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    1. PÉCHÉ ORIGINEL##


PÉCHÉ ORIGINEL. ORIGÈNE

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En face des gnostiques qui regardent la naissance charnelle comme physiquement mauvaise, il proclame avec raison que L’acte de la génération est bon, mais il ajoute que le péché n’existe pas dans l’entant nouveau-né. Il le fait en commentant le texte de Job : « Personne n’est exempt de toute souillure, pas même l’enfant qui n’a qu’un jour. » Qu’ils nous disent (les gnostiques) OÙ a forniqué l’enfant qui vient de naître, et comment lui qui n’a rien fait a encouru la malédiction d’Adam ? Tout ce, qu’ils peuvent répondre c’est que la naissance elle-même est mauvaise. David a dit sans doule (Ps., i., 7) : « Je suis né dans le péché et ma « mère m’a conçu dans l’iniquité » ; mais il parle en prophète d’Eve notre mère qui est devenue la mère des vivants ; s’il a été conçu dans le péché, il ne s’ensuit pas qu’il fut lui-même dans le péché, ni qu’il fut péché. » (Où^ ocûtoç èv à|i.apTÎa.)

En commentant ces paroles de Job : « L’homme est sorti nu du sein de sa mère et il y rentre nu », il déclare que cela signifie qu’il était nu, dépouillé non de richesses, mais de vices et de péchés. Il semble, d’après ce texte, qu’il veut dire de l’homme que, comparé à ce qu’il devient plus tard, il est pur en quelque sorte à sa naissance. Slrom., IV, xxv, col. 1368-1369. Ailleurs, Clément dit que nous sommes soumis à l’influence du péché d’Adam, en ce que nous imitons trop son exemple par nos fautes personnelles : Sic etiam peccato Adse subjacemus secundum peccati similitudinem. Adumbr. in ep. Judæ, P. G., t. ix, col. 733.

Il est tellement préoccupé d’aflirmer contre les gnostiques que seules les fautes personnelles, volontaires et libres nous sont imputables, qu’on se demande s’il y a place dans son système pour l’imputation à toute la race du péché d’Adam. Cf. Strom., II, xv, t. viii, col. 1000-1004 ; III, xvii, col. 1205 ; III, xiv, col. 1193-1196 ; ProlrepL, xi, col. 228.

Comment a-t-il conçu la période qui va du péché originel à l’incarnation ? Comme une période, sans doute, d’obscurité et de mort, mais aussi comme une période de préparation à la rédemption et à la vie par la mort du Christ, et le rayonnement de sa sagesse. « Clément est trop généreusement optimiste pour vouer à la damnation ceux qui ignorent le Sauveur. Il pense que des moyens providentiels de salut ont été préparés aux hommes dont la vie a précédé l’incarnation : pour les Juifs, les livres saints, pour les Grecs, la philosophie. » Bardy, op. cit., p. 51. Il nous montre aussi, dans le Verbe qui a tout accompli dans le passé par « ses puissances saintes, par la création, par le salut, par la bienfaisance, par le don de la loi, par la prophétie, par l’instruction, le Maître qui enseigne tout maintenant ». Protrepl., xi, col. 229. « C’est lui qui a changé l’Occident en Orient, qui a crucifié la mort par la vie, qui a arraché l’homme à la perdition et l’a suspendu au ciel, qui a changé la corruption en incorruption, transformé la terre en ciel. » lbid., col. 232.

En résumé, Clément croit à la faute d’Adam, mais il n’en saisit pas bien la nature ; il croit àl’universelle corruption de l’humanité et conçoit la période qui va d’Adam au Christ comme une période de ténèbres et de mort, mais il n’explique pas clairement la part qu’il faut faire à la faute d’Adam en cet état ; il saisit les magnifiques beautés de la rédemption, et en célèbre la souveraine efficacité par rapport au péché et à la mort, mais il ne nous dit point nettement qu’elle remet le péché transmis par Adam.

