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PECHE ORIGINEL. SAINT PAUL

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fois, dans le monde, des justes et des pécheurs. Ceux qui sont condamnés le sont pour leurs fautes personnelles.

En face du problème de l’origine de la corruption générale, la pensée juive s’oriente en des sens divers. Les auteurs plus anciens (Livre d’Hénoch, Jubilés, Testament des douze patriarches) expliquent cette corruption par l’union des « fils de Dieu » avec les filles des hommes et par la révélation des secrets célestes. C’est dans les écrits juifs plus récents, contemporains de l’âge apostolique, que nous voyons le fait de la dépravation humaine mis en rapport, indirectement, avec la faute d’Adam. « Encore ne s’agit-il point de la propagation d’un péché, mais de la transmission héréditaire d’une faiblesse morale, consistant, soit dans l’inclination au mal (préexistante à la chute : 1 Ve livre d’Esdras), soit dans la concupiscence (Apoc. de Baruch), soit dans le « mauvais cœur », joint à un principe physique déposé en Eve par le diable (Apoc. de Moïse). » J.-B. Frey, art. cit., p. 542.

C’est bien par des fautes personnelles que l’on se damne et non par une culpabilité partagée avec le premier père. On admet bien une pénalité commune à Adam et à toute sa race ; mais on ne voit nullement que la solidarité dans la peine implique une certaine solidarité dans la faute. L’Apocalypse de Baruch accepte bien la première, mais rejette nettement la seconde.

Au moment où le Christ va paraître, la pensée juive ne sait point encore qu’Adam nous ait transmis, avec la mort et les peines du corps, le péché. Nulle part, ni dans l’Écriture de l’Ancien Testament, ni dans la théologie juive ancienne, ni dans la littérature juive qui commence à la Mischna, nous ne trouvons d’enseignement clair « sur Adam source de péché pour tous les hommes, leur transmettant une nature qu’on peut dire contaminée par le péché ». Lagrange, op. cit., p. 117. Tout au plus trouvons-nous dans le Testament des douze patriarches, le germe de cette idée féconde : le Messie doit nous rendre ce qu’Adam avait perdu par sa faute. C’est dans la lumière du Calvaire que va être révélée, par l’apôtre de la rédemption, la doctrine complète du péché originel.

IV. La révélation de l’origine du péché dans le Nouveau Testament.
1° Dans l’Évangile. —
2° Dans saint Paul.

I. DANS L’ÉVANGILE.

Sur le péché, comme sur les autres points de sa doctrine, Jésus n’a point présenté son enseignement comme une thèse spéculative qui devait répondre à toutes les questions posées par la curiosité humaine. Rien d’étonnant à ce que son enseignement portât d’abord sur le fait concret des péchés personnels de ses auditeurs, sur la nécessité de la pénitence, sur l’annonce de la rémission des péchés par son sang. De là le sermon sur la montagne et les exhortations du début pour dire les conditions morales du salut, de là les nombreuses annonces de la passion.

Jésus déclare qu’il est venu pour détruire l’empire du démon, le péché. « Le Fils de l’homme est venu, non pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour beaucoup. Marc, x, 45. Plus préci sèment, il annonce, a la veille de sa mort, que » son sang va être répandu pour beaucoup en rémission des péchés Matth., xxvi, 28.

Va t - il plus loin et apporte-t-il quelque enseigne ment nouveau sur l’origine du péché qu’il veut détruire par sa mort ? Il ne le semble pas. Nulle part dans l’Évangile il ne distingue entre péché originel et péché actuel. Comme les.luifs de son temps, il distingue entre justes et pécheurs. C’est pour les brebis perdue » de la maison d’Israël qu’il est envoyé. Matth., xv, J I : cf. Luc, mx, 10. Il est le bon Pasteur qui laisse au bercail ses quatre vingt dix neuf brebis lidrles pour courir après la centième qui s’était perdue Matth., xviii, 12-13. Ce ne sont pas les bien portants qui ont besoin du médecin, mais les malades ; voilà pourquoi il n’est pas venu appeler les justes, mais les pécheurs. Marc, ii, 17. Il a des menaces terribles pour les pécheurs qui scandalisent les petits, dont l’humilité et la simplicité méritent d’être données en exemple à tous les candidats du royaume : « Gardez-vous de mépriser aucun de ces petits ; car je vous dis que leurs anges, dans les cieux, voient constamment la face de mon père. » Matth., xviii, 10.

