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PECHE. EFFETS : LA PEINE


Apoc, xviii, 7. Elle permet aux théologiens d'énoncer que, pour certains péchés, la rigueur de la peine a quelque chose d’infini. Car il est en ces péchés-là une certaine infinité : par l’endroit, nous l’avons dit, col. 156sq., où ils s’opposent à Dieu. On nomme peine du dam celle qui, répondant à cette infinité du péché, comporte elle-même quelque infinité : elle consiste dans la privation de Dieu. Dans les deux cas, l’infinité se considère de la part du bien, auquel le péché s’oppose, dont la peine est privation. Il n’y a point ici d’infinité intrinsèque. Et, comme les péchés mortels qui sont tous infinis, cependant sont inégalement graves, ainsi est-il reçu que la peine du dam est à son tour variable en son infinité : (voir Dam, t. iv. col. 16-17). Par ailleurs, les péchés mêmes dont nous venons de parler sont finis en leur adhésion au bien périssable, et par la limite de ce bien et par celle de l’acte volontaire. De ce chef, il leur correspond une peine finie, qui est la peine du sens. Cette conception de la peine nous empêche de songer à l’anéantissement du pécheur. L’idée en serait peut-être séduisante : car il n’est rien, semble-t-il, comme l’anéantissement pour répondre à l’infinité du péché. Ne soyons pas dupes de ces antithèses. Il ne convient pas à la justice divine d’anéantir le pécheur ; la peine en effet serait alors détruite, dont l'éternité est appelée par le péché commis. On voit quelle force reconnaît saint Thomas au reatus. Si l’on tenait au mot, qu’on entende l’anéantissement de la perte absolue des biens spirituels. On comparera sur ce point la Somme, ia-II*, q. lxxxvii, a. 4, ad lum, avec In 7V « m Sent., dist. XLVI, q. ii, a. 2, q. i, ad 4um, où saint Thomas voulait qu’en rigueur de justice le péché originel fût puni de l’anéantissement de la nature.

La peine du dam et la peine du sens intègrent donc la rigueur de la peine, comme la conversion et l’aversion concourent au mal du péché. Cette distribution de la peine est consacrée par maints enseignements, officiels du magistère. Et donc, quant à la rigueur, la peine a en même temps quelque chose de fini et quel » que chose d’infini. Quant à son éternité, elle concerne ces deux éléments, comme la tache du péché emporte la permanence de la volonté en son aversion de Dieu aussi bien qu’en son attachement au bien périssable ; la peine du sens comme la peine du dam est éternelle : et par là, quant à la durée, l’une et l’autre sont infinies. Ia-II 86, q. lxxxvii, a. 4.

On n’a parlé en tout ceci que de la peine du péché mortel. Ni sa durée ni sa gravité ne s’appliquent également au péché véniel. Celui-ci, de soi, ne cause pas l’obligation d’une peine éternelle, car il est réparable par le pécheur, le principe de l’ordre raisonnable y demeurant sauf. Voir les documents ecclésiastiques où l'éternité des peines est réservée au seul péché mortel : profession de foi de Michel Paléologue, au I Ie concile de Lyon (1274), Denz., n. 464 ; décret pour les Grecs au concile de Florence (1438-1445). Denz., n. 693. Il n’entraîne pas de soi la peine du dam, absolument parlant, car il n’est pas une opposition à Dieu. Mais il est puni d’une peine du sens, laquelle est au surplus incompatible avec la vision actuelle de Dieu. Voir Dam, col. 17-21. Il advient que le péché véniel accompagne dans une âme un péché mortel ; il est alors puni d’une peine éternelle, puisqu’il est rendu irréparable. On le dil contre Scot, In I V" m Sent., dist. XXI. q. i. selon qui la peine du péché Véniel chez le damné trouve un terme et n’est donc que temporelle sur quoi Cajétan explique que la faute du péché véniel de soi n’est rémissibic que négativement, en ce sens

qu’elle note |i.is la grâce, seul principe de rémission. mais non pas du (ont positivement ; qu’elle se trouve accompagnée d’un péché mortel, par quoi la grâce est fttée, elle devient irrémissible par accident. El il n’y