C’est que, trop préoccupé de montrer que la culpabilité générale ne vient point d’une cause déterminante, à savoir la génération charnelle considérée comme mauvaise, il laisse de côté, dans une. certaine mesure, l’influence du péché d’origine sur la nature humaine, pour ne mettre en valeur que l’influence du libre arbitre sur l’existence du bien et du mal dans le

monde. Il lui manque de n’avoir point autant qu’Irénée médité la doctrine de saint Paul ; il a lu les premières pages de la Genèse beaucoup plus avec les yeux de Philon qu’avec ceux du grand apôtre. De sa doctrine du péché originel on peut dire ce qu’on a dit de ses idées sur l’état primitif : « Ici le gnostique l’emporte chez lui sur le chrétien. » Slomkowski, op. cit., p. 51.

2° Origine († 254 ou 255). — Comme Clément, Origène allégorise les premiers chapitres de la Genèse, Sel. in Gen., P. G., t.xii, col. 101 : Cont. Gels., IV, 37-40, t. xi, col. 1085-1093. et s’efforce de trouver une explication profonde à l’origine du mal dans le monde. .Mieux que lui cependant, il se fait l’écho de l’enseignement traditionnel, car, à la différence de son prédécesseur, il a médité et interprété longuement, la doctrine de saint Paul sur le péché d’origine dans l’épître aux Romains.’In epist. ad Rom., surtout t. V, P. G., t. xiv, col. 1003-1056. Il a lu sans doute cette épître avec les sentiments d’un Grec qui croit à la bonté relative de la nature humaine. Il y a puisé cependant le sentiment d’une déchéance morale et physique universelle et s’en est fait l’interprète.

Pour saisir le point de vue d’Origène, on se rappellera l’erreur qu’il combat et la grande idée qui domine sa pensée : l’erreur c’est le déterminisme gnostique. « (Les dualistes), pour qui les âmes humaines n’ont pas une même substance mais sont de nature contraire, doivent être mis au nombre des hérétiques, puisqu’ils imputent l’iniquité au Très-Haut et l’accusent d’injustice. » In epist. ad TH., t. xiv, col. 1305.

La pensée dominante de son anthropologie, c’est celle de la liberté qui persévère dans tous les états de l’humanité. « Un autre point incontesté de l’enseignement de l’Église, c’est le libre arbitre de l’âme raisonnable. Le démon et ses anges, et les puissances ennemies cherchent bien à nous accabler sous le poids du péché ; mais, si nous vivons conformément à la Loi et à la justice, nous rejetterons ce fardeau loin de nous. Nous ne sommes jamais nécessités soit au bien soit au mal, contre notre vouloir. » De princ, I, præf., 5, t. xi, col. 118.

Pour donner enfin à chaque élément de sa doctrine la place qui lui revient dans l’ensemble, il faut se rappeler les principes qui dirigent habituellement le grand Alexandrin : 1. Ne rien concevoir pour article de foi qui s’écarte de la tradition ecclésiastique et apostolique, telle qu’elle s’est transmise depuis les apôtres selon l’ordre de la succession légitime, et quelle se conserve actuellement dans les Églises ; voilà la grande norme à suivre. — 2. Dans les questions difficiles, s’en tenir à ce qui est le plus près de la règle de foi, et ne point présenter ses spéculations comme des dogmes, mais comme de simples hypothèses. De princ, ibid., 2, et 5.

Dans ces conditions, on envisagera d’abord : le témoignage d’Origène sur la doctrine traditionnelle du péché originel ; ensuite ses explications hypothétiques sur la nature de ce péché ; enfin, les conséquences qu’il attribue à ce péché.

1. Le témoignage d’Origène sur la doctrine ecclésiastique du péché d’origine. — a) Le fait et les conséquences personnelles de la faute d’Adam. — Comme Irénée et Clément, Origène se pose la question de la perfection relative d’Adam. Pour lui. comme pour eux, l’homme, par le fait même qu’il est produit, est muable ; la perfection que celui-ci possède ne lui est point naturelle ; elle est un don du Créateur, qu’il peut perdre ou garder selon l’usage qu’il fera de sa liberté. De princ, II, ix, 2, t. xi, col. 226.

En fait, à l’origine, l’homme possédait un état de perfection relative d’où il a déchu par sa désobéissance. « Peut-être l’être raisonnable n’était-il pas abso-