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373 PÉCHÉ ORIGINEL. S. AUGUSTIN AVANT LE PÉLAGIANISME 374

de la Genèse et des épîtres de saint Paul, il va saisir progressivement le mystère de la chute et de la grâce.

2° Augustin est amené occasionnellement et progressivement à affirmer la doctrine de la chute contre les manichéens (de 386 à 397). — 1. Le « De moribus Ecclesiæ ».

— - Dans ce traité, écrit en 388, peu de temps après sa conversion, Augustin reconnaît l’existence de la prévarication d’Adam avec son rejaillissement sur toute sa postérité, et son caractère mystérieux. In Adam quippe omnes morimur, I, xix, 35, t. xxxii, col. 1326 ; et un peu plus loin : Corpus hominis gravissimum vinculum est, justissimis Dei legibus, propter antiquum peccatum, quo nihil ad prsedicandum notius, nihil ad intelligendum secretius. I, xxii, 40, col. 1328.

2. Le * De Gencsi contra manichœos » (388) réfute les manichéens, en se plaçant sur le terrain de l’Ancien Testament et en interprétant le récit de la création et de la chute à la manière allégorique d’Ambroise, d’Origène et de Philon.

Tout en insistant sur le caractère changeant, parce que créé, de l’esprit du premier homme, Augustin se représente son corps avant la chute comme quelque chose de transparent et de céleste, n’ayant point besoin de nourriture, ne connaissant point d’inclination sexuelle, parce que sa fécondité était toute spirituelle.

I, xix, 30, et II, xi, 15, t. xxxiv, col. 187 et 204. [Le De bono conjugali, en 401, montre encore

Augustin hésitant entre la solution qui attribue à Adam un corps éthéré et celle qui admet l’hypothèse de la propagation par voie de génération, ii, 2, t. xx, col. 374. Par contre, les Rétractations, I, x, 2, t. xxxii, col. 599, écarteront nettement l’interprétation du De Genesi contra manichœos, d’après laquelle l’ordre divin, crescite et multiplicamini, aurait visé une fécondité pureunnt spirituelle, à laquelle le péché n’aurait donné que plus tard un caractère charnel. ]

C’est par un abus du libre arbitre, par un péché d’orgueil, par une vaine complaisance en sa propre puissance qui le pousse à être semblable à Dieu et à violer le précepte divin, qu’Adam a perdu ce qu’il avait reçu de Dieu sans pouvoir usurper ce qui lui avait été refusé : Non enim accepil hominis nattira ut per suam potestatem Dco non régente beata sit ; quia nullo régente, per sutim potestatem beatus esse solus Deus potest. De Gen. cont. man., II, xv, 22, t. xxxiv, col. 208.

Les conséquences désastreuses de la faute sont surtout affirmées ici du corps. Les tuniques de peau dont Dieu revêtit nos premiers parents coupables symbolisent la transformation profonde de leur organisme qui devint alors mortel. II, xxi, 32, col. 212.

La sentence de la Genèse qui condamne l’homme au travail et à la souffrance doit s’entendre de la vie présente. Quant à l’autre vie. ou bien il aura cultivé comme il faut le champ de sou âme ici-bas et il n’y aura pas de nécessité de souffrir dans l’au-delà ; ou bien il aura laissé pousser les épines dans son champ et alors ce sera le feu purificateur ou la peine éternelle.

II, xx, 30. col. 212.

II. L/-.’TRAITÉ « l)K LIBER0 ARBITRIO >. Le Dr

librn arbitrio, commencé a llome en 3.X8, achevé à Hipponc vers’. 15,.i la différence du De <imri contra maniclveos qui éclairait surtout le problème du mal par le récit de la Genèse, se place, pour résoudre cflni ri. m face d’adversaires qui répudiaient l’Ancien restament, sur le terrain de la raison et de l’expé rien »

1° Le problème. Dis cette époque, d’une part, la

in d’Augustin le met en face d’un Dieu bon cl

Juste et, de l’autre, son expérience lui révèle la misère

réatures raisonnables condamnées </ l’ignorance,

à In difficulté dr faire In bien ri à la mort. III.. 31 ;

xiv. 54 ; x, 55 58, t. xxxii, col 1286, 1297-1298. De

problèm : comment une créature bonne, au sortir

des mains de Dieu, est-elle ainsi tombée en un état si misérable ?