a

a en cela aucun inconvénient : comme si le péché véniel s’opposait de sa nature à être puni d’une peine éternelle ; ainsi serait-ce s’il était rémissible positivement : mais aucun péché ne l’est, aucun ne conférant la grâce. Cajétan, In / am -7/ iB, q. lxxxvii, a. 5 ; son opinion est adoptée par les Salmanticenses, disp. XVII, n. 73-75. — Mais il se peut qu’il reste à un damné à acquitter la peine temporelle due à ses anciens péchés pardonnes, mortels ou véniels : saint Thomas, qui a d’abord hésité, In 7Vum Sent., dist. XXI, q. i, a. 2, q. iii, distingue nettement ce cas du précédent, où la peine est due à un péché non pardonné, et il estime que cette peine trouve un terme même en enfer : elle y demeure une peine temporelle : Ibid., dist. XXII, q. i, a. 1, ad 5um. Cf. Billuart, >oc. cit., diss. VII, a. 4 ; Ia-IIæ, q. lxxxvii, a. 5.

La théologie s’est plu à signaler l’intervention de la miséricorde de Dieu jusque dans le juste châtiment des pécheurs et des réprouvés : non quidem totaliter relaxons, dit saint Thomas, sed aliqualiter allevians dum punit citra condignum, I a, q. xxi, a. 4, ad lum ; cf. In IV Sent., dist. XLVI, q. ii, a. 2, q. i. La célèbre histoire de Trajan, que saint Thomas n’a pu se dispenser d’examiner et sur quoi les carmes de Salamanque ont doctement disputé (disp. XVII, n. 60-66), est une illustration curieuse de cette bienveillante pensée.

4° « Reatus pœnse » et rémission. — Nous avons jusqu’ici considéré le reatus chez le pécheur en qui demeure le péché, c’est-à-dire, comme nous savons, la tache du péché. Qu’en advient-il, une fois le péché remis ?

Il est aussitôt manifeste qu’est abolie avec le péché l’obligation de la peine éternelle. Car la rémission de la faute ne s’opère point sans la restauration de ce principe de l’ordre raisonnable qu’avait détruit le péché. L’irréparable, par la grâce de Dieu, a été réparé. Le péché a perdu son caractère éternel à quci la peine éternelle devait répondre. Reste que l’on recherche si ne subsiste plus même l’obligation d’une peine temporelle. La rémission du péché emporte l’abolition de la tache et la conjonction nouvelle de l’homme avec Dieu. Le désordre de l’aversion est par là réparé ; il n’y a plus lieu désormais qu’une peine y fasse échec. Mais saint Thomas estime, III a, q. lxxxvi, a. 4, qu’il subsiste alors ce qu’il appelle la « conversion désordonnée », à laquelle dès lors s’applique dans toute sa force, comme à tout désordre, la loi de justice : c’est dire qu’une peine y correspond, que le pécheur réconcilié avec Dieu ne laisse pas d'être sous le coup d’un certain « reatus ». Il n’en sera quitte qu’une fois In peine subie qui aura réduit à l’ordre de la justice la conversion désordonnée.

Mais qu’est celle-ci ? Les commentateurs se le sont justement demandé, et Cajétan en propose une explication, à quoi les carmes de Salamanque substituent la leur, que nous adoptons. Il ne peut certes s’agir, sous ces mots, de l’inclination engendrée par l’acte du péché et dont nous avons dit qu’elle est le premier effet du péché (col. 212 sq.), car il n’y a point de coïncidence nécessaire entre elle et l’obligation de la peine. Il ne s’agit point davantage de quelque attachement de l’homme au bien qui fut l’objet de son péché : comment, en etïet. l’aversion connexe à ce désordre ne serait elle pas aussi maintenue ? Saint Thomas entend par ces mots que l’acte d’adhésion déréglée, en quoi fut commis le péché, n’a pas été rétracté pat la pénitence. Celle I i opère essentiellement le retour du pécheur à Dieu. Mais elle peut ne pas comprendre la correction de ce dérèglement d’avoir trop aime un bien périssable. <>n entend bien qu’il s’agit ainsi de la conversion désordonnée indépendamment de l’opposition : i Dieu qu’elle comportai !  : dont le désordre, par