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    1. PÉCHÉ ORIGINEL##


PÉCHÉ ORIGINEL. SAINT IRÉNÉK

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doctrine en dégageant ses traits originaux et en marquant sa place dans le développement de la tradition.

En face du gnosticisme qui détruisait l’unité du plan divin et expliquait l’origine du mal par un certain déterminisme natif de l’homme, l’homme d’Église et de tradition qne fut le grand évoque de Lyon sut proposer avec clarté la doctrine révélée touchant l’unité de ce plan. Dès les origines, il montre l’action divine des trois personnes de la Trinité s’exerçant à façonner l’homme d’une manière lente et progressive, à l’image de Dieu, et le faisant ainsi participer aux hiens divins, à l’incorruptibilité (àçGapaîa). Mais cette action est contrariée par l’abus de la liberté humaine. La faute d’Adam fait perdre à l’homme son privilège gracieux : l’image et la ressemblance divines. Dieu, cependant, n’abandonne point sa créature et se prépare à la rénover dans l’incarnation, qui récapitule toutes choses et restaure l’homme selon l’image et la ressemblance primitives.

Toute la théologie du plan divin du salut s’organise ainsi autour du schéma de la ressemblance divine imprimée d’abord dans le premier homme, puis perdue par lui, puis retrouvée dans le Christ. Par là, Irénée donne désormais une place organique à la doctrine du péché originel au centre de la synthèse des vérités concernant le salut : les étapes successives de l’histoire religieuse de l’humanité sont aussi nettement dessinées : la création de l’homme selon l’image et la ressemblance divines, la dégradation de l’image par la chute, la rénovation de l’image par la rédemption. L’idée du péché originel va s’éclairer comme chez saint Paul par son contraste avec l’idée de l’état primitif d’Adam, et celle de la récapitulation dans le nouvel Adam.

1° Raison de la possibilité du péché originel : perfection relative d’Adam, créé à l’état d’enfance ; sa liberté.

— Aux gnostiques qui réclament pour les hommes une perfection inamissible par nature, Irénée oppose cet axiome que toute créature, en tant qu’être produit, est nécessairement imparfaite, inférieure et soumise au Créateur. Seul l’être improduit est parfait, incorruptible, immuable. L’homme, s’il est laissé à sa condition native d’être produit, ne peut être qu’imparfait et mortel. Cont. heer., III, xx, 1, P. G., col. 942-943. Saint Irénée développe avec profondeur cette thèse classique en philosophie, trouvée déjà chez Tatien.

Entre Dieu et l’homme, laisse-t-il entendre, IV, xxxviii, 1-3, col. 1105-1108, la distance est infinie ; c’est toute la distance qui sépare l’être non produit des créatures : toute créature commence par un état d’enfance, d’inexpérience, d’inexercice à l’égard de la perfection. Malgré l’infinie distance qui le sépare de sa créature, le Père, cependant, a voulu communiquer gratuitement au premier homme, par son action commune avec le Fils et l’Esprit-Saint, le don divin de l’incorruptibilité. Mais il l’a fait en s’accommodant à la faiblesse d’un être qui vient d’être produit : « Ainsi Dieu aurait pu, dès l’origine, donner à l’homme la perfection ; mais l’homme nouvellement créé n’était pas de force à la recevoir. Et c’est pourquoi le Fils de Dieu qui était parfait, s’est fait petit enfant avec l’homme (au paradis) ; cette petitesse n’était point l’effet de sa nature, mais de ce qu’il voulait être saisi par l’homme, selon que l’homme voulait le saisir… C’est donc par cette éducation que l’homme produit et créé se conforme peu à peu à l’image et à la ressemblance de Dieu non produit ; le Père se complaît et ordonne, le Fils opère et crée, l’Esprit nourrit et accroît, et l’homme, doucement, progresse et monte vers la perfection, c’est-à-dire se rapproche du Dieu non produit ; car celui qui n’est pas produit est parfait et celui-là c’est Dieu. Et il fallait que l’homme d’abord fût créé, puis qu’il grandît, puis qu’il devînt homme, puis

qu’il se multipliai, puis qu’il prit des forces, puis qu’il parvint à la gloire, et que, parvenu à la gloire, il vit son maître. Car c’est Dieu qu’il faut voir, et la vue de Dieu rend incorruptible et l’incorruptibilité fait qu’on est tout près de Dieu. » Col. 1108.