Augustin sait déjà par la révélation qu’un tel état a un caractère pénal, consécutif à la faute d’Adam, qu’il n’est point conforme au plan primitif du Créateur, qu’il ne va pas sans une participation mystérieuse de tous à la faute originelle. Le péché d’Adam a entraîné pour toute l’humanité de justes peines, in qua (natura) ex illius damnati poena, et mortales et ignari et carni subditi nascimur. III, xix, 54, t. xxxii, col. 1297. A la suite du premier homme, toute sa race est devenue pécheresse et, comme telle, elle est tombée légalement sous l’empire du démon : (Diabulus ) omnem prolem primi hominis lanquam peccatricem legibus mords… jure a’quissimo vindicabat. III, x, 31, col. 1286. Si d’ailleurs, remarque notre docteur, Dieu a créé une seule âme dont sortent successivement toutes les autres, quel homme peut dire qu’il n’a pas péché en même temps que le premier père ? III, xx, 56, col. 1298.

Il ne suffit pas d’affirmer que la mort, l’ignorance et la difficulté ne sont pas conformes au plan primitif du Créateur et ont un caractère pénal ; il faut justifier Dieu rationnellement d’avoir requis cette puni tion ; Augustin le fait en établissant que, même indépendamment de toute pénalité originelle, un tel état est assez bon pour avoir pu être, si Dieu l’avait voulu, l’état primitif. Même créé en cet état misérable, l’homme devrait encore louer Dieu et rejeter l’explication manichéenne de son origine.

Augustin pose ainsi le problème : qu’avons-nous fait, nous malheureux, pour naître dans l’aveuglement de l’ignorance et dans le tourment de la difficulté, de sorte que nous nous égarions d’abord, ignorants de ce qu’il faut faire, et qu’ensuite, lorsque les préceptes de la justice commencent à nous être révélés, nous voulions les accomplir et que nous ne le puissions pas, à cause de je ne sais quelle résistance contraignante de la concupiscence charnelle ? III, xix, 53, col. 1296.

Les réponses.

1. Voici d’abord la réponse

générale qu’il propose : elle suffit pour le croyant et ôte à l’incroyant le droit de triompher ou même de sourire du dogme catholique : « Il était juste que nos premiers parents, ayant péché, transmissent à leurs descendants la nature humaine dans l’état où ils l’avaient réduite… ; il était convenable que ce qui était une peine méritée devînt chose de nature chez les enfants. » III, xx, 55, col. 1297. Cf. G. Boyer, Dieu pouvait-il créer l’homme dans l’état d’ignorance et de difficulté ? Étude de quelques textes augustiniens, dans Gregorianum, t. xi, fasc. 1 (nous nous inspirons ici des conclusions de cette étude).

2. Mais Augustin précise davantage et nuance sa réponse d’après les hypothèses alors imaginées pour expliquer les rapports originels de l’âme avec le corps.

l’e hypothèse. — Une seule âme a été créée directe ment, toutes les autres venant de celle-là par voie de génération. Dès lors, notre étal malheureux s’explique par le fait que toutes les âmes proviennent de l’âme pécheresse d’Adam, ont, par suite, péché avec elle et en elle, et ont encouru justement les mêmes peines. Cf. III, x, 56, col. l’i'.t.S.

$ hypothèse. Les âmes sont créées par Dieu au

moment de la formation de chaque individu humain : dès lors, « en quoi serait il indigne de I Heu de manil’i s ter l’excellence de l’âme humaine en montrant que ce qui a été pour une âme, celle d Adam, l’abottlisse rnrnl il’unr chiite, puisse cire pour une autre. Celle

d’un enfant d’Adam, un point île départ Pourquoi, en effet, l’ignorance al la difficulté turent elles pour

Adam 11Il châtiment, sinon pane qu’elles BUCcédail Ol à un état meilleur’.' Mais une âme qui n’aurait pas BU

d’étal meilleur et qui. des le premier moment de son