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    1. PÉCHÉ ORIGINEL##


PÉCHÉ ORIGINEL. LE RÉCIT DE LA GENÈSE

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le surnaturel, qui apparaît en pleine histoire dans le fait du Christ, se retrouve aux origines dans l’élévation de l’homme à l’état d’innocence et la sanction de la chute, et que Dieu ait voulu consigner ses desseins sur l’humanité dans les récits de la Genèse et de l’Ancien Testament. « Si on croit que Dieu nous a révélé ce qu’il a prétendu faire en envoyant son Fils pour racheter le monde du péché, il est tout simple de croire aussi qu’il nous a révélé ce qu’était ce péché et quelles en étaient les conséquences. Pourtant, nous ne savons pas comment sa révélation s’est transmise depuis l’origine du monde… A nous, catholiques, l’Église garantit l’exégèse dogmatique et l’autorité de l’enseignement. » Lagrange, p. 378 ; cf. A. d’Alès, art. Homme, dans Dict, apol., t. ii, col. 461.

Rien d’étonnant à ce que la révélation de la chute nous soit transmise en termes accommodés à la mentalité des Hébreux, pour lesquels elle fut écrite tout d’abord ; à ce que son germe soit enveloppé dans la gaine des métaphores et des anthropomorphismes. A la lumière de l’épanouissement postérieur de la doctrine. la théologie saura discerner ce qui est élément fondamental, trait substantiel, objet d’enseignement divin, et ce qui est accessoire, figure et véhicule de la vérité. Cf. Labauche, Leçons de théologie dogmatique, t. n. L’homme, p. 29 sq.

L’Église a d’ailleurs eu l’occasion de préciser ce qui. dans ce récit, tient aux fondements du salut. Ainsi, depuis le concile de Trente, un catholique ne peut plus considérer le récit de la chute comme une allégorie pure ; il compromettrait le dogme de la chute personnelle d’Adam, qui fut alors l’objet d’une définition formelle. Denzinger-Bannwart, n. 788.

La Commission biblique (30 juin 1909) a donné des directives doctrinales sur le caractère historique des trois premiers chapitres de la Genèse : on ne peut révoquer en doute le sens littéral historique du récit là où il s’agit de faits qui touchent aux fondements de la religion chrétienne, comme sont, entre autres, l’unité du genre humain, la félicité de nos premiers parents dans cet état de justice, d’intégrité, d’immortalité, le précepte donné par Dieu à l’homme pour éprouver son obéissance, la transgression de l’ordre divin, sous l’instigation du diable caché sous les apparences du serpent, la déchéance de nos premiers parents de cet état primitif d’innocence, la promesse d’un rédempteur futur. Mais, dans ces limites, elle autorise formellement à ne pas prendre au sens propre tous et chacun des mots et des phrases, lorsqu’il appert que ces locutions sont employées dans un sens manifestement impropre, métaphorique ou anthropomorphique, et que la raison défend de s’en tenir au sens propre, ou que la nécessité force de l’abandonner. Denzinger-Bannwart, n. 2123-2125.

Ainsi l’Église, écho et interprète de la tradition catholique, reconnaît-elle une certaine liberté à ses théologiens dans l’interprétation du récit de la chute A rqui admet le fait de la chute, il n’y a point lieu d’imposer la stricte acceptation des moindres détails de ce récit. Cf. J. Rivière, art. Péché originel, dans Dict prnl. des connaiss. relig., t. v, col. 409.

Interprétation du récit.

Elle se fait d’après des critères objectifs : les uns dogmatiques (interprétation par la révélation postérieure du récit de la Genèse, ions de rftf4li.se ci-dessus rappelées), les autre ! historiques. L’étude du développement de la révélation nous dira ce qu’est devenu, dans les Livres du Nouveau Testament, l’enseignement divin ébauché au c. ni de la Geni te Pour l’instant, précisons a quels résultats sont arrives, en Utilisant surtout les ics sources de l’exégèse > ! de l’histoire comparative, les’nts catholiques contemporains.

