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    1. PÉCHÉ ORIGINEL##


PÉCHÉ ORIGINEL. LE JUDAÏSME POSTÉRIEUR

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un assemblage de morceaux disparates appartenant à différentes époques (170-70 av. J.-C). Dans cet apocryphe où l’on tente, à notre connaissance, pour la première lois, d’une façon suivie et spéculative, de rattacher explicitement la déchéance morale à une faute des origines, c’est au fait de la chute des anges, Gen., iv, 1-1, que l’on pense, plutôt qu’à la désobéissance d’Adam. Ainsi, dans la partie la plus ancienne du Livre d’Hénoch (i-xxxvi), écrite vers 170, c’est l’union des anges veilleurs avec les filles des hommes qui amène la corruption de l’humanité, vi et vu. Les veilleurs apprennent aux hommes une foule de connaissances qui entraînent l’impiété, viii : « Azazel a enseigné toute injustice sur la terre et dévoilé les secrets éternels », ix, 6, et ainsi il a découvert tout péché, ix, 8, Par sa science toute la terre a été corrompue ; il faut donc lui imputer tout péché. x, 8.

Cependant, l’auteur parle incidemment de l’arbre de la science et de l’arbre de vie. Hénoch voit près du trône de Dieu un arbre merveilleux, auquel « aucun être de chair n’a le pouvoir de toucher jusqu’au grand jugement : alors cet arbre sera donné aux justes et aux humbles. Par son fruit, la vie sera communiquée aux justes et ils vivront d’une longue vie sur la terre. » xxv, 4, 5. Transporté dans le paradis de justice, il voit 1’ « arbre de la sagesse » : « Ceux qui en mangent possèdent une grande sagesse. » Raphaël l’instruit sur cet arbre : « C’est l’arbre de la sagesse, dont mangèrent ton vieux père et ta vieille mère ; ils connurent la science ; leurs yeux s’ouvrirent : ils surent qu’ils étaient nus, et ils furent chassés du paradis. »

Sans doute l’auteur ne semble pas attribuer une grande importance à ces faits qui sont l’écho de Gen., ii et in. Cependant, on peut en déduire que, pour lui, il y avait au paradis terrestre un état de justice, qu’il y eut ensuite perte de cet état de justice ; qu’enfin, après le jugement, les justes seront de nouveau en possession de cette source de vie d’où ils ont été écartés. A noter aussi la façon dont il parle de la sagesse communiquée par les fruits de l’arbre : « On a l’impression que la science dont participèrent ainsi les premiers parents n’est autre que la connaissance de leur nudité, c’est-à-dire des instincts sexuels. Frey, p. 521.

Mais toutes ces choses ont moins de relief a ses yeux que l’union des anges coupables avec les filles des hommes. C’est de là que dérive pour lui la dépravation morale de l’humanité.

(I en est de même dans le Livre des songes, lxxxiiixi : (entre 166 el 16), où l’auteur insiste longuement sur la chute des anges, lxxxvi lxxxviii, de même aussi dans le Livre des paraboles, xxxvii i.xxi, plus récent (103 à’il av. J.-C), où l’origine du mal est attribuée aux veilleurs qui apprirent aux enfants des hommes à commettre le péché. lxiv, 2.

Le fragment noachique, lxv-lxix, interpole (huis le Livre des paraboles, expose aussi le rôle qu’ont Joué les principaux satans dans la chute de l’homme et la corruption de l’humanité. Sans doute. ; i enté du satan « qui séduisit tous les (ils des anges et les lit descendre sur la tene, lxix, t, l’auteur connaît celui > qui sédui sil Eve et qui monl ra les plaies de morl aux lils des hommes. ibid., 6 : mais c’est surtout aux funestes Connaissances répandues par les anges qu’il pense comme aux source, fin mal et de la morl : L’est lui qui apprit aux hommes a écrire avec l’eau de suie et le papyrus, el ils sont nombreux (eux qui ont erré à cause de ci la. Car les hommes n’ont pas été mis au monde pour aftirmer.imsi leur fidélité avec le calame. <. ; ir les hommes n’ont pas été créés autrement que les . mais pour demeurer justes et purs ; et la mort qui corrompt tout ne les aurait pas atteints ; ma cause de cette connaissance qui est la leur, ils périssent et à cause de cette puissance elle (la mort) me dévore. » lxix, 9-11.

