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    1. PÉCHÉ OIUGINKI##


PÉCHÉ OIUGINKI, . LES AI.KXAMJMI.NS

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III. — La tradition grecque au iv c siècle. — Le ive siècle est l’âge d’or de la littérature patristique. La pensée théologique y est préoccupée sans doute plus particulièrement des doctrines trinitaires et christologiques qu’il faut défendre contre l’hérésie arienne ; mais les problèmes anthropologiques de l’état primitif et de la chute ne sont point pour cela absents de ses perspectives : car, s’ils ne sont point directement traités pour eux-mêmes, ils sont envisagés assez largement dans leur rapport avec le problème du salut et le problème du mal. On ne s’étonnera pas qu’ils le soient selon un angle spécial et des méthodes différentes à Alexandrie et à Antioche. Dans l’un et l’autre milieu, d’ailleurs, sans compter le témoignage des Pères qui n’appartiennent à aucune école, il sera utile de recueillir l’écho qu’apportent les écrivains autorisés à la tradition générale de l’Église, à la veille de la controverse pélagienne. — 1° Les Alexandrins. 2° Les Cappadociens. 3° Les Antiochiens.

I. JsES alexandrins.

Il faut interroger surtout saint Athanase et Didyme.

Saint Athanase.

C’est principalement dans

ses ouvrages de jeunesse le Contra gentes et le De incarnatione Verbi, écrits à la veille de l’arianisme, que le docteur alexandrin aborde assez largement la question de la déchéance originelle : la chute y apparaît dans le cadre de sa synthèse christologique comme la cause de la venue du Christ dans la chair. Mais, pour avoir la pensée définitive du saint docteur, il ne faut point négliger les passages des Discours contre les ariens, où il donne sur ce point un tour plus précis à sa pensée.

1. La doctrine des ouvrages de jeunesse.

Elle s’inspire beaucoup des idées d’Irénée : comme celle de l’évêque de Lyon, elle se développe autour de l’idée de la création de l’homme selon la ressemblance de l’image du Père qu’est le Verbe.

a) Ce n’est pas de Dieu que vient le mal : c’est-à-dire les souffrances, la mort, et la corruption, la convoitise et l’ignorance des choses divines. Dieu, dans sa bonté, en faisant l’homme à son image, l’a fait contemplateur des choses divines, incorruptible, heureux dans la familiarité avec lui.

Comme le reste de la création, l’homme doit d’abord au Verbe son existence tirée du néant. A ce titre, comme substance produite, il s’oppose par nature à l’improduit. Celui-ci est seul par lui-même, éternel, intelligible, incorruptible ; celui-là, comme toute nature créée, est dans la catégorie du changement, de la corruption et de l’ignorance. De incarn., 3, P. G., t. xxv, col. 101 A ; 4, col. 104 C. En tant qu’être sorti du néant, il est mortel par essence, col. 104 C. De ce fait, il est aussi incapable de connaître Dieu : « Telle est la faiblesse de sa nature qu’elle est incapable par elle-même de connaître le démiurge et de penser à Dieu : car lui, il est improduit, et elle, elle est tirée du néant ; lui, il est sans corps ; elle, elle est créée dans le corps ; il manque ainsi beaucoup aux choses produites pour saisir l’improduit. » 11, col. 113 C-110 A ; cf. aussi Cont. gent., 35, col. 69 B. Cette vue pessimiste sur la loi de la nature humaine, envisagée en dehors de toute participation gracieuse au Verbe, n’étonne point, si l’on se rappelle les thèses philosophiques reçues par Justin, Athénagore, Tatien, Irénée.