A l’homme, il appartenait de se prêter librement, par sa soumission au Créateur, à la loi de la transformation progressive de son être créé à la ressemblance avec Dieu. Dieu avait doté pour cela le premier homme d’une perfection relative, celle qui convenait à celui qui faisait les premiers pas dans la vie surnaturelle où entrait l’humanité.

Créé à l’image et à la ressemblance divines, il possédait « la sainteté qui provient de l’Esprit ». III, xxiii, 5, col. 963. Il avait en lui la « vie », non seulement la vie du corps, mais la vie de l’âme, le germe et les espérances d’une vie immortelle et incorruptible. Cf. art. Irénée, col. 2456 ; A. Slomkowski, op. cit., p. 38.

Créé dans un certain état d’enfance spirituelle et corporelle, il avait les sentiments d’un enfant : aussi le Verbe, au paradis terrestre, s’accordait-il à sa faiblesse dans ses révélations : « Tandis que les êtres qui devaient le servir étaient dans toute leur force, le maître c’est-à-dire l’homme, était encore petit ; c’était un enfant qui devait naturellement grandir pour atteindre sa perfection. Pour qu’il pût vivre et croître dans la joie, Dieu lui avait préparé la meilleure contrée du monde, le paradis. Le Verbe de Dieu s’y rendait tous les jours, s’entretenant avec l’homme des choses de l’avenir et s’appliquant avant tout à lui faire comprendre qu’il habiterait et s’entretiendrait avec lui et qu’il demeurerait avec lui pour lui enseigner la justice. Mais l’homme était un enfant ; il n’avait pas le parfait usage de ses facultés, aussi fut-il facilement trompé par le séducteur. » Démonstration de la prédication apostolique, 12, P. O., t.xii, p. 762.

Adam et Eve possédaient aussi l’innocence : « Étant nus, ils ne rougissaient pas et n’avaient que des pensées pures comme celles des enfants… C’est alors qu’ils gardaient l’intégrité de leur nature ; car ce qui leur avait été insufflé au moment de la création était un souffle de vie. Or, tant que ce souffle conservait son intensité et sa force, il mettait leur pensée et leur esprit à l’abri du mal. » Ibid., 14, p. 703. Ici, la cause de l’innocence semble être l’intensité encore puissante du souffle de vie, tandis que dans le Cont. hser., l’éveil de la concupiscence coïncide chez Adam avec la perte de ses sentiments d’enfant. « Quoi qu’il en soit de ces deux explications, entre lesquelles Irénée nous laisse le choix, il n’est pas douteux que, pour lui, l’innocence ne soit entrée, comme le rapporte la Genèse, dans les privilèges du premier homme. » Slomkowski, p. 40.

Ainsi Adam et Eve participaient à une vie divine et humaine au paradis ; mais, parce que créés, ils ne pouvaient prétendre posséder ces biens par nature et donc définitivement. Dieu restait le maître de ses dons ; il en remit la possession définitive entre les mains de ce libre arbitre dont il avait doté l’homme. A celui-ci, par sa soumission à la loi divine, de rendre définitive la possession de ces biens ou de les perdre par sa désobéissance. Il appartenait à l’être improduit d’affirmer ainsi sa maîtrise par un précepte ; il convenait à l’être créé de se souvenir de son infirmité native et de reconnaître les limites de sa liberté par son obéissance. Démonsl., 15, p. 763 sq.

La faute originelle dans Adam.

Elle est née

de la tentation du séducteur Satan qui s’était blotti dans le serpent ; l’homme succomba facilement en raison de son inexpérience : « Ce fut un égarement qui consista en une désobéissance. » DémonsL, 16, p. 76 1. Cette faute entraîna pour Adam et pour Eve de pénibles conséquences. Ce sont les châtiments décrits par