Sans aucun doute, la révélation de Jésus, telle qu’elle apparaît dans ces textes, laisse dans l’ombre la question du péché originel. Ce n’est point que le Maître n’ait point médité les premiers chapitres de la Genèse ; n’a-t-il point donné un admirable commentaire au récit de l’origine de la famille ? Gen., ii, 23-24, dans Matth., xix, 1-9. Certains esprits s’étonnent qu’il ne nous en ait pas laissé un semblable sur le sens profond du récit de la tentation et de la chute ; cf. la question posée et étudiée dans l’Ami du clergé, 21 mai 1931. C’est que, sans doute, au moment où Jésus parlait, les esprits de ses auditeurs n’étaient point encore prêts à porter le sens d’un tel mystère. « Peutêtre, en ce qui concerne le péché originel et ses rapports avec l’incarnation et la rédemption, l’avertissement suivant, relaté par saint Jean, avait-il sa raison d’être : « J’ai encore beaucoup de choses à vous dire ; mais vous ne pouvez les porter à présent. Quand cet Esprit de vérité sera venu, il vous enseignera toute vérité. » Joa., xvi, 12-13. Ami du clergé, art. cité, p. 346.

Il suffisait au Christ d’avoir montré le rôle salutaire de sa mort ; il lui suffisait d’avoir enseigné la nécessité de renaître spirituellement par le baptême pour entrer dans le royaume des cieux. Il avait dit à Nicodème : « Si quelqu’un ne renaît de nouveau, il ne peut voir le royaume des cieux… Si quelqu’un ne renaît de l’eau et de l’Esprit, il ne peut entrer dans le royaume des cieux… Ce qui est né de la chair est chair ; ce qui est né de l’esprit est esprit. Ne t’étonne pas que je t’aie dit : il faut que vous naissiez de nouveau. » Joa., iii, 1-10.

Il suffisait à l’Église primitive, avant saint Paul, de savoir que le Christ est mort pour nos péchés selon les Kcritures, I Cor., xv, 3, et « que celui qui croira et sera baptisé sera sauvé ». Marc, xvi, 16.

Il était réservé à l’apôtre Paul d’amener à son achèvement la révélation de la doctrine sur le péché originel. « Était-elle (cette doctrine) commune dans l’Église primitive avant l’intervention de saint Paul ? On peut en douter. Et en tout cas, il n’y en a pas trace ailleurs que chez l’Apôtre. La révélation n’a été close qu’avec le Nouveau Testament : Paul a pu être charge d’éclairer sur ce point les fidèles. » Lagrange, op. cit.. p. ILS ; P. Batiffol, L’idée de. la rédemption dans /, Xouvcau Testament, dans Semaine internationale d’ethnologie religieuse, iv c session, Milan, 192.">, Paris. 1926.

II. DANS SAINT PAUL.

La doctrine complète du péché originel, telle que l’a comprise la tradition, est dans la révélation paulinienne comme dans son germe.

Saint Paul tient, acc ses cont emporailis, de latffl dition Juive) qu’Adam est l’auteur de la mort et du penchant au mal, et que, de ce fait, pèse sur le genre humain la malédiction divine, il a appris lui-même, d’autre part, <ie la communauté chrétienne à laquelle

Il appartient, que le christ est mort pour nos péchés, irmément aux Écritures ». I Cor., xv. 3. La justification de tous par la mort de.lésns cnicilié. voilà le’i fait nouveau qu’il a approfondir et prêcher d’une façon Incomparable toute sa vie. Du rappro i bernent (parallélisme et contraste) qu’il établit entre Vdam, source de corruption et de mort, poux l’huma-