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371 PÉCHÉ ORIGINEL. S. AUGUSTIN AVANT LE PÉLAGIANISME 372

ou de sa mort. Tant qu’il persévéra dans l’obéissance au Créateur, il lut digne de manger de l’arbre de vie pour ne point mourir. Car le corps de l’homme n’était point tel qu’il lui fût impossible de connaître la dissolution : mais il avait à sa portée le remède de l’arbre de vie. Le jour où il s’abandonna au péché, en se privant du remède de l’arbre de vie, il fut mortel. Q. xix, P. /… t. xxxv, col. 2227.

Dans la q. i.xxxi, il traite de la nécessité du baptême et en démontre le fondement dans le fait que la mort règne sur tout le genre humain, aussi longtemps que le signe de la victoire sur la mort ne délivre point celui qui en est marqué et ne lui ouvre le ciel : anima enim quæ nascitur in rorpore vel cuni cor pore, subdita morti inventée ab Adam, nisi signum acceperit eoictie mortis, tartarum inferni non evudil. P. L., t. xxxv, col. 2275. Ainsi, ceux qui deviennent chrétiens portent le signe qui préserve de la mort seconde ; mais ils n’échappent pas à la mort présente qu’Adam leur a transmise. « Quant aux enfants, bien qu’ils soient innocents, ils sont baptisés pour que leur âme radis (grossière) ait sur son corps le signe de la défaite de la mort, afin de ne point être retenue sous l’empire de cette dernière. » Ibid., col. 2275.

Notre auteur peut appeler « innocents » les enfants non baptisés, sans doute par rapport aux fautes personnelles ; il n’en reconnaît pas moins qu’ils sont sous l’empire du démon et de la mort, aussi longtemps qu’ils n’ont point le signe de la délivrance. Il fut réservé au Sauveur de triompher de la mort et d’ouvrir le ciel à ceux qui ont reçu son signe, c’est-à-dire le baptême.

Autres auteurs.

A côté de l’Ambrosiaster et

après lui, avant saint Augustin, nous ne trouvons plus rien de net sur le péché d’origine.

Avant la controverse pélagienne, dès 394, dans un commentaire sur Jonas, In Jon., iii, 5, P. L., t. xxv, col. 1141, saint Jérôme écrit : Si enim stellæ non sunt mundæ in conspectu Dei, quanto magis vermis et putredo et lii qui peccato offendentis Adam tencntur obnoxii.

Plus tard, en 415, à la fin des dialogues contre les pélagiens, ni, 18, P. L., t. xxiii, col. 588, son langage sera le même : omnes homines aut antiqui propaguloris Adam aut suo nomine, tenentur obnoxii.

Saint Hilaire déclare d’une façon générale qu’en Adam nous avons tous erré, parce qu’il nous contenait tous. In Malth., xviii, 6, P. L., t. ix, col. 1020 B. Dans le même sens, Pacien écrit dans le De baptismo : Adam, postquam peccavit, addictus est morti. Hsec addictio in genus omne devenit, in quo omnes peccaverunt. P. L., t. xiii, col. 1090. « Il se peut d’ailleurs, fait remarquer Tixeront, qu’il s’agisse seulement ici de la concupiscence. » Op. cit., t. ii, p. 278, n. 7.

III. Saint Augustin avant la controverse pélagienne. — C’est surtout par son activité doctrinale dans la lutte antipélagienne que l’évêque d’Hippone mérite le titre de docteur du péché originel et de la grâce ; c’est alors particulièrement qu’il assumera la tâche de défendre, d’expliquer, de faire définir la doctrine reçue sur le péché originel. Mais, il ne faut point l’oublier, bien avant 412, dès le lendemain même de sa conversion, Augustin s’est montré le fidèle témoin de la tradition, en opposant à l’explication manichéenne de l’origine du mal par un principe mauvais, la solution chrétienne de cette question par le dogme de la chute originelle. Le problème du mal a toujours été à l’horizon de sa pensée : tout contribuait à lui donner une actualité aiguë dans l’âme d’Augustin, la tournure métaphysique de son génie, les expériences douloureuses de sa conscience, la place prépondérante que cette question tenait dans les systèmes manichéens et platoniciens du moment.

