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PÉCHÉ. CAUSES EXTÉRIEURES, DIEU ?


En cette recherche de la causalité de Dieu sur le péché, nous avons touché à des problèmes qui ont donné lieu à divergences célèbres entre écoles théologiques : voir Prédestination. Mais une hérésie même s’est élevée là-dessus, celle de Calvin qui attribue à Dieu la causalité du péché, au sens formel de ce mot. Voir Calvinisme, t. ii, col. 1406-1412. On consultera aussi, sur cette question, une publication plus récente (où la doctrine de Calvin est confrontée avec celle de saint Thomas) : C. Friethoff, Die Pràdestinalionslehre bei Thomas von Aquin und Calvin, Fribourg, Suisse, 1926, p. 36-51. Le concile de Trente a condamné cette hérésie en une formule qui conclut heureusement tout ce que nous venons de dire. Sess. vi, can. 6 :

Si quis dixerit non esse in pitestate hominis vias suas malas facere, sed mala opéra ita ut bona Deam operari, non permissive solum sed etiani proprie et per se, adeo ut sit proprium ejus opus non minus proditio Juda ? quam vocatio Pauli, A. S. Denz., n. 816.

Parmi les travaux modernes, on peut voir : Billot, op. cit., p. I a, c. i, § 2 ; une bonne consultation de L’Ami du clergé, 1 er novembre 1928, p. 771-779. Les études du P. Marin-Sola sur les motions divines, dans Ciencia tomista, 1925 sq., et les débats qu’elles ont suscités ont renouvelé de nos jours l’actualité du problème, dont nous venons de reproduire la solution classique en thomisme.

c) Péché et providence divine. — On se conforme à l’enseignement constant de la révélation quand on soustrait à Dieu, comme nous avons fait d’abord, toute causalité à l’endroit du péché formellement entendu..Mais il ne manque point dans la sainte écriture, nous l’avons annoncé, d’enseignements selon lesquels le péché, loin d'échapper aux desseins de Dieu et de déjouer son plan, est de quelque façon résolu par lui. La théologie a tenté d’enregistrer cette donnée, qu’il faut d’abord énoncer de façon précise.

Elle consiste au degré le plus faible en ce que Dieu tente l’homme. Et, par là, on veut nous dire qu’il l'éprouve, afin que soient découverts ses sentiments intérieurs et qu’il progresse dans la vertu. Tel fut le cas d’Abraham, Gen., xxii, 1 sq. ; des Hébreux au désert, Ex., xv, 25 ; Deut., viir, 2 ; cf. xiii, 3 ; de.lob, que Dieu éprouva par l’entremise de Satan. Saint Augustin a relevé cette sorte de tentation divine. Serm., i.xxi, 10, P. L., t. xxxviii, col. 453. 1. a demande de l’oraison dominicale : Et ne nos inducas… prie Dieu qu’il épargne toute épreuve à noire faiblesse : rf. Lagrange, Évangile selon saint Luc, p. 321 : Evangile selon saint Matthieu, p. 131 ; Chainc, L’ipttre de saint Jacques, p. 20.

Le texte célèbre d’Isaïe, vi, 10, signale une intervention de Dieu plus marquée. Ce verset est cité dans tous les évangiles, Matth., xiii, 1 115 ; Marc., iv. 1112 ; Luc, viii. 10 : Joa., xii, 39-40 ; et par saint Paul dans Act., xxviit, 25-28..lahweh y définit en ces termes redoutables la mission de son prophète : Excse.cn car populi Imjus et aures ejus aggrava et oculos ejus Claude : ne forte vident oculis suis et auribus suis aadial et carde sua intclligat et ronvcrlidnr et sanern

enm. L’interprétation du P. Condamin, Le livre d’Isaïe, p. 15 m. semble affaiblir ce texte, Il n’est point le seul dans PÉcriture qui attribue à Dieu l’endurcissement

du pécheur. Celui du pharaon, enseigné par Ex.. iv. 21 (cf. vu. 3 : ix. 12 ; xix, i i Ti. ; i été adopté comme typique par saint Paul, ni antithèse à la Fidélité de Mote Rom. i. 17 18. De leur nature, la prophétie et les dons de Dieu sont propres à ((induire l’homme au bien ; il résistera rependant : il portera ainsi le mal : i son comble Dieu le sait, et il se trouve que cette rébel lion servira son dessein. Dans le cas historique du pharaon. saint Paul visail d’ailleurs le problème par Uculier de la résistance des Juifs a t'Èvanglle, non

celui de la réprobation en général quant au salut éternel. Par ailleurs, la pensée que Dieu ait poussé cet homme au mal eût sûrement paru à saint Paul blasphématoire. Voir Lagrange, L'épttre aux Romains, p. 234-236 ; note sur saint Paul et la prédestination, p. 244-248.

