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PECHE. EFFETS : DECHEANCE.


sont d’abord ses principes constitutifs, le corps et l'âme, avec leurs propriétés, telles les puissances de l'âme, etc. ; mais aussi son inclination à la vertu, laquelle lui est naturelle : car il est homme par sa raison, et la forme spécifique détermine en tout être une inclination qui lui est éminemment naturelle ; or, l’inclination raisonnable n’est pas différente de l’inclination à la vertu. On signale expressément ici ce bien naturel, puisque sur lui le péché doit exercer ses dommages.

Le péché laisse intacts, en effet, les principes constitutifs de l’homme et les puissances de son âme, en tant que mesurées par leurs objets spécifiques. Cette conclusion se tire de ce que ce bien-là est le sujet du péché ; or, le mal ne détruit pas son sujet : il se détruirait alors lui-même ; et ce sujet non détruit conserve son intégrité : ni la nature, en effet, ni ses puissances n’augmentent ni ne diminuent. Mais l’inclination naturelle à la vertu souffre du péché. Car le péché est un acte. Et tout acte dispose à ses pareils. Mais, dès qu’on incline vers un extrême, se trouve diminuée d’autant l’inclination portant à l’extrême contraire. Et l’on sait qu’il y a entre vice et vertu ce rapport de contrariété. Ce raisonnement est de nature métaphysique. Il engage la doctrine de la formation des habilus par les actes du sujet, laquelle invoque chez le sujet agissant une passivité sans quoi son action n’aurait pas en lui cet effet. Il ne méconnaît pas qu’un accident (l’acte) n’agit pas comme une cause efficiente sur son sujet (la puissance de l'âme) ; car, en vérité, l’objet ici agit sur la puissance, ou cette puissance sur une autre. On ne fait donc en tout ceci qu’invoquer des nécessités naturelles. Rien ne serait plus éloigné de notre théologie que d’imaginer, à la manière d’une sanction extrinsèque, cette atteinte au bien naturel de l’homme que nous venons de dire. Nous disons qu’il est impossible que l’homme faisant un péché ne se diminue en son inclination vertueuse, c’est-à-dire en ce bien qu’il tient de ce qu’il est ; comme il est impossible, en général, que l’homme ne se modifie en quelque façon par les actes qu’il fait. On distinguera de cet effet du péché le désordre qui est celui de l’acte mauvais lui-même : par ce désordre, on peut certes dire que le péché corrompt le bien de la nature, mais on l’entendra alors par mode de causalité formelle, comme on dit « pie la blancheur blanchit le plafond. I a -1I ! E. q. LXXXV, a. 1. Cet effet du péché reconnu, on demande naturellement jusqu’où il va. Et, parce que l’homme est capable de pécher, pour ainsi dire, à l’infini, on s’informe si l’inclination vertueuse ne peut être absolument corrompue. Mais la réponse négative s’impose aussitôt : le péché ne corromprait absolument l’inclination vertueuse qu’en détruisant la raison même : mais comme on pèche en tant qu'être raisonnable, le péché détruisant la raison se détruirait soi-même : or, un aile n’est jamais son propre anéantissement. Reste que l’on concilie la permanence d’une inclination finie avec le renouvellement Infini des actes qui la diminuent. On ne peut recourir Ici à l’exemple fie quantités progressivement plus petites, Otées d’une quantité donnée, car il se peut que le péché suivant, plus grave « pic le premier. 6te aussi davantage à l’inclination vertueuse, il

sudit de distinguer le tenue et la racine de l’inclination : il est rai qu’elle tend vers un terme, mais elle part dune racine. Or, le péché la diminue quant 6 son

terme : on veut dire que l’inclination qu’il crée

empêche le développement vers ion terme de l’inclination vertueuse. Des péchés multipliés à l’infini signifient i « nient des obstacles accumulés A l’infini, mais

la racine de la vertu reste Intacte I. homme est encore un homme, c’est a dire un être raisonnable, un sujet fait pour la vertu. Cette analyse, de tout point conforme à notre première proposition, révèle done dans

