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PÉCHÉ PHILOSOPHIQUE HISTOIRE ULTÉRIEURE


l’acte déréglé olïense Dieu et mérite la peine éternelle ; et qu’il faut tenir pour un grand bienfait du ciel que certains ignorent Dieu, si toutefois le cas s’en rencontre, car ils sont ainsi rendus impeccables, eux qui, s’ils l’eussent connu, l’eussent certainement offensé. Les cinq évêques font une critique excellente de cette conception : Neque enim fieri potest ut innocens Deo sit qui, exlincla licel cognilione Dei, rectæ rationis et conscientiæ lucem a Deo exorientem spernit. Neque enim fieri potest ut non sit contumeliosus in Deum qui recta ? rationi, cujus Deus auctor et vindex est, injert injuriam. Ils écrivent aussi une belle page de théologie sur le fondement de l'éternité des peines, par mode de commentaire du mot de saint Grégoire, avec cette formule : lnest ergo cuicumque mortali peccato quwdam concupiscentiæ seternitus atque, ut ita dicam, immensilas, cui profecto Deum Iota sua infinitate atque seternitate ac sanctitale adversari necesse sit. La supplique n’eut pas de suite et le livre dénoncé ne fut pas condamné. Le texte de la lettre avec des notes historiques dans la Correspondance de Bossuet, éd. des Grands écrivains de la France, t. viii, p. 151-172 ; cf. ibid., p. 148.

Par ailleurs, l’une des 127 propositions censurées par l’assemblée du clergé de France de 1700 regarde le péché philosophique : Si peccatores consummatæ malitiæ cum blasphémant et flagitiis se immergunt non liabent conscientiæ slimulos nec mali quod agunt notitiam, cum omnibus theologis propugno eos hisce actionibus non peccare. La proposition est extraite de 'Apologia casuistarum, du P. Pirot, jésuite ; elle est censurée, sous le numéro 112, avec cette note : Hœe propositio jalsa est, temeraria, perniciosa, bonos mores corrumpit, blasphemias aliaque peccata excusai et ut lalis a clero gallicano jam dumnata est : où l’on se réfère à la condamnation portée par l’assemblée générale du 12 avril 1641. Collection des procès-verbaux des ctssemblées générales du clergé de France depuis 1560 jusqu'à présent, Paris, 1767-1780. Beaucoup d’autres censures particulières furent portées contre la même erreur au cours du xviiie siècle (Préj. hist., p. xviiixix). Elles ne furent pas absolument vaines et certains ouvrages furent corrigés ; par exemple, Archdekin, de qui la Theologia triparlita, dans l'édition de 1718 (la première est de 1678, l’auteur est mort en 1093 : cf. Hurter, Nomenclator, t. iv, col. 407) omet ce qu’on trouvait dans les précédentes sur le péché philosophique.

Écrits ultérieurs.

Pour leur intérêt doctrinal,

nous devons relever quelques écrits qui ne laissèrent point de paraître sur ces questions. Le P. Serry, qui était intervenu comme docteur de Sorbonne dans la querelle, comme nous l’avons dit, introduisit dans la 2° ('(lit ion (Anvers, 1709) de son Historia congregationuiii De auxiliis divinæ gratindeux chapitres intéres saut le péché philosophique, t. III, c. xi.vn, xi.vm. Il y est déterminé par suite des thèses soutenues à Paris le 14 décembre 1699 par le I'. Hechefcr, jésuite (un Jésuite du même nom a été signalé par Arnauld, Cin quième dénonciation, a mine ayant enseigné le philo sophisme a Reims vers 1660), dont la huitième nie qu’on doive imputer le péché commis par l’homme à qui Dieu aurait soustrait toute sa grâce ensuite d’un premier péché ; Serry signale un précédent et renvoie

au c. xxxii de ce même livre III. Ce théologien signa,

ivril 17110, une déclaration à l’archevêque de Paris,

dans laquelle du reste, Serr l’observe justement, il

évite d’affirmer que les péchés des endurcis, destitués

de I nul secours, si. i eut imputables. < nu nue il le faisait '

déjà dans sa seconde Lettre, Sern rattache l’erreur

du péché philosophique au principe moliniste des

1 M i ro> ail communément Jusqu'à

ii. dit il. qui I saire pour ne

pécher point : les nouveaux théologiens ont changé tout cela, et désormais c’est pour commettre le péché que la grâce est nécessaire. Contre ces funestes fantaisies, Serry n’a point de peine à revendiquer les principes de la théologie traditionnelle ou plutôt de la morale chrétienne.

