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PÉCHÉ PHILOSOPHIQUE. LES ANTÉCÉDENTS


nuper damnala, per centum et amplius annos a theologis Societatis Jesu tradita ac per omnes fere Europæ provincias longe lateque disseminata.

Circonstances de ta condamnation même.

On

connaît par les lettres de M. du Vaucel à l’archevêque d’Utrecht (cf. Pré/ace historique, citée, p. xii sq.) quelques circonstances de la condamnation romaine. Elle fut résolue le 3 août. On évita la note d’hérésie grâce à la nouveauté de la proposition. Entre autres tentatives, les jésuites avaient adressé, dès 1689, une requête au Saint-Office (le texte en est rapporté en français, toc. cit., p. xiii, en note) ; les auteurs incriminés, disaient-ils, ont parlé conditionnellement du péché philosophique et dans l’hypothèse d’une ignorance invincible de Dieu ; cet enseignement est très commun dans la théologie scolastique ; Lugo, cardinal de l'Église romaine, l’a naguère approuve. Et la requête se termine sur la dénonciation d’un libelle diffamatoire, qui n’est pas autre chose que le premier écrit d’Arnauld. Mais quatorze thèses soutenues et imprimées à Rome en ce temps-là par des jésuites, où le péché philosophique était clairement enseigné, furent défavorables à leur cause. La condamnation passa « presque tout d’une voix ». Elle fut publiée sans dilliculté à Paris.

Viva, op. cit., part. III, p. 8, prétend que la proposition condamnée n’a été obtenue qu’en changeant le texte de la thèse originale de Dijon (…in quibus licet hsec thesis prout jacet non reperiretur, nihilominus paucis per invidiam mutatis in hanc preesentem thesim una ex iis concinnata fuit). De même, dans l'édition de 1854 de son Enchiridion, Denzinger attribuait à Arnauld la rédaction calomnieuse de cette proposition. Mais on ne trouve plus ce jugement dans les éditions plus récentes. De fait, il est difficile de charger Arnauld d’une telle déformation ; il cite le texte de la thèse en tête de sa Première dénonciation (nous avons dit déjà qu’il coïncide exactement avec la proposition condamnée) ; or, il eût donné à ses adversaires des armes trop faciles en falsifiant ce fondement de ses accusations ; et, par ailleurs, jamais dans la controverse il ne lui fut reproché d’avoir rien changé au texte de la thèse. Cf. aussi Reusch, Dcr Index (1er verbotenen Bûcher, t. ii, Ronn, 1886. p. 537.

Il n’est pas douteux que la campagne d’Arnauld a contribué à la condamnation du péché philosophique et que ses publications, comme ses lettres privées, ont agi sur les milieux romains. Nous ne pouvons dire plus. Reusch pour son compte, (oc cit., estime que les écrits de ce théologien « ont donné occasion à la condamnation ». On avait attribué a un religieux bénédictin, loin Étiennot, procureur général de la congrégation de Saint-Maux, la paternité des quatre premières Dénonciations et d’avoir déféré au Saint-Siège la thèse « lu péché philosophique : une lettre du cardinal d’Aguirre au générai des bénédictins, i" septembre 1690, l’en détrompe ; mais |uand le fait sciait vrai, ajoute le cardinal, ce religieux < mériterait plutôt d'être loué que blâmé, ci on devrail Un avoir obligation d’avoir faii ce que chacun aurait dû faire en particulier ». Histoire littéraire de la congrégation de Samt Ylaur, p. 178. D’après Dôllinger et Reusch, Geschichte der Xforalstreiligkeilen m der rômisch-kalho lischen Kirche seit dem xvi. Jahrhundert, t. i, p n. 1, c’esl par Mabillon qu’on aurait eu connaisse] Rome de la thèse du péché philosophique, comme il avait dénoncé « clic des actes d’amour de Dieu non nécessaires condamnée en même temps ; mais ces ailleurs n’en donnent point de preuve, et la joie que témoigne Mabillon (le relie condamnation n’en est point une.

