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PAUL III


s’est encore laissé guider par des considérations politiques ou personnelles, le plus grand nombre des soixante-et-onze cardinaux qu’il nomma, étaient des hommes de haute vertu. Ces choix heureux transformèrent complètement le Sacré-Collège, où depuis Sixte IV s’était glissée la corruption, et rendirent ainsi possible à ses successeurs la réforme de l’Église.

IV. La défense de l’Église. — 1° Contre les protestants. 2° Contre les Turcs. 3° Rétablissement de l’Inquisition.

Défense de l’Église contre le protestantisme.


1. En Allemagne.

Les progrès du protestantisme continuent en Allemagne. En 1539, après la mort de Frédéric et de Georges de Saxe, le frère de ce dernier, Henri, introduit le luthéranisme dans le pays. La même année, l’électeur de Brandebourg, Joachim II, adhère à l’hérésie. Cf. Steinmiiller, Die Reformation in der Kurmark Brandeburg, Halle, 1903. En -même temps, les protestants s’organisent, tandis que, du côté des catholiques, la médiocrité des évêques, l’absence de prêtres dans un grand nombre de paroisses affaiblissent la résistance à la nouvelle doctrine. La situation est telle que les rapports de Vergerio, ceux des nonces Aleander, Morone et Mignarelli, laissent prévoir la ruine complète du catholicisme en Allemagne.

Cependant, Paul III et Charles-Quint ne perdent pas de vue le rétablissement de l’unité religieuse. Mais, si le pape ne voit de salut que dans le concile général, l’empereur s’essaie à ramener les protestants par des colloques religieux et, ne pouvant y réussir, recourt à la guerre.

a) Diète de Ratisbonne (5 avril-29 juillet 1541).— Le premier colloque de religion fut convoqué à Spire, le 18 avril 1540, transféré à Haguenau, le 12 juin, puis à Worms, où la discussion commença le 14 janvier 1541. Le pape y était représenté par le légat Tommaso Campegio et les nonces Morone et Poggio. Catholiques et protestants trouvèrent une formule d’entente sur le péché originel, après quoi la discussion fut interrompue et renvoyée à la diète de Ratisbonne.

La diète s’ouvrit le 5 avril, aussi inquiétante que les précédentes réunions : divisions des catholiques, jalousie des princes, même des catholiques, craignant de voir l’unité augmenter la puissance de l’empereur, prétentions des protestants. Malgré sa répugnance à laisser l’empereur traiter de questions religieuses, Paul III avait consenti à envoyer un nouveau légat, Contarini. « Rempli lui-même des meilleures intentions et des aspirations les plus idéales, le noble cardinal était trop porté à croire aux mêmes sentiments chez les autres, il jugeait beaucoup trop favorablement et, par conséquent, sans justesse les doctrines de Luther, qu’il ne connaissait pas suffisamment. » Pastor, op. cit., t. xi, p. 361.

Les six interlocuteurs désignés par l’empereur, Mélanchthon, Bucer et J.Pistorius, du parti protestant, Gropper, J. Pflug et Eck, pour les catholiques, discutèrent sur un projet établi secrètement à Worms, en décembre 1540, et appelé Le livre de Ratisbonne. Cf. Schœfer, De libri Ratisb. origine et historia, Euskirchen, 1870. « La modération de la forme avait été calculée de manière à ne pas heurter les protestants ; le rédacteur avait fait ressortir les articles non contestés et atténué les dissonances, jusqu’au malentendu. » P. Richard, op. cit., t. ix, p. 150.

Des vingt-trois articles du Livre de Ratisbonne, les quatre premiers, relatifs à la nature de l’homme, au libre arbitre, au péché originel, furent facilement acceptés. Le cinquième, doctrine de la justification, aboutit à une transaction, par l’exposé d’une double justification : une justification inhérente à l’âme, qui découlait de la grâce du Christ, et une justification plus haute, nécessaire pour le renouvellement entier

de l’âme, la justification du Christ, donnée et imputée à l’homme en raison de sa foi. Il n’était pas question de bonnes œuvres. Parmi les articles suivants, ceux qui concernaient l’Église, la primauté, l’eucharistie et la messe, la pénitence, les institutions ecclésiastiques, firent éclater l’opposition irréductible entre les deux doctrines. Les protestants rédigèrent des contrearticles. Le tout fut soumis à l’empereur, 31 mai. Voir art. Justification, t. viii, col. 2156.

