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PECHE ORIGINEL. DOCTRINE DES GRECS


une tendance à expliquer et à excuser les fautes commises après le baptême par la corruption de la nature humaine, par l’influence de Satan ou du péché d’Adam. A ce pessimisme, il oppose une doctrine qui affirme à la fois la destruction totale du péché originel en nous par le baptême et l’infusion en notre âme d’une force de l’Esprit-Saint, par laquelle, avec la libre coopération de notre volonté, nous pouvons résister aux mauvaises tendances et vivre selon Dieu.

1. Le baptême détruit totalement en nous le péché d’Adam. — Il est faux de penser que le « péché ancien », que le « péché paternel » est détruit seulement par les luttes postérieures au baptême, sous prétexte que nous trouvons encore en nous, après le baptême, « le dynamisme du péché », « les restes du péché d’Adam ». Le baptême est parfait : il nous délivre totalement du péché paternel. De bapt., P. G., t. lxv, col. 988 C. Ce ne sont point les commandements et les efforts que nous faisons qui nous délivrent du péché ; c’est la croix ; les commandements marquent seulement les limites de la liberté qui nous est donnée dans le Christ. Ce ne sont point les restes du péché originel qui agissent en nous après le baptême, c’est la concupiscence, ꝟ. 7rpo<j60Xr) toî> Xoyiafxoû. Or, celle-ci n’est point le signe ou le reste du péché ; c’est l’accueil libre qu’on lui fait qui est un péché. Col. 992. Les mauvaises pensées ne viennent pas d’Adam, mais du cœur. Que si nous succombons à leur entraînement, ne l’imputons pas à Adam, mais à la négligence de notre volonté libre. Nous avons reçu au baptême la force pour lui résister victorieusement. Col. 1004.

2. Ce que nous a transmis Adam.

Adam ne nous a transmis ni l’acte même de sa propre transgression, ni l’élan qui l’a entraîné, et qui nous entraîne au mal ; il nous a légué l’héritage de la mort, c’est-à-dire l’éloignement de Dieu qui est détruit par la croix et le baptême.

Le péché n’est point en nous la transgression même d’Adam, mais le signe de notre propre mollesse. Si nous recevions par hérédité cette transgression, nous serions tous également pécheurs ; il n’en est pas ainsi. Nous ne le sommes pas nécessairement. Adam a succombé volontairement ; nous sommes de même nature que lui, nous succombons volontairement. Ibid., col. 1017 CD.

Adam subissait-il librement la concupiscence, Trpoa60Xy), ou la possédait-il nécessairement par nature ? Marc pense qu’il la possédait naturellement et nécessairement. Car elle n’est ni péché, ni justice, mais signe du libre arbitre de notre volonté. Col. 1020. La volupté qui fit voir à Adam comme à Eve le fruit défendu, comme beau à contempler et bon à manger, et la vaine gloire qui les poussa à désirer être comme des dieux, les séduisit comme ils nous séduisent encore. Cousait, intell., iv, col. 1109.

Il n’est pas vrai, d’après Marc, que, si Adam n’avait pas péché, nous n’aurions pas connu la tendance au mal. Car le fait d’être exempt de la tendance au mal appartient à une nature immuable, non à la nature humaine. Nous sommes de même nature qu’Adam ; celui-ci avait une nature changeante, pouvait passer au mal ; il pouvait résister à Satan ; s’il a succombé, ce n’est pas par nécessité de nature, mais librement. Il en est de même pour nous.

Ne doit-on pas voir alors dans l’obsession des mauvaises pensées, même avec une vie de prière, le témoignage irrécusable laissé en nous comme un héritage de la prévarication d’Adam ? Non, pense Marc, car, si ces pensées venaient nécessairement d’Adam, nous en serions tous dans la même mesure troublés. Ce qui n’est pas. Elles sont entre les mains de notre liberté, repoocipsTixai e’.atv aï tcov Xoyt.au.cov aWai Une semblable doctrine s’éloigne beaucoup de saint Paul et

de la tradition que consacre l’Eglise louchant les rapports de la concupiscence et du péché d’Adam.

