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PÉCHÉ. CAUSES INTÉRIEURES, LA MALICE

doit. Dei, XIV, xxviii, P. L., t. xli, col. 436. Il serait aisé d’y entendre l’amour de soi universellement : car l’amour de soi comprend l’amour des biens voulus pour soi ; comme l’on n’aimerait pas ces biens, si on ne les voulait pour soi premier aimé. On réduit, en somme, à l’unité d’un amour principal la multitude des amours où le pécheur se répand. Il est clair que l’on parle ici d’un amour de soi déréglé : car nous professons qu’il est un amour naturel de l’homme pour soi-même, et nous ne préconisons pas qu’il s’en délivre. Nous retrouverons cette idée ci-dessous quand on dénoncera l’orgueil comme le commencement de tout péché. Qu’on l’applique, dès ici, en faveur spécialement des péchés de passion, nous rappelle que, d’une certaine façon, la chair, donc l’amour des biens sensibles, et donc l’amour de soi comme principe de l’amour des biens sensibles, est la cause de tous nos désordres moraux : omnis rationis humanæ defectus ex sensu carnali aliquo modo initium habet, Sum. theol., I a -Ilæ, q. lxxii, a. 2, ad l um, comme aussi bien, d’une façon générale, toute activité spirituelle dans l’homme est liée à de certaines conditions corporelles. la-Il*, q. lxxvii, a. 4.

Le verset fameux de l’apôtre saint Jean sur les trois concupiscences, I Joa., ii, 16, se prête fort bien à comprendre toutes les passions où incline l’amour désordonné de soi. C’est comme procédé de classification qu’on l’adopte ici. A la concupiscence de la chair, on fait correspondre les passions qui tiennent à notre constitution physique. A la concupiscence des yeux, celles qui supposent une intervention psychologique ; la réduction de cette concupiscence à la cupidité et à la curiosité, qui en sont les deux explications usuelles, s’accommode de notre classement. A l’orgueil de la vie, on attribue toutes les passions de l’irascible. Il suffirait d'étendre ce troisième membre pour que le texte de saint Jean recouvrît l’universalité des péchés. Sur l’ensemble des questions que pose la concupiscence, voir l’article Concupiscence. Sur le sens original du verset de saint Jean, on peut consulter : A. Wurm, Die Irrlehrer im I. Johannesbrief, dans Biblische Sludien, t. viii, p. 84 sq. Il est intéressant de remarquer la place exacte qu’occupe dans un système théologique ce verset qui a inspiré une immense littérature, dont le Traité de la concupiscence de Bossuet est l’un des exemplaires les plus fameux. IMI », q. lxxvii, a. 5.

3. La malice.

L’ignorance et la passion peuvent mettre la volonté en cette disposition d’où sortira le péché. On se propose de montrer maintenant que la volonté, sans le concours d’aucune de ces causes, d’ellemême, est capable de péché. Tandis que l’ignorance de sa nature ôte le volontaire, que la passion le diminue, le péché cette fois est purement volontaire. Cette entreprise du théologien, ou sera expliqué le troisième terme de la division tripartite que nous avons dite, tx malitia, semble devoir rendre compte de certaines façons de pécher que la langue connaît, que la pensée commune conçoit. Car Ion dit bien pécher par industrie, pécher sciemment, pécher par libre choix, pécher de sang-froid et en toute connaissance de (musc.

A la réflexion, cette conception offre une difficulté. Car il est un ordre naturel de la volonté au bien, el il n’est pas possible que cette puissance adhère purement au mal, ainsi qu’on semble dire à propos di péchés. — Il est vrai. Mais on se rend à celle loi, si l’on ique que la volonté ne se porte d’elle même au . qui est le mal. qn’en vue d’un bien auquel elle ivant âge attachée. L’amour du bien, en définitive, Inspire s ; i démarche. Soit, dira-t-on ; mais il reste que, le r ; is. le mal à quoi elle consent est pins grand pie le bien qu’elle poursuit. Sans doute ne veut elle

t’oint le mal pour le mal : elle veut. cependant. un plu

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grand mal pour un moindre bien. Or, dans l’hypothèse où nous sommes, ni l’ignorance, ni la passion, ne rendent compte de ce désordre, et c’est pourquoi ce péché est dénoncé dans les termes rigoureux que l’on a dit..Mais y a-t-il dans l'âme humaine, hors l’ignorance et la passion, de quoi causer un tel désordre ? Ia-IIæ, q. lxxviii, a. 1.

