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PAUL II

avec l’Église romaine. Le prince polonais, I.adislas, élu roi de Bohême en mai 1471, continua d’ailleurs la politique de Georges et jura de maintenir les Compactala. L’affaire bohémienne n’était donc pas réglée quand Paul II mourut.

Ce qui frappe, d’ailleurs, dans toutes ces complications européennes, c’est l’absence totale d’un pouvoir unificateur. Le pape, sans doute, se considère toujours comme le chef de la chrétienté, mais les moyens lui manquent pour imposer ses directives. L’empereur Frédéric III, qui est tout dévoué au Saint-Siège ne dispose pas d’une autorité effective plus grande. Pour solennelle qu’elle ait été, la réception qu’on lui fit à Rome, à Noël 1468, ne pouvait dissimuler la faiblesse de son autorité. Le seul résultat effectif de ce voyage où il dut être question de la guerre contre les Turcs et aussi des affaires de Bohême, ce fut la création des deux évêchés de Vienne et de Wiener-Neustadt.

L’Italie n’était guère plus maniable que l’Allemagne. Nous avons dit les difficultés de Paul II avec les divers états de la péninsule. Naples lui causa à diverses reprises de vives inquiétudes. Quant à la République de Venise, elle accentuait ses empiétements dans le domaine religieux ; des frictions assez vives s’étaient produites entre elle et le Saint-Siège dès le début du pontificat et, en 1466, la Sérénissime essayait de remettre sur le tapis la question du concile général. Paul II, de son côté, parlait de jeter l’interdit. Le cardinal Carvajal aboutit alors à un accommodement ; il ne devait pas amener une paix durable ; les relations se tendirent de plus en plus ; quand Paul II mourut, il y avait quelque temps déjà qu’il n’y avait plus d’ambassadeur vénitien à la cour pontificale.

Au point de vue du mouvement général des idées, le pontificat de Paul II marque un temps d’arrêt dans les progrès de la Renaissance. On a même accusé ce pape de s’être montré hostile à l’humanisme. C’est que, en fait, la discrimination commençait à se faire entre les deux tendances qui s’efforçaient de promouvoir la résurrection de l’antiquité classique. Pour les uns, ce renouveau ne devait être que l’auxiliaire des idées chrétiennes, à qui il donnerait un lustre nouveau et une plus grande force. D’autres esprits, malheureusement, ne voyaient dans le retour à l’antiquité que le triomphe des idées païennes. Cette double tendance avait existé dès les débuts de l’humanisme, mais elle s’accentuait désormais, et la renaissance du paganisme n’était pas un vain mot. Ce furent d’ailleurs des incidents d’ordre secondaire qui amenèrent Paul II à réagir contre ces humanistes paganisants.Pour diverses raisons, il avait été amené, au début de son règne, à supprimer, à la curie, le collège des abréviateurs, parmi lesquels figuraient un bon nombre de ces humanistes à tendances suspectes dont Platina était le type. A cause de ses protestations véhémentes, dans lesquelles s’entremêlait la fameuse menace d’appel au concile, Platina fut arrêté, mis à la torture, gardé quatre mois dans les cachots du Château Saint-Ange. En février 1468, il était de nouveau arrêté, la police ayant découvert les traces d’une conspiration contre le pape, ourdie au sein de l’Académie romaine dont Pomponius Lœtus était l’âme, et Platina l’un des membres actifs. Faute de preuves, il fallut bientôt abandonner l’idée de conspiration, mais l’on se rejeta sur les habitudes païennes de pensée et de vie dont faisaient preuve un certain nombre des membres de cette société secrète. Ici encore, il fallut renoncer à faire la preuve définitive que les affidés de l’Académie s’étaient réellement comportés en païens. La société en question fut néanmoins dissoute et des ordres sévères interdirent à Rome l’enseignement des poètes de l’antiquité païenne.

