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    1. PÈCHE ORIGINEL##


PÈCHE ORIGINEL. LE JUDAÏSME POSTÉRIEUR

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comme coupable l’union de ses parents, et, si l’on ne presse pas sur ce point le sens littéral, il ne reste rien de clair sur l’origine de cette déchéance… »

Les prophètes. —

Il faut reconnaître ceci : « Le fait si important à tous égards de la désobéissance du premier homme n’a servi de thème à aucun commentaire prophétique. Ses conséquences, au point de vue de la déchéance collective de l’humanité, n’ont jamais été envisagées dans ce qui nous reste de la littérature sacrée de la langue hébraïque… » J. Labourt, Le péché originel dans la tradition juive, dans Revue du clergé français, t. xlviii, 1909, p. 32.

Les prophètes ont eu surtout comme mission de guider leurs peuples au milieu des difficultés religieuses du présent et de les orienter vers l’avenir. C’étaient des voyants, des hommes d’action, non des philosophes : ils n’éprouvaient pas le besoin de spéculer sur la foi dont ils vivaient et faisaient vivre les autres. Il leur suffisait de regarder la mort comme le sort commun de l’humanité, sans en chercher la cause lointaine, ou plutôt ils se contentaient de se représenter l’entrée du péché et de la mort dans le monde d’après le tableau qu’ils avaient lu aux premières pages de leur histoire religieuse. Le principe que la mort est entrée dans le monde par le péché d’un seul n’est point pour eux, comme il le sera plus tard pour les écrivains postérieurs, l’objet explicite d’une méditation et d’un thème à développer.

Les réflexions d’Ézéchiel, comme celles de Jérémie, tendent plutôt à faire prendre conscience à chaque âme de sa responsabilité individuelle et à présenter la mort comme un fruit amer des fautes personnelles.

En ces jours on ne dira plus : Les pères ont mangé des raisins verts lit les dents des fils en sont agacées. Mais chacun mourra pour son iniquité : Tout homme qui mangera des raisins verts, Ses dents en seront agacées. Jer., xxxi, 29-30.

Même idée dans Ézéehiel, xviii, 1-32 ; voir surtout ꝟ. 4 : « L’àme qui pèche sera celle qui mourra… »

III. L’origine du mal et de la mort dans les DERNIERS siècles du JUDAÏSME. Aux environs de l’ère chrétienne, le problème de l’origine du mal et de la mort sollicite particulièrement la pensée des juifs de Palestine et de la Diaspora. Ce qui intéresse surtout le théologien, c’est le témoignage des auteurs inspires sur ce point ; il ne peut négliger cependant l’étude des autres témoignages non inspirés qui (’éclairent sur le milieu, dans lequel la pensée de l’apôtre saint Paul s’est formée.

I. LES TÊMOIGNAGES INSPIRÉS.

Des indications intéressantes sont à relever dans l’Ecclésiastique et la Sagesse.

L’Ecclésiastique(xxv, 23-24)

est de grande importance pour nous révéler une pensée, traditionnelle depuis longtemps déjà dans le milieu palestinien vers le com mencement du ir siècle, n nous apporte un écho authentique <lu récit de la Genèse : C’esl par une femme que le péché a commencé. C’e8l à cause d’elle que non-, mourons Ions. Le passage dans son ensemble (*. 12-25) donne un enscignemen ! moral sur li causé par la méchanceté de la femme. Le rôle d’Eve est Ici amené toul naturellement comme une Illustra lion ; aussi ne faut il pas s’étonner qu’il ne soit pas question d’Adam. On voit clairement ici, comme dans la Genèse, que le péché a commencé dans le monde avec uns premiers parents et que la morl est la conséquence du premier péché if i B Frey, L’état originel ri lu (Unir de l’homme d’après la conceptions juive ?, au temps de J. C. dans Revue des sciences philos, et Ihéol., 191 1, p. : >17. Ailleurs (xtv, 17), l’auteui i la même vérité inscrite dans la Genèse, iii, 19, touchant l’origine de la mort :

Toute chair vieillit comme un vêtement [ment. Car c’est une loi portée dès l’origine : tu mourras certaine Dans d’autres passages (xv, 11-20, surtout ꝟ. 14), le fils de Sirach s’occupe à établir que Dieu n’est pas l’auteur du péché :

Au commencement il a créé l’homme Et il l’a laissé dans la main de son conseil…

(mieux : « de son penchant », si l’on admet que Stx60uXtou vient d’une mauvaise lecture de l’hébreu). Voir aussi :

Celui qui observe la loi maîtrise ses pensées Et le résultat final de la crainte du Seigneur est la sa-O pensée perverse, d’où es-tu sortie, [gesse, xxv, 11.

Pour couvrir la terre de tromperie ? xxxvii, 3.

En résumé :

1. L’Ecclésiastique enseigne que Dieu n’est point l’auteur du mal, que l’homme est libre de suivre son penchant ; il peut le maîtriser, grâce à la pratique de la Loi qui lui sert de remède.

2. Il ne met point en relation l’origine psychologique du mal avec le péché d’Adam ; il ébauche peut-être la doctrine du mauvais penchant que, plus tard, développera le IVe livre d’Esdras comme explication psychologique du péché.

3. Il enseigne nettement que le péché a commencé avec Eve, c’est-à-dire avec nos premiers parents et que ce premier péché a été la cause de la loi de mort portée contre le genre humain.

La Sagesse.

L’auteur grec du livre de la Sagesse (entre 150 et 80 avant J.-C.) est préoccupé particulièrement par le problème alors discuté de la corruption (<p00pâ) et de l’incorruptibilité, àcpOaptna.

Il le résout a la lumière de la Genèse :

…Car Dieu a créé l’homme pour l’incorruptibilité Et il l’a fait à l’image de sa propre nature [le monde ; C’est par l’envie du diable que la mort est entrée dans Ils en feront l’expérience ceux qui lui appartiennent. ii, 23.

Nous avons ici une allusion nette au rôle de tenta leur joué par le serpent de la Genèse. Cet être pervers, qui faisait preuve d’une intelligence et d’une nature supérieure dans le récit énigmatique de la tentation, est désormais explicitement identifié avec le diable. L’auteur inspiré de la Sagesse nous donne ici l’interprétation authentique du texte obscur de la Genèse concernant le tentateur.

La mort n’était pas dans le plan primitif du Créa tcur : [vie,

Ne courez pas après la mort par les égarements de votre Et n’attirez pas la perdition par l’œuvre de vos mains. Car Dieu n’a pas fait la mort

Et il n’éprouve pas de joie de la perte des vivants. Il a créé toutes choses pour l’être ; Ces créatures du monde sont salutaires Il n’y a en elles aucun principe de destruction, Et la mort n’a lias d’empire sur terre Car la justice est immortelle (àôàvocro ;). i, 12-15.

Primitivement, l’homme était donc fait, parce que créé à l’image de Dieu, pour l’incorruptibilité. C’esl par la jalousie <lu diable que la mort est entrée dans le monde,

Mais de quelle Incorruptibilité ou immortalité, de quelle mort est il question dans ce texte ? la question

vaut d’être posée : sans doute, pas de difficulté si « m Ut ces deux passages dans la lumière de la Genèse (m), que l’auteur a certainement présente à la pensé dam la perspective qui doit lui être commune avei le milieu judaïque de l’époque, d’une morl hérédl pai le péché d’Adam. On en com lura facilement que la mort corporelle est la suite du péché