Le soin du théologien est donc ici de découvrir comment la volonté en vient à préférer d’elle-même, et sans influence étrangère, au bien plus grand que le péché détruit le bien misérable qu’il promet. De cette disposition de la volonté, saint Thomas a relevé plusieurs causes. La première est l’habitus. Qu’on n’entende point exclusivement un habilus de la volonté, mais de quelque puissance que ce soit. Car, d’un côté^ la volonté est l’appétit du sujet, aimant tout ce qui lui convient ; l’habitus, d’autre part, rend son objet convenable au sujet et connaturel. Posséder un habilus, c’est donc induire en quelque amour la volonté. S’il est vicieux, on l’induit en un amour mauvais. Il est vrai que quiconque possède un habilus n’agit pas infailliblement en vertu de Vhabilus : il peut ne pas s’en servir ; il peut, et à l’endroit même de l’objet de l’habitus, agir sous l’effet d’autres causes. Mais, s’il cède à l’habitus, un cas est vérifié où la volonté d’ellemême incline vers son bien. Que celui-ci soit en effet déréglé, et nous obtenons un péché de malice. Cette façon de pécher prend tout son relief comparée au péché de passion. Aristote le premier a nettement distingué le péché de l’intempérant d’avec celui de l’incontinent, Elh. Nie, t. VII, 1151 b, 34-1152 a, 6. On trouvera ce parallèle à l’article Passion, col. 2226 sq. I a -IIæ, q. lxxviii, a. 2.

Outre l’habitus, saint Thomas assigne, comme l’une des causes que nous cherchons, ce qu’il appelle aliqua œgritudinalis disposilio ex parle corporis, Sum. theol., I a -IIîB, q. lxxviii, a. 3, des dispositions morbides et perverses, d’origine somatique, par l’effet desquelles le mal est rendu aimable ; que la volonté de ces infortunés y consente, et leur péché n’aura point l’excuse de la passion, ni de l’ignorance. On suppose donc que ces dispositions laissent à la volonté son entière liberté et n’en troublent en rien l’exercice : mais elles lui rendent aimable un objet qui est celui d’un péché. Il correspond à de certaines dispositions corporelles comme d’autres répondent aux habilus de quelque puissance de l'âme : à ce titre, la volonté s’y porte d’elle-même. Et nous obtenons derechef un péché de malice.

Il advient même, estime saint Thomas, qu’indépendamment d’aucun habilus ou d’aucune disposition, la volonté tende au péché per remolioncm alicujus prohibants. Le péché l’attire ; et l’on n’est retenu de le commettre que par une considération étranger.. comme la crainte ou l’espérance. Que ces empêche ment s soient ôtés, c’est-à-dire que ces sentiments soient bannis, et l’on se précipitera dans le péché sans retenue, parce qu’il plaît. Ce cas nous signale qu’il peut suffire, au désordre que nous devons expliquer, d’invoquer cette versatilité du libre arbitre et cette aptitude à défaillir, qui sont notre condition naturelle. L’ordre de la volonté au bien raisonnable, même exclues toutes les causes jusqu’ici recensées, n’csl p aa

absolument garanti. i : i II se peut qu’elle choisisse un plus grand mal pour l’amour d’un moindre bien, par un effet de sa seule fragilité. Il faut avouer cette h. Fondamentale de la volonté créée, I « il' <i lxxviii

a. 3.

l..i volonté du mal, signalement du péché de malice, peut aller très ioi n ; nous voulons dire que peuvent

concurremment diminuer le bien, à quoi l’on l’attai In.

ci augmenter le mal que l’on accepte ; Jusqu'à quelle

limite, Dieu le s ; ii| qui sonde les reins et les ci UJ

'."m injurie Dmu. p.ir exemple, pah d’un péché plus