particulier dans sa thèse sur le rôle de la concupiscence touchant la transmission du péché. Par leurs analyses approfondies, les grands scolastiques du xiii siècle établiront que le seul fait de naître fils d’Adam par la génération naturelle suffit à établir le rapport de solidarité avec la culpabilité du premier homme, et à fonder ainsi l’universalité du péché originel dans la nature humaine.

A exagérer le rôle de la concupiscence dans la transmission de la souillure originelle, il y avait d’ailleurs un péril : celui de déclarer souillée toute personne venue par la voie de la concupiscence et à n’excepter du sort commun de l’humanité que le Christ, né de la Vierge par l’action du Saint-Esprit. La logique de cette exagération a pu arrêter longtemps, dans l’esprit des grands augustiniens, l’affirmation du privilège de l’immaculée conception de Marie, alors que leur piété proclamait, à l’endroit de la Vierge, le principe très général de l’exemption de tout péché. Cf. Tixeront, op. cit., t. n. p. 472 ; Ph. Friedrich, DieMariologie des h. Augustinus, Cologne. 1907. p. 183-233.

d) La concupiscence s’identifie-t-elle avec le / échè originel ? — Conformément à cette doctrine augustinienne qui explique la culpabilité de la nature déchue par une participation à la volonté prévaricatrice d’Adam, la concupiscence et l’ignorance comme telles