Mais, en fait, Dieu, dans sa bonté, n’a point laissé les hommes à la misère native de leur condition. Il s’est montré encore plus libéral à leur égard que vis-à-vis du reste de la création. « H les a faits participants à la puissance de son propre Verbe, afin que, recevant comme des ombres du Verbe, ils devinssent raisonnables et pussent persévérer dans le bonheur et vivre de la véritable vie des saints. De plus, voyant que leur volonté pouvait encore fléchir dans des sens dif férents, il entoura celle-ci d’une protection providentielle en lui ménageant un lieu propice et une loi : telle est la grâce d’origine. Dieu ne s’est point contenté de nous créer de rien ; il nous a donné de vivre selon lui de la grâce du Verbe. » De incarn., 3, col. 101 B.

lui quoi consiste précisément cette participation gratuite et privilégiée à l’image de Dieu, saint Athanase le dit longuement en décrivant l’homme primitif tel qu’il est sorti des mains de Dieu. Cont. gent., 2, col. 5-8 ; cf. F. Cavallera, Saint Athanase, Paris, 1908, p. 217-218.

Cette participation au Verbe fait l’homme primitif contemplateur et connaisseur des êtres véritables, l’unit au divin, le rend incorruptible et heureux dans cette contemplation. L’état primitif forme ainsi un tout organique harmonieux où l’élément générateur psychologique est la contemplation. Ce dynamisme psychologique a sa source dernière dans une force divine : c’est une similitude avec Dieu, une identité, TaÙTÔ-njç, qu’il faut garder pure de toute différence, de tout élément étranger ; c’est, d’après le contexte, le voûç dans toute sa pureté. C’est lui qui, dans sa force active de contemplation, est source de connaissance, d’incorruptibilité et de bonheur. Cont. gent., ibid. ; cf. A. Gaudel, La doctrine du Logos chez S. Athanase, dans Revue des sciences relig., t. xi, 1931, p. 9-27 ; A. Slomkowski, op. cit., p. 90-118.

b) C’est dans un abus de la liberté que se trouve l’origine du mal. Cet abus, cette chute a consisté dans l’abandon paresseux de la contemplation du divin, et dans l’attachement au corps et aux autres objets sensibles.

Dieu aurait voulu que l’homme persévérât dans l’état privilégié et heureux où il l’avait placé ; à cet effet, il avait fortifié d’avance son libre arbitre en le plaçant dans le milieu favorable du paradis et en l’aidant à l’intérieur par un précepte qui dirigeait sa volonté ; mais il attendait aussi une collaboration de l’homme à la grâce d’origine : l’attention à garder limpide l’œil de la contemplation, l’effort pour ne s’écarter jamais de la représentation de Dieu. Cont. gent., 2, col. 5.

En fait, l’homme a méprisé le meilleur, c’est-à-dire la contemplation ; il l’a négligée et paresseusement abandonnée, pour chercher ce qui était plus proche de lui, le corps et la sensation. « La vérité de ce fait apparaît dans le premier homme, selon ce que racontent les Écritures. Lui aussi, tant qu’il gardait l’esprit attaché à Dieu et à sa contemplation, se détournait de la contemplation de son propre corps : dès que, sur le conseil du serpent, il cessa de penser à Dieu et se mit à s’occuper de lui-même, lui et sa femme furent saisis par le désir du corps, reconnurent qu’ils étaient nus et rougirent de cette connaissance. Ils reconnurent qu’ils étaient nus, moins en ce qui est du vêtement que de la contemplation divine et de la direction opposée de leurs pensées. Se détournant de la connaissance de l’Unique et de l’Être, de Dieu et de son désir, ils s’abandonnèrent aux convoitises diverses et particulièrement du corps. » Ibid., 3, col. 8.

Ainsi le péché originel, comme tout péché d’ailleurs, se caractérise par l’abandon de la contemplation des choses divines pour la recherche des choses sensibles.

c) La faute d’Adam fait déchoir l’homme de son étal primitif. — Elle a pour premier résultat de le priver de la grâce de conformité à l’image, rJ ; v toû xa-r’ebcôva Xapw àtpoapsôévTeç, De incarn., 7, col. 108, de le réduire lui-même et ses descendants à sa condition native, sic to xoevà cpûaiv, Ibid., 4, col. 104 ; elle a comme fruits la mort et la corruption, ainsi que l’erreur et l’ignorance idolâtrique.

La mort et la corruption qui la suit sont la conséquence nécessaire de la menace faite au premier