Platina s’est vengé en représentant Paul II comme

un ennemi de la culture antique. Mais les accusations qu’il porte contre le pape sont bien exagérées. Il est remarquable, en effet, que Paul II favorisa à Rome même les premiers développements de l’imprimerie, laquelle vulgarisa non seulement les Pères de l’Église mais plusieurs écrivains profanes de l’antiquité.’V< ir à ce sujet la dissertation du cardinal Quirini, Appendix qua comprobatur Pauli II pontificalus felicitati deberi optimorum scriptorum ediliones quæ Romæ primum prodierunl, post divinum typographiæ inventum a germanis opificibus in eam Urbem advectum.

Le gouvernement proprement ecclésiastique de Paul II ne fut pas mauvais. Sans doute, les remèdes aux abus qui, depuis si longtemps, attiraient les protestations, n’eurent rien d’énergique, mais, dans l’ensemble, le choix des personnes appelées aux dignités ecclésiastiques fut suffisant, et quelques tentatives furent faites pour réformer divers monastères. Le procès intenté par l’Inquisition, à l’été de 1466, donna l’occasion à de nouvelles discussions et à de nouveaux écrits au sujet de la pauvreté. — Paul II est l’auteur de la discipline actuelle relative au jubilé. Bulle Ineffabilis providentia du 19 avril 1470. Ce document rappelle comment le pape Boniface VIII avait fixé la célébration du jubilé à chaque centième année à commencer par l’année 1300 ; comment Clément VI avait réduit à cinquante ans l’intervalle entre deux jubilés consécutifs, intervalle qui avait été ramené à trente-trois ans par Urbain VI. Pour rendre plus fréquente encore cette indulgence extraordinaire, Paul II statuait que le jubilé aurait lieu, désormais, chaque vingt-cinq ans, à commencer par l’année 1 17°), l’indulgence plénière ne pouvant d’ailleurs être gagnée que par la visite des basiliques romaines. Texte dans Bullarium romanum, t. v, Turin, 1860, p. 200-203.

Il faut signaler aussi, dans les derniers jours de Paul Ilunenégociation, qui aurait pu amener la réconciliation de l’Église russe avec Rome. Un projet de mariage fut élaboré entre le grand-duc de Russie, Ivan III, et la princesse Zoé, fille de Thomas Paléologue, despote du Péloponèse, qui s’était réfugié à Rome où il était mort en 1465. Nièce du dernier empereur de Constantinople, ralliée comme son père et son oncle à l’Église romaine, Zoé pouvait apparaître comme le trait d’union entre Rome et Moscou. L’idée de ce mariage, mise en avant, semble-t-il, par Bessarion, fit d’assez rapides progrès. L’ambassade russe qui devait prendre Zoépourla conduire à Moscou ne trouva plus Paul II en vie ; ce fut Sixte IV qui régla définitivement l’affaire ; elle ne devait pas avoir, d’ailleurs, les heureux résultats qu’on en attendait : à peine arrivée en Russie, Zoé repassait à l’orthodoxie.

Paul II, dont la jeunesse relative permettait d’espérer qu’il pourrait fournir un long pontificat, mourut subitement dans la soirée du 26 juillet 1471 ; il n’avait que 54 ans. Son règne continue, avec moins d’éclat, celui de son glorieux prédécesseur Pie II, mais sans que l’historien y puisse rien signaler de saillant ni de caractéristique. Après les secousses qui ont marqué le début du xve siècle, la papauté se remet lentement à une adaptation aux circonstances nouvelles.

I. Sources.

1° Le registre de Paul II n’est pas publié et les diverses pièces émanées de sa chancellerie ne sont ni inventoriées, ni toutes signalées. Un en trouvera un certain nombre dans Raynaldi, Annales, an. 1465-1471 ; le Bullarium romanum, édit. de Turin, t. v, 1860, en reproduit une dizaine, p. 182-203 ; beaucoup de pièces relatives à l’aflaire de Bohème sont imprimées dans l— Palacky, Urkundliclu Beitràge zur Geschichle Bohmens…, im Zeitalter Georg’s oon Podiebrad, Vienne, 1860 (= Fontes rerum austriacarum, il Abtheil., t. xx) et dans les Scriplores rerum Silesiacarum, t. ix, Breslau. 1874 : quelques pièce* aussi dans Tappendice au volume de Pastor (ci-dessous), n. 73, 70-’, 78, 88,