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PÊCHE ORIGINEL. LES LNTIOCHIENS


haute sagesse d’Adam qui savait donner des noms convenables aux animaux et prophétiser sur le sens profond du mariage ; il savait, en outre, pleinement le sens et la portée morale du précepl divin et aussi la signification de la peine de mort qv était la sanction de celui-ci : Adam agissait en plein, conscience et en pleine liberté. L’arbre de la science du Ijien et du mal est ainsi appelé, non pour avoir donné la science du mal à l’homme, mais pour avoir été l’occasion de la transgression, avoir procuré à nos premiers parents l’expérience du péché, et donné naissance à la pudeur. In Gen., hoin. xvi, 5 et 8, col. 132-133. Peu de Pères grecs ont insisté avec autant de force que l’archevêque de Constantinople sur la sagesse d’Adam.

2. Épreuve et chute.

La bonté de Dieu éclate non moins que le souci de son souverain domaine sur sa créature dans ce fait que, tout en donnant à Adam la libre disposition de tout ce que contient le paradis, il se réserve le domaine absolu sur l’arbre de la science du bien et du mal. De là le précepte facile, posé à l’homme comme condition de la possession définitive de ses prérogatives. Sous l’influence perfide du démon qui se servit du serpent comme d’un instrument, tentés par l’appât de l’égalité avec Dieu, Adam et Eve désobéirent. In Gen., nom. xvi, col. 126-134.

3. Les conséquences de la chute.

La faute originelle entraîne une déchéance profonde par rapport à l’état du paradis, pour le couple primitif aussi bien que pour ses descendants ; mais ces conséquences voulues de Dieu sont salutaires. Toute la doctrine du grand docteur est dominée par ce principe que Dieu, même en punissant, manifeste sa providence bienfaisante à l’égard de l’homme, In Gen., hom. xviii, 3. col. 151.

a) Le sort visible fait au serpent après la chute rappelle à l’homme ce que doit être la punition du diable, dont cet animal s’était fait l’instrument et le détourne ainsi des peines éternelles. In Gen., hom. xvii, 6, col. 141. — b) L’annonce des douleurs qui seront attachées à la maternité est adoucie pour la femme par celle de la joie qu’elle aura à donner au monde des enfants, lbid., 7-8, col. 143-144. — c) Si l’homme s’entend condamner au travail pénible et aux douleurs de la vie, il sait que son épreuve sera courte, et c’est une occasion pour lui d’être modeste et de mieux connaître sa nature. Ibid., 9, col. 147. S’il perd une partie de son domaine sur les bêtes sauvages, il garde sa puissance sur les animaux qui lui seront le plus utiles et lui rendent moins pénible le travail. In Gen., hom. ix, 2, col. 79. — d) Même les deux conséquences les plus graves du péché d’origine : la mortalité et la perte de l’innocence, à côté de leur aspect pénal, ont un but médicinal.

La mortalité, certes, est le fruit amer de la faute originelle ; c’est la pensée qui domine le commentaire de In Rom., v, 12-19, hom. x, t. lx, col. 474-475 : « Que veulent dire les mots : ècp’to 7ràvTSÇ ^[xap-rov ? Ils signifient que, par suite de la chute d’Adam, ceux mêmes qui n’avaient pas mangé du fruit de l’arbre sont devenus mortels… Comment Adam est-il le type du Christ ? C’est que, comme Adam a été cause de la mort pour sa postérité, qui pourtant n’a pas mangé du fruit défendu, ainsi le Christ a été source de justice pour la sienne qui pourtant n’a pas pratiqué la justice. La suite de cette homélie explique même le peccatores du ꝟ. 19, non dans le sens de coupables, mais dans le sens d’hommes condamnés aux supplices et à la mort. Cette parole : « comme par la désobéissance d’un seul beaucoup ont été constitués pécheurs », paraît, observe-t-il, soulever une grande question… Que veut dire le mot « pécheurs » ? Il me semble devoir être traduit par « condamnés aux supplices et à la mort ». Ibid., 2-3, col. 477-478.

