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PÉCHÉ ORIGINEL. ORIGÊNE


pies de pécheurs et qui suivent l’exemple d’une génération pécheresse. In Rom., v, 1, t. xiv, col. 1018 BC. Un peu plus bas, ayant à commenter le texte que nous lisons avec la négation : « La mort a régné même sur ceux qui n’avaient pas péché, par une transgression semblable à celle d’Adam », il ne pense pas comme nous aux enfants qui n’ont pas de péché actuel, mais qui ont péché en Adam ; il songe aux saints sur lesquels la mort a régné jusqu’à l’arrivée du Christ, en les tenant in infcrno, non point en raison d’une prévarication semblable à celle d’Adam, mais en raison de la loi de mort portée au paradis terrestre. Ibid., col. 1019.

Dans son commentaire du ꝟ. 15, Origène se demande si Adam est la seule cause de notre mort par son péché ; il répond que les hommes sont poussés à la mort du péché, non point tant par leur nature que par l’exemple. Ibid., col. 1024 B.

Enfin, Origène n’entend point le ꝟ. 19 : « Par la désobéissance d’un seul homme, tous ont été constitués pécheurs » du péché originel ; il pense encore ici aux péchés personnels. Il précise le sens des deux expressions multi et peccatores. L’Apôtre dit : multi, et non pas omnes ; il ne dit pas « tous » ont péché, mais seulement « beaucoup » ont été constitués pécheurs. Autre chose, en effet, est pécher quelquefois, autre chose est être pécheur : Peccator dicitur is qui malla delinquendo in consuetudinem, et ut ila dicam, in studium peccandi jam venii. Ibid., v, 4, col. 1030 C. On peut dire, en un sens, que tous ont péché, même les saints, mais tous ne sont pas pécheurs.

En somme, l’exégèse d’Origène touchant le passage classique de l’épître aux Romains, v, 12-19, est loin d’être exhaustive : il a bien rattaché l’universalité de la mort à Adam ; il a bien vu que tous sont morts en lui : il a moins nettement perçu que la solidarité de tous dans la peine du premier père entraînait une solidarité dans la faute.

c. — Origène, appuyé sur l’Écriture et sur l’usage ecclésiastique de baptiser les enfants, enseigne que tous les hommes sont pécheurs, même l’enfant d’un jour, et ont besoin du baptême. — Conséquemment à la déviation morale d’Adam, tous ceux qui vinrent après lui dévièrent à leur tour, declinaverunt, et devinrent inutiles avec lui. In Rom., ni, 3, col. 933. Il s’agit là sans doute d’une déviation par l’exemple suivi. Ibid., v, 1, col. 1017.

Comme preuve de cette déchéance morale universelle, en dehors du texte : omnes declinaverunt, simul inutiles facli sunt, Rom., iii, 12, cité col. 933, Origène invoque souvent le texte de Job, xiv, 4-5, d’après les Septante ; celui du psaume l : et in peccatis concepit me mater mea ; la prescription du Lévitique, xii, 8, qui ordonne d’offrir un sacrifice pour le nouveau-né, enfin l’usage du baptême des enfants. Il veut par là établir clairement, en dehors de l’existence d’une universelle déchéance volontaire, celle d’une souillure congénitale de l’enfant.

On lit dans l’hom. viii, 3, sur le Lévitique, que « seuls les pécheurs se réjouissent au souvenir de leur naissance. .., qu’un saint comme David déclare qu’il a été conçu dans l’iniquité, montrant ainsi que toute âme qui naît dans la chair est souillée d’une tache d’iniquité et de péché. C’est pourquoi il est dit : personne n’est exempt de souillure, pas même l’enfant d’un jour. On peut ajouter ceci qui explique pourquoi l’Église, qui donne le baptême pour la rémission des péchés, le donne aussi aux enfants. Car si les enfants n’avaient pas besoin de rémission, et d’indulgence, le bienfait du baptême leur serait inutile. » T.xii, col. 494495. Voir aussi In Lev., hom.xii, 4, col. 539, où Origène explique à sa manière la nature de cette souillure : Hoc ipso quod in vulva matris est posilus, et quod