Selon Viva, S. J., Damnatarum thesium theologica trulina, le décret de 1690 entraîne que la proposition condamnée est fausse en l’ordre présent de la providence, où ne se vérifie point l’ignorance invincible de Dieu chez l’homme usant de la raison ; s’il y avait chez un homme l’ignorance invincible de Dieu, il ne pourrait non plus offenser Dieu, et la condamnation n’interdit pas de le penser ; de Lugo et d’autres, le professeur de Dijon lui-même n’ont vu dans le péché philosophique qu’une hypothèse et parlaient dans un sens conditionnel ; les anciens théologiens, partisans du péché philosophique, ne sont pas atteints par le décret, où cette opinion est présentée comme nouvelle. Avec cela, et quoi qu’il en soit de ces gloses, Viva montre assez bien que le péché philosophique, conformément à la sentence qu’il reconnaît être commune, est impossible même métaphysiquement, car la connaissance de la prohibition divine est implicitement comprise dans la connaissance de la prohibition raisonnable. Que ne s’en est-il tenu à cette droite doctrine !

Son exégèse bénigne du décret a été prise vivement à partie par le dominicain D. Concina, dans son ouvrage : Délia sloria dcl probabilismoe del rigorismo dissertazioni theologiche, moralee critiche, Lucques, 2 vol., 1743 ; diss. III, c. v, § 1-4, t. i, p. 87-134. Entre les informations historiques dont ces pages abondent, celle-ci nous est encore inconnue. Un apologiste de la Compagnie de Jésus avait prétendu que d’illustres thomistes s'étaient faits partisans du péché philosophique, et plus audacieusement, disait-il, que ne fit jamais aucun jésuite. Concina ne convient pas que ictoria, en sa célèbre Relectio, soit de ce nombre, et nous savons qu’il a raison. Il tient que, seul entre les thomistes, le P. G. IWarletta, O. P., a défendu le philosophisme ; mais il fut pour ce fait renié par un théologien comme Vincent Ferre (le texte de Marletta, p. 126, sur ce théologien, Script, ord. præd., t. ii, p. 676. Sur Y. Ferre, ibid., p. 696). Et parmi les thomistes illustres, je n’en ai pas trouvé un seul, déclare fièrement Concina, qui ait soutenu cette erreur. Il est curieux que cet historien tente d’excuser du philosophisme de Lugo dont les textes, dit-il, peuvent s’enlendre dans un bon sens. Docti inalement, Concina fait du philosophisme un rejeton du probabilisme. Sous ce dernier terme, il entend le groupe des thèses chères à certains théologiens, et dont l’une intéresse l’advcrlanec actuelle de la malice nécessaire au péché. A la faveur de cette doctrine, qui ruine le péché d’ignorance, le philosophisme a commencé de s’introduire dans les écoles cal ludiques. Il a progressé, lorsqu’on en vint à penser qu’il peut y avoir une ignorance Invincible et innocente de Dieu, car certains sont de ce senlimenl. Mais, sur la nature inclue de cette erreur, Concina a écrit quelques lignes excellentes et qui découvrent aussi bien, croyons-nous, l’origine historique du pél he philosophique : » C’csl dans la séparation de ces deux concepts inséparables [acte contraire a la raison. acte contraire a Dieu] que consiste proprement le philosophisme. Le fondement premier de cette erreur est qu’en chaque péché se trouvent deux malices, l’une par rapport a la droite taison. l’antre par rapport a la transgression de ii, l<, i <|e I heu. Ces qu main es. selon les philosophistes, ne sont pas inséparables ; mai', au Contraire, l’une peut (lie sans l’autre dans i esprit de celui qui pèche. De snrle que celui cpii. en péchant.

réfléchit a la premii deux malices et neconsi aactuellement la seconde, ne se rend pas