Certes, le point de vue de l’adversaire des manichéens qui niaient le libre arbitre n’a pu être celui du

défenseur de la déchéance contre les pélagiens qui exagéraient les forces de la nature : toutefois, malgré la variété de ses perspectives, le docteur d’IIippone a maintenu pendant sa longue carrière la continuité substantielle de sa doctrine. Il défendra cette continuité, vers 420, contre Julien qui la mettait en doute : « Depuis le commencement de ma conversion, j’ai toujours cru ce que je crois aujourd’hui, a savoir que par un seul homme le péché est entré dans le monde et par le péché la mort, et qu’ainsi le péché dans lequel tous ont péché est [tassé a tous les hommes. » Cont. Jul., VI, xii, 39, P. L., t. xi.iv, col. 843.

L’étude directe des livres antérieurs à la controverse pélagienne est d’une exceptionnelle importance pour attester encore aujourd’hui que l’assurance d’Augustin n’était pas vaine et que les accusations pélagiennes étaient fausses. Dès avant l’erreur de Pelage, Augustin était en possession des principales vérités qu’il développera et défendra contre celui-ci.

Ce n’est point à dire que, dès les premiers jours de sa conversion, sa pensée sur la doctrine de la chute fût également fixée sur tous les points : « Avant son épiscopat surtout, certaines vérités qu’il découvrit plus tard demeuraient pour lui obscures. Il y a donc lieu, en analysant sa pensée, de tenir compte de l’époque à laquelle ont été écrits les livres qui la contiennent et que l’on cite. En général, et sauf de légères exceptions, on ne se trompera pas trop en partageant, à ce point de vue, sa vie littéraire en deux périodes, l’une de recherches, auxquelles se mêlent quelques hésitations, et qui va de l’an 386 à l’an 397, date de sa consécration épiscopale, l’autre de possession définitive de la doctrine, et qui se confond avec la durée de son épiscopat (397-430) ; cette possession, on le comprend, n’excluant pas d’ailleurs un certain progrès de lumière, effet heureux du choc des idées dans la controverse. » Tixeront, op. cit., t. ii, p. 460. Augustin lui-même n’a-t-il pas revendiqué le droit d’apprendre et de progresser ? De dono persev., xii, 30, t. xlv, col. 1010.

I. TATONNEMENTS ET PREMIÈRES SOLUTIONS. —

1° L’inquiétude d’Augustin en présence du problème du mal. Ses tâtonnements en dehors de la voie traditionnelle (de 373 à 386). — Dès cette époque, le problème du mal tourmente l’esprit d’Augustin. Il ne sait pas encore que le mal n’est que la privation d’un bien ; il ne possède encore qu’une représentation matérielle de Dieu ; il ne sait point que celui-ci est pur esprit. Conf., III, vii, 12, t. xxxii, col. 688.

Dans cet état, il se contente de la solution matérialiste des manichéens qui expliquent tout par l’opposition de la lumière et des ténèbres, du principe bon et du principe mauvais. C’est alors une doctrine commode pour lui que celle qui nie la liberté et le péché, ou plutôt attribue celui-ci à un principe étranger : il le reconnaît humblement. Adhuc enim mihi videbatur non esse nos qui peccavimus, sed nescio quam aliam in nobis peccare naturam et delectabat superbiam meam extra culpam esse. Conf., V, x, 18, col. 714.

Il ne pouvait longtemps se satisfaire d’une telle doctrine : un jour il s’en détache, partie sous la lente influence de la prédication d’Ambroise qui, par son exégèse allégorique, l’aide à dépasser la lettre de l’Ancien Testament, Conf., V, xiv, 24, col. 718, partie sous l’influence des livres des néo-platoniciens qui l’aident à concevoir la bonté fondamentale des natures telles qu’elles sont sorties des mains de Dieu, à ne voir dans le mal qu’une privation et à chercher la cause du mal dans le libre arbitre. Conf., VII, m-ix, col. 735-740. La méditation du mystère de l’incarnation, en lui montrant dans le Christ l’unique voie de saluL va le guérir de son orgueil et soumettre totalement son âme aux directives de la révélation et de l’Église. A l’école