materiam corporis ab origine paterni seminis sumpsit, in pâtre et in maire contaminatus dici potest… (Jmnis ergo Iwmo in paire et in maire pollulus est, solus vere Jésus… in hanc generalionem mundus ingressus est. Cꝟ. 7/i Luc, hom. xiv, t. xiii r col. 1833-1838. Enfin, dans In Rom., v, 9, t. xiv, col. 1047, Origène conclut en s’appuyant sur les mêmes textes : < C’est pour cela que l’Eglise a reçu des apôtres la tradition de donner le baptême aux enfants eux-mêmes ; ceux auxquels avait été confié le dépôt des saints mystères savent, en elïet, que tout homme vient au monde avec des souillures congénitales de péché qui doivent être remises par l’eau et l’Esprit. » Comparer Conl. Cels., III, 61-63, t. xi, col. 999-1004 ; VII, 28-29, col. 1460-1 462 ; VII, 50, col. 1493.

2. Explications hypothétiques d’Origène sur la nature de la souillure congénitale à chaque homme. — Très clair sur l’existence d’une souillure originelle, Origène hésite sur la nature et sur l’origine de cette tare. C’est ici que, sans appui dans la tradition, il donne ses explications comme des hypothèses discutables.

a) Sur l’origine de la déchéance humaine, Origène avait d’abord professé qu’elle s’était produite dans le monde transcendant. C’est le péché commis par les esprits dans ce monde qui expliquerait leur chute dans des corps mortels. Les esprits qui ont failli deviennent des âmes et revêtent un corps misérable. De princ, II, ix, 6, t. xi, col. 230. Ainsi, la lutte s’exerçant dans un monde transcendant serait l’explication non seulement du mal moral, mais de toutes les vanités qu’on rencontre chez les hommes. On remarquera avec quelles précautions cette hypothèse est proposée dans le commentaire de l’épître aux Romains. Videsne ut a peccato nullum Paulus excusel ? licel ubi, quando, aut quomodo ab unoquoque similitudo ista prævaricationis admissa sit, tulum non credideril apertum proloqui. v, 2, t. xiv, col. 1025 A. Nous avons cité plus haut le mot sur la manière inénarrable et connue de Dieu seul dont chacun de nous a été banni du paradis. Ci-dessus, col. 334. Comparer encore le suivant : Sed et illud apud lemetipsum pertracla unde in hune mundum introivit peccalum, aut ubi erat priusquam hue introirel, aut si omnino erat. Ibid., v, 1, col. 10Il A.

b) Plus souvent il explique cette déchéance par l’union de l’âme avec le corps.

Il remarque que le mot pÙ7toç du livre de Job désigne non pas un péché proprement dit, mais généralement une souillure. In Luc, hom. xiv, t. xiii, col. 1834. Or, il est certain que toute âme, par le fait seul qu’elle s’unit à un corps, et dans cette union même contracte une souillure. Cf. In Lev., viii, 3, t.xii, col. 495 ; In Luc, loc. cit. ; Cont. Cels., Vil, 50, t. xi, col. 1493. Tout enfant apporte donc en naissant cette souillure et c’est en elle qu’Origène est disposé à voir le péché d’origine. Tixeront, Histoire des dogmes, t. i, p. 292.

On pourrait, dans le même sens d’une souillure contractée par le seul contact de l’âme avec le corps, expliquer le sens de Rom., v, 14, donné par Origène : habere in semelipsis simililudinem prævaricationis ejus (Adami) non solum ex semine, sed ex inslitulionc susceptam. T. xiv, col. 1018 B.

c) Peut-être à cette raison platonicienne du contact de l’âme avec le corps, Origène veut-il en ajouter une plus scripturaire « quand il remarque qu’Adam n’ayant commencé à engendrer qu’après son péché, notre corps par lui-même est un corps de péché ». Tixeront, ibid., p. 293. In Rom., v, 9, col. 1047. Si l’on rapproche cette affirmation de celle où Origène déclare que tous les hommes se trouvent contenus dans les flancs d’Adam, ont tous été avec lui et en lui expulsés du paradis terrestre, et subissent par le fait toutes les suites du péché d’Adam, on conclura que cette théorie, qui explique la souillure congénitale à chaque