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PECHE MORTEL ET PECHE VENIEL


gnent donc jamais que le coupable pour son propre péché. Il semble que ces discernements de la théologie rendent heureusement compte des différents textes de la sainte Écriture relatifs à cette matière. Ia-IIæ, q. lxxxvii, a. 8.


VIII. PÉCHÉ MORTEL ET l'ÉCHÉ VÉNIEL. Ici se situe,

dans la théologie de saint Thomas, l'étude expresse de cette distinction célèbre, dont il estime qu’elle se prend du reatus pœnje causé par le péché. Mortel et véniel qualifient le péché par rapport à cet effet dont nous savons qu’il oblige tantôt à la peine éternelle, tantôt à une peine temporelle. Il est important de n’en point déplacer l'étude, quitte, bien entendu, à donner à celle-ci plein développement. Dans les livres modernes de théologie, cette distinction a obtenu un relief privilégié, mais qui menace l’exactitude des notions ici engagées ; dans l’appréciation commune, on borne volontiers à ces deux termes le discernement de la conscience morale. Remettre cette étude en son lieu véritable, est une réparation commencée de l’un et l’autre dommage.

La division des péchés en mortels et véniels est dans la théologie un héritage de la tradition. L’ancienne littérature chrétienne emploie ces mots, mais dont le sens n’est pas aussitôt fixé. Celui de péché mortel, mortale, ad mortem, npoç Oâvocrov, dépend directement du texte, d’ailleurs très obscur, de saint Jean : e Si quelqu’un voit son frère commettant un péché qui n’est pas pour la mort, il priera et il lui donnera la vie, à ceux qui ne pèchent point pour la mort ; il y a un péché pour la mort, ce n’est point pour celui-là que je dis de prier. » I Joa., v, 16. Celui de véniel évoque le pardon que mérite un péché, soit qu’il ait été commis sous une forte tentation, soit qu’on le veuille signaler éomme rémissible de sa nature, soit que l’auteur en ait fait pénitence. Dans l’ancien régime pénitentiel, sont dits mortels les péchés qui privent de la vie du Christ et de la communion des fidèles ; on ne s’en délivre que dans la pénitence publique et par l’intervention du pouvoir des clés ; mais le catalogue en diffère comme celui des péchés capitaux, dont ils sont alors synonymes. Voir art. Pénitence. Chez Tertullien, De pudic.ilia, la différence des fautes plus graves et moins graves se considère selon que Dieu seul ou l'Église les peut remettre ; c’est donc une théologie de la rémission des péchés qui est engagée là. Cf. Cavallera, art. cit., mars 1030, p. 54-58. Origène abonde en distinctions iclatives à l’inégale gravité des péchés. Sa théorie des péchés incurables est d’interprétation difficile ; mais elle concerne certainement le mode de rémission des péchés el la pénitence laborieuse requise pour quelques-uns d’entre eux. Saint Augustin, entre tous, a élaboré la distinction des péchés mortels et véniels en un sens qui commande la théologie postérieure. A la différence des péchés mortels (letalia, mortifera crimina), les péchés véniels (venialia, le via, quotidiana) n'ôtent point la vie de l'âme, qui ( « insiste dans l’amour et dans l’union avec Dieu ; on y aime la créature non ; i l 'encontre de Dieu mais en dehors « le lui ; ils n 'entraînent pas une séparation éternelle d’avec Dieu : ils sont remis par la prière, le jeûne, l’aumône (tandis que lis péchés mortels sont soumis au pouvoir des clés : où cette théorie

révèle son al tache a la tradition) ; on les expie dans

cet le vie, et s’ils ne l’ont pas été, l’autre vie y pourvoit. Cf. Vlausbach, Die Elhikdes M. Augustinus, f. i, p. 2352 : ' » 't ; art Vugustin, ci dessus, t. I, col. 2110-2111. l’ar ailleurs, un texte de saint Paul, remarqué par 'ères latins et la tradition scolastique, devait être mis en rapport ave ; la théologie du péché véniel : [Cor., iii, io ].">. notamment : Si (pus autem su pertedi /irai super fundamentum hoc, aurum, argentum, l<ijiul< s preliosos, ligna, Jœnum, stipulant, uniuscujiuque opiu

dict. di ; im ur. i rnoL.