Dès le 3 mai, Contarini avait envoyé à Rome le texte de conciliation sur la justification : au consistoire du 27 mai, la majorité des cardinaux rejeta cette formule, comme sujette à interprétations diverses. Pour ne pas blesser Contarini, le cardinal-neveu lui écrivit, au nom du pape, que Sa Sainteté n’approuvait ni ne rejetait la formule, mais qu’il la trouvait trop peu claire. Du côté de l’empereur, Granvelle conseille à son maître de publier comme loi d’empire les articles sur lesquels l’accord s’était fait ; quant aux autres, ils seraient tolérés jusqu’au concile ou à la prochaine diète. Le 12 juin, Charles-Quint proposa la clôture de la diète et annonça son édit de tolérance, se disant d’accord avec Contarini, qui ne put que protester. Dans le recès du 29 juillet, l’empereur déclarait qu’il demanderait au pape la convocation d’un concile général en Allemagne, ou, si c’était impossible, d’un concile national ; sinon, une nouvelle diète réglerait la question religieuse.

b) Guerre contre la Ligue de Smalkalde. — Le refus constant des luthériens de consentir au concile général, leur prétention d’être reconnus comme Église d’État, la faiblesse dont ils venaient de faire preuve, en laissant écraser le duc de Clèves, en 1543, suggérèrent à Charles-Quint d’essayer de rétablir par la force l’unité religieuse. Le 17 juin 1545, un accord de principe est conclu avec le pape qui promet des troupes et de forts subsides, à condition que tout sera employé exclusivement contre les états protestants d’Allemagne et qu’aucun accord ne sera conclu avec eux sans son consentement. Dans l’espoir d’obtenir des secours plus considérables, Charles-Quint renvoie les hostilités à l’année suivante : un nouveau traité est signé le 6 juin 1546, par l’empereur, et le 26 juin par le pape. Voir le texte dans Pastor, op. cit., t. xii, p. 135-137. La guerre fut courte. L’empereur remporta une victoire complète, presque sans combat. Au lieu de tenir ses engagements, Charles-Quint observe partout la tolérance dans le sud de l’Allemagne, et reprend sa première idée d’un accord pacifique entre protestants et catholiques.

c) Diète d’Augsbourg (1 er septembre 1547-30 juin 1548). — Un comité de seize personnes, chargé d’arriver à une entente, aboutit à un échec complet. Cf. "Wolf, Das Augsburger Intérim, dans Deutsche Zeitschr. fur Geschichtswiss., nouv. sér., t. ii, p. 57 sq.

L’empereur traitera alors lui-même de la question religieuse, aidé par J. Pflug, par le coadjuteur de Mayence, Helding, par le carme Eberhard, les théologiens espagnols Soto et Malvenda. Les protestants étaient représentés par J. Agricola, prédicateur de Joachim de Brandebourg, cf. Beutel, Ueber den Ursprung des Augsburger Intérims, p. 60-74. De cette collaboration de l’empereur et des théologiens des deux partis, sortit Ylnierim religieux impérial, ou « Déclaration de Sa Majesté impériale et romaine sur ce qu’il y a à faire en matière de religion dans le saint empire, jusqu’à l’issue du concile général. » Les 26 articles de Ylnterim souffrent du même défaut que le livre de Ratisbonne ; ils sont « d’un catholicisme radouci, assez vague pour ne pas effaroucher les hétérodoxes ». P. Richard, op. cit., t. ix, p. 419. On n’y insiste pas sur la justification ; le purgatoire est passé sous silence ; de la messe, il est parlé d’une