l’homme une région inviolable aux effets du péché. Point de pessimisme empressé. Les damnés eux-mêmes possèdent l’inclination dont nous parlons : elle est à l’origine de leurs remords ; il ne lui manque que d'être réduite à l’acte. Mais l’effet que nous venons de signaler demeure bien entendu redoutable : l’acte vertueux peut être rendu, par la multitude des péchés, fort difficile ; plutôt que de l’accomplir avec cette aisance et ce plaisir qui sont le vœu de sa nature, il faut à cet homme, pour le faire, soulever un grand poids. Le péché originel y a, d’ailleurs, sa part qui, privant l’homme de la justice originelle, le laisse aux prises avec les parties diverses de sa nature. I a -Il æ, q. lxxxv, a. 2.

2. Effet du péché sur les vertus.

A l’inclination naturelle dont nous venons de parler, les vertus ajoutent leur propre détermination. Comme elles portent à son point d’achèvement un bien naturel, nous pouvons, à cet endroit, recenser l’effet propre des péchés sur les vertus, que nous avons évoqué déjà, plus haut § II, et dont nous parlerons de nouveau cidessous, à l’occasion du péché mortel.

La doctrine se partage selon qu’il s’agit des vertus infuses ou des vertus acquises. Celles-là sont ôtées absolument par un seul acte de péché mortel ; elles ne sont ni ôtées ni diminuées par les péchés véniels en eux-mêmes, si multipliés qu’on les suppose. Les vertus acquises ne sont pas plus ôtées qu’elles n’ont été obtenues par un seul acte. Mais des actes répétés, au point d’engendrer un vice, ôtent la vertu contraire. Or, une seule vertu ôtée, du même coup la prudence est exclue. Mais la prudence absente, il n’est plus aucune vertu qui subsiste selon cette raison de vertu. Elles demeurent comme inclinations à certains objets, qui se trouvent être bons : à ce titre, elles permettent de faire le bien, mais non plus de le bien faire : bonum, non bene, comme dit saint Thomas.

Cet effet du péché, tenant dans le péché à l’acte, est néanmoins attribuable au péché d’omission, puisque celui-ci est lié, au moins par accident, à un acte volontaire, cause de l’omission, lequel peut déterminer une inclination vicieuse au moins par ses conséquences. Cf. Salmanticenses, q. lxxxv, 2.

2° Formules traditionnelles. - — Cet effet du péché, qu’a déduit l’analyse philosophique, peut être présente à la faveur de formules ou de données traditionnelles, ("elle de saint Augustin, d’abord, pour qui le péché est privation de mode, espèce et ordre : De naiura boni. c. iii, P. L., t. xlii, col. 553. Car ces trois attributs sont ceux du bien : en tant qu’un être a sa forme, on lui attribue l’espèce ; parce que la forme se prend selon une certaine mesure, on lui attribue le mode ; parce qu’elle définit le rapport de cet être avec les autres, on lui attribue l’ordre. Tout bien vérifie analogiquement ces caractères : cf. Stan. theol., l a, q. V, a. 5. L’inclination à la vertu les possède pour sa part : et, comme elle est diminuée par le péché, sans être jamais ôtée, ainsi son espèce, son mode, son ordre. I.a nature elle-même, en ses principes constitutifs, nous l’avons dit. demeure intacte sous le péché : ainsi les trois attributs de sa bonté. Mais, si l’on se réfère BUX VertUS infuses et à la grâce. Cette fois l’ordre, le mode, l’espèce sont totalement ôtés par le péché mortel De même, si l’on considère l’acte même du péché, mi se retrouve une pareille privation. ()n Jugera donc

île celle proposition auguslinienne selon les points ou on l’applique. Il y a dans le présent article de saint Thomas un mot qui pourrait émouvoir, quand il dit que le péché est rssenliuliter privalio : mais la vigilance de Cnjetan. In / am -// æ, q. LXXXV, a. t. et ccll<

cannes de Salamanque (tbid.) n’ont pas manqué de l’interpréter correctement, s ; m s préjudice « le notre

malice positive comme constitutive du péché. I*

q. lxxxv, a t