Dieu, d’ailleurs, en portant ainsi cette condamnation

à mort contre Adam et sa postérité, et en le chassant du paradis terrestre, fait plutôt un geste de bienveillance que d’indignation. Il empêche que le péché s’éternise dans les hommes pécheurs ; il offre à ceux-ci, dans la pensée de la mort prochaine, un moyen de sanctification ; la vie présente devient pour eux comme l’école de la vie éternelle. In Gen., hom. xviii, 3, col. 151 ; In Rom., hom. x, 3, col. 478.

Au moment même où il prononce la condamnation, Dieu ne l’adoucit-il point en y mêlant comme une perspective de résurrection dans la descendance qu’il promet à l’homme ? In Gen., hom. xviii, 4, col. 154.

e) Avec la mortalité, le péché d’Adam engendre la concupiscence. « Privés, à cause de leur péché, du vêtement de gloire dont ils étaient couverts, ils prirent conscience de la nudité de leur corps, afin que, par la honte qui les envahissait, ils comprissent en quelle ruine les avait entraînés leur désobéissance. » In Gen., hom. xvi, 5, col. 131 ; 6, col. 133. Mais Dieu, en leur procurant un humble vêtement, leur témoigne encore sa providence paternelle. In Gen., hom. xviii, 1. col. 149.

Ce fut, après la désobéissance et la sortie du paradis terrestre, le commencement des unions de la chair en vue de la propagation de l’espèce. Avec l’introduction de la mortalité dans le monde, Dieu donnait la consolation de la venue des lils. Ibid., 4, col. 153-154.

Même doctrine dans l’homélie xiii sur l’épître aux Romains, 1, col. 508 : « Lorsque le corps devint mortel nécessairement, il reçut aussi la concupiscence, la passion, la tristesse et toutes les autres faiblesses qui réclament de notre part beaucoup de philosophie, si nous ne voulons pas qu’en nous la raison soit submergée dans les abîmes du péché. Mais tout cela n’était pas le péché même ; seulement leur démesure le causait, si on ne le soumettait pas à un frein. Un exemple : la concupiscence n’est pas un péché ; mais, lorsqu’elle perd sa mesure et ne se contient pas dans les limites du mariage, qu’elle recherche d’autres objets, alors la chose devient adultère, non par la concupiscence, mais par le désir immodéré de celle-ci. La concupiscence n’entraîne pas dans l’âme qui y est soumise l’ignorance qui supprimerait le péché ; elle y sème des troubles, des embûches, des difficultés. » « Elle n’enlève pas le libre arbitre, n’induit point en nous une certaine nécessité ou violence. » Ibid., col. 509.

L’âme déchue n’est point corrompue, mais garde sa noblesse. Que si elle fait le mal elle le fait en le haïssant. Ibid., 2, col. 509. Le grand docteur sait décrire la misérable servitude de l’âme qui s’abandonne au péché ; mais, même dans ce cas, pour le pécheur, il revendique la liberté. « Le Créateur a fait notre nature maîtresse d’elle-même ; lui-même, dans sa miséricorde, nous offre toujours son secours et, conscient des choses cachées au fond des cœurs, il exhorte, conseille, réprime en les prévenant nos mouvements mauvais. Il n’impose jamais de nécessité, mais en nous proposant ses remèdes appropriés, il laisse le tout à la décision du malade. Tel fut le cas pour Caïn. » In Gen., hom. xix, 1, col. 158. Ce texte reflète bien le large optimisme du grand moraliste qui fait confiance à la liberté de l’homme déchu, tout en proclamant l’action universelle de la grâce au fond des cœurs.

f) S’il reconnaît sans aucun doute une déchéance profonde de l’humanité tout entière en Adam, conclut-il nettement de la participation de tous à la peine du couple primitif, à une égale participation à la faute originelle ?

La façon dont il commente le verset : Per obedientiam unius hominis peccatores constituti sunt mulli, invite à poser la question : « Que le premier homme, dit-il, ayant péché et étant devenu mortel, ses descendants lui soient devenus semblables (en mortalité), rien que de naturel à cela : mais, si l’on dit que, par la