L’homme apparaît ici comme dans la Sagesse, i, 13-14, et ii, 23-24, juste et immortel à l’origine ; mais il perd cette justice et son immortalité par le fait des connaissances mauvaises introduites dans le monde par les satans.

Enfin, dans la partie plus récente d’Hénoch, xc.iciv (an. 104-70 ?), nous retrouvons encore décrite la faute des veilleurs. Mais la responsabilité de l’homme est affirmée si fortement qu’on peut se demander si l’auteur ne veut pas écarter une doctrine opposée qui ferait peser la responsabilité sur les anges déchus, xcvm, 4 : « Je vous jure à vous, pécheurs, que de même qu’une montagne n’est jamais devenue et ne deviendra un serviteur…, ainsi le péché n’a pas été envoyé sur la terre ; mais les hommes l’ont fait d’euxmêmes et ils seront en grande malédiction ceux qui l’auront commis. »

En définitive, Hénoch ne connaît pas l’idée d’une culpabilité native, d’un péché d’origine imputable aux descendants d’Adam ; ce n’est que dans uneénumération du rôle des démons qu’est affirmée la séduction d’Eve. Le péché des premiers parents n’est pas inconnu, mais il disparaît presque complètement à côté de celui des anges. La dépravation morale et la déchéance physique de l’homme est attestée, mais rattachée à l’influence funeste de la transmission de connaissances secrètes par les anges. Il faut reconnaître toutefois que l’idée traditionnelle d’un paradis de justice, d’une déchéance de l’homme, qui l’écarlait de l’arbre de vie et introduisait la mort dans le monde, n’était pas inconnue au collecteur des sources d’Hénoch.

2. Le livre des Jubiles (n° siècle av. J.-C). —

Il nous ollre une interprétation de la Genèse dans l’esprit du judaïsme de l’époque. Il reproduit, au c. m (17 sq.), presque littéralement le récit de la chute (Gen., ii, 17 sq.). En particulier, la menace de mort y est formulée en ces termes : « Vous n’en mangerez point, vous n’y toucherez point, afin que vous ne mouriez point. » La condamnation à mort de Gen., iii, 19 sq., se retrouve dans Jub., ni. 25, sous cette forme : « Tu mangeras ton pain à la sueur de ton front, tu retourneras dans la poussière dont tu es pris, car tu es poussière. » Adam cependant n’est point mort immédiatement après son péché : il fallait expliquer la chose : l’auteur le fait ainsi, iv, 2 ! i s([. : A la fin du 19° jubilé, Adam mourut… et il lui manqua soixante-dix ans de mille ans, car mille ans sont comme un jour dans le témoignage des deux ; c’est pourquoi il était écrit, concernant l’arbre de la connaissance : Le jour où vous en mangerez vous mourrez ; c’est pourquoi il n’a pas terminé les années de ce jour, car il est mort dans le cours de ce jour. » L’auteur voit donc ici. dans la mort, un châtiment personnel d’Adam sans envisager la mort de ses descendants.

La faute originelle amène aussi un changement dans le monde animal, m. 28 : Et ce jour la ou il couvrit sa honte, fut fermée la bouche de tous les animaux… de BOrte qu’ils ne purent plus parler : car ils axaient Ions parlé l’un à l’autre avec un seul idiome. La faute d’dam a donc entraîné des conséquences pour tout le monde vivant. Si l’auteur ne parle pas de la mort héréditaire comme conséquence de la faute, on lupeut en conclure cependant que cette idée commu liement admise a sou époque lui ; iit ele étrangère, In loui cas. la corruption morale de l’humanité n’est point rattachée a la faute d’Adam. Celle-ci paraît avoir pour source unique le péché des veilleurs et la liberté laissée aux démons de leiilei les liomn i. 22 : v. i 13 ; x. l-9 ; d Frey, « rI. elle, p. 523..u-i