A la condamnation romaine il a lieu d’adjoindre le mandement de l'évêque de Langres déjà cité ; la lettre

pastorale de l'évêque d’Agde, datée d’Issoudun, Il novembre 1689 ; une Lettre contre la nouvelle hérésie du vicaire capitulaire de Pamiers, le 2 janvier 1690.

il. histoire critique de l’opinion. — Les événements que nous venons de raconter annoncent d’euxmêmes que le péché philosophique n'était point une nouveauté en 1686. La thèse de Dijon, devenue célèbre, s’inscrit dans un vaste mouvement théologique ; nous avons pu voir qu’en France, aux Pays-Bas, à Rome même, le « péché philosophique » était une opinion depuis longtemps répandue et enseignée. Arnauld et ses émules ont tenté de découvrir les principes d’où cette opinion dérive ; la recherche s’en impose en effet et nous voudrions à notre tour contribuer à son heureux succès.

Ses origines historiques.

L’expansion missionnaire du catholicisme au xvii c siècle semble avoir

déterminé pour une part cette direction de la pensée Ihéologique. Dès 1674, la congrégation romaine de l’Inquisition répondait à une consultation où il était demandé si les péchés des païens ignorant Dieu méritaient bien la peine éternelle. Le doute proposé et la réponse romaine dans les œuvres du P. dom Navarrette, O. P., t. i, Madrid, 1676, tr. VII ; cf. Scripiores ord. præd., t. ii, p. 721. Ce dogme de l'éternité des peines paraissait, si l’on peut dire, d’exportation difficile et l’on aurait aimé pouvoir dire aux Chinois qu’avant la prédication en leur pays de la vraie religion leurs ancêtres n’avaient point mérité pareil châtiment. Dans la violente controverse de la Compagnie de Jésus et des Missions étrangères au début du xviiie siècle, il était naturel que cette question reparût, liée comme elle l'était à celle des méthodes de l’apostolat auprès des païens. Qu’il nous suffise d’avoir indiqué ici la connexion d’une notion théologique avec un ordre d'événements relatifs à l’apostolat catholique.

Ses origines théologiques.

Nous voudrions relever chez les théologiens eux-mêmes les origines doctrinales de cette notion.

1. La Relectio, de Fr. de Victoria, O. P., dont nous parlions, col. 255, témoigne d’une préoccupation d’esprit à quoi se lie naturellement l’idée du péché philosophique. Elle est intitulée : De eo ad quod lenetur veniens ad usum ralionis, et fut tenue en juin 1535. Le thème en est, nous l’avons dil, le cas de l’enfant accédant à la vie raisonnable ; mais la question s’y trouve débattue des rapports de l’action morale avec la connaissance de Dieu. Victoria ne répugnerait pas à cette pensée que l’ignorance de Dieu est de nature à supprimer la vie morale, mais en ce sens que, de celui qui ne connaît pas Dieu, on peut dire qu’il n’a pas l’usage de la raison : ainsi maintiendrait-il la coïncidence de la vie morale et de l’usage de la raison ; l’opinion, dit-il. n’en aurait pas de graves inconvénients puisqu’une telle ignorance, pal la providence de Dieu, ne se vérifie jamais que pour un temps très court. Il se garde toutefois de se ranger à cet avis paradoxal et dont la nouveauté ne plairait pas à toutes les oreilles, et il énonce : anlequam aliquis aut cognoscat aui possit cognoscere Deum, potest peccare, El Victoria invoque entre autres cet argument qu’il n’est pas nécessaire, pour que la loi oblige, qu’elle SOil connue du pécheur comme émanant du souverain législateur. On peul

connaître le bien ci le mal et ignorer Dieu, encore que

bien et mal se prennent en soi de la loi divine. Le P. de l'.lic. Hrrur dr philosophie. [931, p. 581 610, a

récemment attiré l’attention sur ce document, lia cet

intérêt, en effet, de signaler comme posée en théol

la quest Ion de la nécessité de connaît re i >icu pour qu’il

ait vie morale : et l’on voit qu’elle Be pose a propos

du cas des enfants étudié par saint Thomas ; l’on y

te a la genèse d i dissociation opérée non