Du moins Marc reconnaît-il nettement que nous avons hérité, de la transgression d’Adam, la mort qui en découle nécessairement. Par là, il entend un état d’hostilité avec Dieu, ©eoO àXXoTptGjaiç. « Le premier homme étant mort, c’est-à-dire séparé de Dieu, nous ne pouvions vivre en Dieu. C’est pourquoi le Seigneur est venu nous vivifier par le bain de la régénération et nous réconcilier avec Dieu. » De bapt., col. 1017 D. Par sa mort, le Christ nous délivre de la mort paternelle et nous place dans le paradis de l’Église. Ibid., col. 1025.

En résumé, des trois choses qui arrivèrent à Adam, l’élan vers le mal, la transgression et la mort, nous n’avons reçu d’Adam que la mort ; car des morts il ne peut naître des vivants jusqu’à ce que le Seigneur ait rendu la vie à tous. Nous avons, comme Adam, la pensée première du mal, mais, comme lui, nous pouvons résister ou céder. Ibid.

3. Situation présente des chrétiens. — Après la destruction totale du péché d’Adam et l’infusion dans nos âmes de la force parfaite que nous avons reçue au baptême, il n’y a plus d’excuse valable, ni du côté d’Adam, ni du côté de Satan et des hommes. Ou bien, par la collaboration du libre arbitre à la grâce reçue, nous accomplissons les préceptes et nous nous épanouissons dans la vie divine, ou bien nous méprisons par méchanceté ou volupté les germes de perfection que nous avons reçus au baptême et, librement, nous succombons. De bapt., col. 1028 ; Consult., iv, col. 1109. Bref, la vie du baptisé est un combat intérieur : il trouve en lui les ennemis que trouvèrent nos premiers parents : la volupté et la vaine gloire ; il a comme aide de sa liberté le Christ invisiblement présent ; au terme du combat, il se trouve ou dépouillé ou enrichi, selon qu’il a succombé ou a conquis la vie éternelle. Consult., Ibid.

C’est là une doctrine de confiance en la collaboration victorieuse de la grâce de l’Esprit avec le libre arbitre humain. Elle ne méconnaît point le péché d’origine ; elle le définit heureusement dans sa conséquence principale : l’état d’éloignement de Dieu pour les descendants d’Adam. Son déficit n’est point dans sa confiance aux forces du libre arbitre, ni dans l’afruv mation très nette que la concupiscence est naturelle à l’homme, mais dans la méconnaissance de ces vérités traditionnelles sur lesquelles insistera tant saint Augustin : le premier homme, par un bienfait de Dieu, était exempt de concupiscence désordonnée. La concupiscence, telle qu’elle existe dans l’humanité déchue, vient du péché et est une force qui incline puissamment au péché.

IV. Conclusion sur la doctrine des Pères

    1. GRECS TOUCHANT LE PÉCHÉ ORIGINEL##


GRECS TOUCHANT LE PÉCHÉ ORIGINEL. Jusqu’au

commencement du ve siècle, les Pères grecs n’ont point eu l’occasion d’aborder pour elle-même la question du péché d’origine. Il ne s’ensuit point que la doctrine scripturaire de l’élévation et de la chute soit étrangère à leur pensée. Il leur arrive d’en traiter pour réfuter le dualisme gnostique et manichéen ; aussi, pour les comprendre, ne doit-on point oublier ce point de vue.

1° Dans cette perspective, il leur faut surtout insister sur la bonté de la créature, telle qu’elle est sortie des mains de Dieu ; il leur faut surtout montrer que le mal n’a point sa source, même après la chute, dans le déterminisme des natures, mais dans la libre volonté de l’homme. Le mal par excellence c’est le péché individuel commis par la liberté individuelle ; ils lui réservent le nom de transgression, de péché, àu.apTÎa. Seuls en sont coupables les adultes, qui, de ce fait, sont pécheurs. Par rapport à ce péché vraiment personnel, fruit d’une liberté personnelle, les enfants peuvent être