La fin assignée par les évangiles aux paraboles (c’est à ce propos que les synoptiques citent le texte d’Isaïe) comporte le même enseignement. Jésus, proposant les paraboles, n’entendait point dérouter l’esprit des simples ; mais il est vrai que les Juifs y devaient trouver un plus grand aveuglement, lequel servait le dessein de Dieu, qui avait ainsi ordonné le salut que l’aveuglement des Juifs en était la condition. Voir Lagrange, Évangile selon saint Marc, note sur le but des paraboles, p. 96-103. Sur le but des paraboles et, en général, sur l’aveuglement et l’endurcissement des pécheurs par Dieu, dans l’Ancien et le Nouveau Testament, voir l'étude circonstanciée de A. Srinjar : Le but des paraboles sur le règne et l'économie des lumières divines d’après l'Écriture sainte, dans Biblica, 1930, p. 291-321, 426-449 ; 1931, p. 27-40. Un mystère redoutable de providence nous est ainsi annoncé qui, laissant à l’homme l’entière responsabilité de son péché, introduit cependant le péché même dans les plans inviolables de Dieu.

Dans la théologie de saint Thomas, l’enseignement que nous venons de relever, outre certaines interprétations particulières (p. ex. : In epist. ad Rom., c. ix, leç. 3 ; Sum. theol., III », q. xlii, a. 3), s’exprime dans la forme suivante. On suppose le péché accompli, et nous avons appris que Dieu n’y est formellement pour rien. Parce que l’homme a péché, Dieu lui ôte sa grâce ; comme la grâce illumine et attendrit, sa soustraction est un aveuglement et un endurcissement. Ne comprenons pas que Dieu, le péché posé, ait l’initiative de cette opération, car le péché, de sa nature, met un obstacle entre les influences divines et l'âme coupable ; mais, plutôt que de subir la nécessité de l’obstacle, librement Dieu retire sa grâce. De son propre jugement et selon l’ordre de sa sagesse, il laisse le pécheur à la loi de son péché. On peut dire en ce sens que Dieu (el non pas seulement le péché » est la cause de l’aveuglement et de l’endurcissement (comparer Sam. theol.. I a -ll æ, q. i.xxix, a. 3. avec /" V" m Sent.. disl. XL, q. iv, a. 2, où saint Thomas accuse plutôt la causalité du pécheur à l'égard de ces effets). Il plaît à saint Thomas de commenter ces mots mêmes, à quoi il faut ajouter l’appesantissement des oreilles, qu’il interprète par rapport à des conditions connues de la grâce retirée. On observera qu’une causalité n’a pu être ici reconnue à Dieu à l’endroit de tels elTets qu’une fois ceux-ci traités comme maux de peine. L'événement s’en vérifie chez tout pécheur, quoique plus visiblement chez les pécheurs avancés. 1°-11*, q. i.xxix, a. 3.

En cet état où Dieu l’a réduit, le pécheur est disposé à (lécher de nouveau. Or. le péché est ordonné à la perte du pécheur : il n’est ordonné au salut du sujet qu’en vertu d’une miséricordieuse providence, Dieu permettant que l’on tombe afin que, reconnaissant sa Chute, on s’en humilie et se convertisse. Il faut donc

dire que, de leur nature, l’aveuglement et ses suit.es sont

ordonnés a la perte de qui les subit ; et c’cvl pnur<|iini ils sont tenus comme des effets de la réprobation. Par la miséricorde de Dieu, ils peuvent être temporaires et servir de remède aux prédestinés, auxquels munia

cooperantur in bonum. Dans tons les < ; is. la gloire <> Dieu en ressort, puisque sa Justice ou sa miséricorde

sont ainsi manifestées ; le choix des prédestines ne peut avoir, bien entendu, de la part « le Dieu, le sens d’une acception de personnes. I » II 1 ', q, ixmx. i I

Par ces multiples considérations, la théologie a