Le P, Lagrange, en faisant l’analyse dei élément) substantiels du récit (p. 361), est frappé de deux choses : la parfaite conformité de cet enseignement avec le dogme catholique, et l’absence de lien nécessaire entre cet enseignement et certaines particularités du récit, qui lui servent pourtant de véhicule.

En tenant surtout compte d’une longue étude comparative des traditions populaires anciennes sur l’âge d’or et le péché chez les Babyloniens, les Égyptiens et les peuples primitifs d’une part, et le récit biblique d’autre part, Feldmann, op. cit., p. 484-491, 603, détermine ainsi le contenu essentiel du récit biblique :

1. A l’origine, l’homme menait une vie heureuse et innocente dans la familiarité divine, à l’abri de tout souci, destiné qu’il était à une vie immortelle. —

2. Tenté par une puissance mauvaise, il transgresse un commandement divin. — 3. La suite du péché fut l’éveil du sentiment de la pudeur et de la honte de la faute, les souffrances, les misères de la vie et une mort certaine. — 4. La mauvaise puissance qui ne doit pas cesser d’intriguer contre l’homme sera cependant dominée par le rejeton de la femme.

Si l’on doit reconnaître que le dogme d’une culpabilité originelle transmise n’est pas exprimé plus clairement dans le texte de la Genèse que dans la tradition des autres peuples, il faut remarquer cependant, dans ce texte, l’idée générale d’un changement acquis pour la race dans ses rapports avec Dieu. L’expulsion du paradis pèse sur le genre humain tout entier ; c’en est fait de l’intimité première. Dieu n’abandonne point cependant sa créature ; mais ce ne sont plus les rapports ordinaires de l’état d’innocence : les interventions divines apparaissent comme quelque chose d’extraordinaire.

Il faut insister ici sur quelques points fondamentaux de l’interprétation traditionnelle, particulièrement discutés à notre époque :

1. Ce récit est bien l’histoire d’une chute et non point une simple explication psychologique d’un progrès soit individuel, soit social de l’homme. — Selon une certaine école, il ne faudrait pas chercher ici une page de doctrine ou de morale, mais bien la première page de l’histoire du développement humain, l’explication mythique du progrès intellectuel de l’homme, qui ne comporte ni transgression, ni faute. Nous y trouverions l’histoire de l’ascension de l’homme de l’état sauvage à une plus haute culture, de la naïveté et de l’inexpérience enfantine aux régions du savoir.

C. Clemen a raconté l’histoire de cette exégèse, Die christliche Lehre von der Sùnde, Gœttingue, 1897. p. 109 sq. Elle a sa source dans la philosophie évolutionnistc qui applique à priori ses postulats à une paj>e qui est absolument conçue en dehors de telles idées Kant, Œuvres, éd. de l’Acad. de Berlin, t. viii, 1912, p. 109 sq., et Schiller, Œuvres, t. ix. Stuttgart, 1871. p. 125 sq., qui l’ont mise en vogue, reconnaissent que ce qui fut une chute, du point de vue de l’individu, devenait, du point de vue de l’espèce, un pas de géant dans la voie du progrès. Des exégètes de profession ont voulu fournir à leur tour une base historique à ces théories philosophiques. Ainsi Éd. Rcuss, L’histoire sainte et la loi, t. i, Strasbourg, 1879, p. 293 sq.

Selon lui, l’homme d’après le jahwiste, « ne connail ni le bien, ni le mal ; il ne sait pas qu’il est nu : il n’a donc même pas le sentiment de la pudeur. L’homm< est un enfant, car il n’y a que l’enfant, l’Age insouciant et inconscient, qu’on puisse reconnaître à ce portrait. Polnl de conscience, point de responsabilité, mais aussi point de sainteté, rien, absolument rien de ce que II ! théologiens 5 "ni vu… L’homme est heureux tant qu’il est enfant… Il mange du fruit de l’arbre 1 connaissance, aussitôt ses yeux sont détaillés, il a conscience de lui même… Il a perdu ion bonheur, cet état d’inconscience morale qui est si bien comparé