manifestum erit… Si cujus opus arseril, detrimentum patietur : ipse autem salous erit, sic tamen quasi per ignem. Dans la Somme théologique, Ia-IIæ, q. lxxxix, a. 2, saint Thomas entend par le bois, le foin, le chaume les péchés véniels eux-mêmes, et qui s’attachent aux personnes occupées des choses terrestres ; ils seront brûlés soit en cette vie, soit en l’autre, mais l'édifice spirituel n’en sera pas détruit, comme ces matériaux peuvent être consumés sans qu’en pâtisse la substance de l'édifice. Pour les personnes retirées des soins de ce monde, elles commettent assurément des péchés véniels, mais elles ne les accumulent pas, car ils sont purgés très fréquemment par leurs actes de charité. En réalité, saint Paul entendait symboliser l’enseignement frivole de certains prédicateurs, mais qui d’ailleurs édifiaient sur le fondement authentique, savoir le Christ Jésus. De ce qu’il dit néanmoins de leur châtiment, il ressort qu’il y a des fautes, qui en sont de véritables, que ne punit point le feu éternel de l’enfer : « Le dogme catholique des péchés véniels et celui du purgatoire trouvent ainsi dans notre texte un très solide appui. » Prat, La théologie de saint Paul, 9e éd., t. i, p. 112. Sur l’exégèse traditionnelle de ce texte, où se découvre l’origine de l’interprétation de saint Thomas : Landgraf, / Cor., ni, 10-17, bei den lateinischen Vàtern und in der Frùhscholastik, dans Riblica, 1924, p. 140-172.

Des interventions du magistère ont sanctionné en cette matière, et à l’occasion de certaines erreurs, quelques-uns des enseignements communs de la théologie catholique. Le concile de Trente invoque, à rencontre de Luther, la distinction des péchés véniels et des péchés mortels. Sess. vi, c. n et can. 23, 25, 27, Denz., n. 804, 833, 835, 837. De Luther, Léon X déjà avait condamné cette proposition que nul n’est sûr de ne point toujours pécher mortellement, à cause du vice caché de l’orgueil. Bulle Exsurge Domine, 15 juin 1520, Denz., n. 775. Calvin dirigea un écrit contre le concile de Trente, Acla synodi Tridenlinæ (cum antidoto), en 1547, où, sur le can. 27 ci-dessus allégué, il enseigne que tous les péchés en fait sont mortels à cause de la loi de Dieu, bien que tous de soi fussent véniels. L’une des propositions de BaïUS condamnées par Pie V est la suivante : Xuttiim est peccalum ex natura sua veniale sed omne peccatum meretur pœnarn œternam, prop. 20, Denz., n. 1020. Cette décision rend difficilement soutenable une doctrine autrefois défendue par Gerson que tout péché est de sa nature mortel, et qu’il n’en est de véniels que par la bienveillance de la miséricorde de Dieu. De vila spirituali, dans Opéra omnia, Anvers, 1706, t. III ; cf. t. i, Inlrod., p. cxlix-cl.

l.a théologie de saint Thomas, que nous devons exposer, conclut en ceci un long cffort. A partir des données que nous avons dites, et conformément au sentiment commun de deux ordres de péchés, les scolastiques ont poursuivi la différence essentielle du péché mortel d’avec le péché véniel : ils se sont répan dus en des opinions variées. L’objet de saint Thomas fut de signaler de telle sorte cette différence que l’on pût accueillir sous elle ce qu’il y avait d’irrécusable à Ce sujet dans la pensée théologique et dans la tradition

(h réi lenne. Ce souci d’une organisation explicative est très visible dans la rédaction du De malo. q, vii, a. 1 ; un bref commentaire historique de cet article dans I-'. Blaton, De peccato veniali. Doclrina scholasticorum unir s. Thomas, dans Collaliones Gandavenses, 1928, p. 134*1 12. Nous répartissons selon ces trois membres l’exposé

qui suit : 1° la division i pèche en mortel et véniel : 2° l’ordre du péché Véniel au péché mortel et réciproquement (col, 244) ;. ; le péché véniel en lui même (col. 247).

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