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PÉCHÉ. PÈCHES DE LA RAISON


l’esprit, de donner son adhésion à une vérité non évidente pour lui, mais que le témoignage de Dieu garantit. En cette conjoncture, il advient que l’esprit, considérant selon sa pente naturelle la vérité proposée, par exemple la résurrection des morts, l’estime inacceptable ; mais, après réflexion, on se rend compte que Dieu révèle cette vérité et l’on y adhère. Ces mouvements subits et furtifs de la raison, en présence de l’objet de foi, constituent le péché véniel d’infidélité. La matière y est grave, mais elle donne lieu à un péché véniel à cause de l’imperfection de l’acte. Cette notion d’un péché véniel d’infidélité est commune chez les théologiens scolastiques ; elle suppose l’idée d’un certain pouvoir que l’on avait de retenir ces rebellions éphémères ; elles sont le fait d’un esprit qui ne se laisse point subjuguer sans résistance par la vérité divine. Les commentateurs en sont venus à distinguer l’objet de la raison supérieure en objet primaire, les raisons éternelles et, en objet secondaire, ce qui de soi, ou par institution, appartient à l’ordre surnaturel ou s’y réduit, comme les sacrements. Ils ont pu dire ainsi que la raison supérieure, même en un acte délibéré, peut ne commettre qu’un péché véniel, mais c’est dans le cas où n’est en cause qu’un objet secondaire : comme de dire délibérément un mensonge léger dans la confession sacramentelle. Salm., In y » m_//æ ( q. lxxiv, a. 10. Sur toutes les matières que nous avons jusqu’ici traitées dans ce chapitre, on lira avec intérêt la seconde des notes doctrinales de la traduction du traité du péché, éd. de la Revue des jeunes, par le P. Bernard, t. i, p. 315-335.

b) Nous quittons décidément les catégories augustiniennes avec ces péchés de la raison que sont l’ignorance et l’erreur. Il n’est plus guère question à leur propos de raison supérieure ou inférieure. Et, s’il fallait trouver une origine aux spéculations de la théologie classique en cette matière, on signalerait plutôt quelques lignes d’Aristote. qui énoncent expressément un péché d’ignorance : Eth. Nie, t. III, 1113 b 3011 1-1 a 2 ; cꝟ. 1110 b 32-33 ; ces brèves indications ont agi sur la pensée de saint Thomas. Nous distinguons, dans l’exposé qui suit, l’ignorance et l’erreur.

a. Le péché d’ignorance. — Commet un péché l’homme qui ignore ce qu’il peut et doit savoir. Pour l’éclaircissement de cette règle, les théologiens ont avancé maintes distinctions qui ont été rapportées à l’art. Ionorance. Il est seulement opportun de signaler ici en regard de la doctrine générale du péché, de quelle manière l’ignorance coupable vérifie les conditions d’un péché.

Elle est un péché de l’intelligence, où elle consiste dans la privation de ce que l’on peut et doit savoir. Sum. Iheol., I » -II iL’, q. i.xxiv, a. 5. Elle se range parmi les péchés d’omission. Assurément, le péché de l’esprit, comme tout péché, a son origine dans la V0 lonté, soit que l’on ait directement voulu l’ignorance, comme c’est le cas pour l’ignorance affectée, soit que l’on ait négligé d’acquérir la connaissance, comme C’est le cas pour l’ignorance négligente ; là où l’on ne peut discerner soit cette volonté positive d’ignorer, soit négligence d’apprendre, on ne peut non plus dénoncer un péché d’ignorance Mais OU se gardera de confondre cette origine première du pèche avec le

sujet où il s’établit. L’ignorance est un péché Intellec

tuel.

Elle prive en effet du connaître, lequel, en l’espèce, était formellement un bien La science 'l<>m elle prive était requise, et la science a pour sujet l’intelligence.

Elle était requise soit à cause de l’opération qui. sans

cette connaissance, ne pouvait être bien réglée : telle

est la connaissance des circonstances de l’action : en

is, l’ignorance est un péché dans l’intelligence

ratione operalionit. Soit pour elle même, et Indépen

damment d’une opération que l’ignorance pourrait compromettre ; et, dans ce cas, elle est un péché de l’intelligence ratione sui. Ce dernier péché est, dans toute la force du terme, un péché intellectuel : car il n’a pas seulement l’intelligence pour sujet, mais tout son mal est de porter atteinte au bien de l’intelligence. « Dès lors, en effet, expliquent les Salmanticenses. disp. XIII, dub. ii, n. 37, que l’homme est intelligent et raisonnable, en vertu de la loi de la raison elle-même et indépendamment des opérations de quelque autre puissance, il est tenu d’orner et de disposer son intelligence par la connaissance de quelque vérité ; grâce à cela, il pourra se distinguer des bêtes et se comporter en être raisonnable. Du fait, surtout, que la connaissance de la vérité est de soi un bien excellent et pour soi-même excellemment désirable, la droite raison dicte que l’homme recherche une telle connaissance pour elle-même ; surtout à l’égard de certains principes, grâce auxquels seront exclues au moins les plus grossières erreurs. Bien plus, l’erreur étant proprement le mal de l’intelligence et l’ignorance étant la mère de l’erreur, du seul principe que l’on évitera par ce moyen beaucoup d’erreurs peut se tirer l’obligation de savoir quelque chose, de ne pas tout ignorer, et bien que l’on doive quelquefois apprendre ainsi en raison d’autres vertus, à quoi de telles erreurs s’opposeraient, cependant, quand elles s’opposent immédiatement à la seule science ou studiosité, l’obligation susdite sera due à raison d’elle-même. »

Quant à la matière d’une telle obligation, continuent nos commentateurs, les théologiens pensent communément que tous les chrétiens sont tenus de connaître, et sans considérer aucune autre fin que la connaissance elle-même, en vue seulement de l’illumination et perfection de l’intelligence, les articles de foi. La plupart des théologiens rangent, en outre, sous la même catégorie la connaissance des préceptes du décalogue et des sept sacrements : « il ne convient pas, en effet, qu’un chrétien, interrogé sur ces choses, ne sache point s’en expliquer, indépendamment de. toute autre raison. » Et bien que ces connaissances, comme celle des articles de foi, ne soient pas sans effet pratique, néanmoins elles sont requises indépendamment d’un tel effet, et sur la seule considération du bien de l’intelligence. A mesure qu’il s’agit de personnes plus élevées, et qui détiennent des fonctions doctrinales, l’obligation susdite s’étend à un plus grand nombre de connaissances.

Nous ne voyons pas qu’il y ait lieu de ne pas appliquer à l’homme comme tel ce que les théologiens disent du chrétien, car la raison de leurs conclusions se tire. on l’a vii, de la nature intellectuelle de l’homme et du bien humain de la connaissance. Il y a un fondement moral de l’instruction obligatoire, et le texte que nous avons ci-dessus traduit d’un vieux livre de disputes théologiques, le découvre excellemment.

S’il advenait que ce péché d’ignorance ratione sui fut la cause d’un autre péché, on obtiendrait deux péchés spécifiquement distincts : le péché d’ignorance et le péché commis à cause de celui-là. par exemple une fornication. Tandis que le péché d’ignorance ratione operis ne constitue, spécifiquement et numériquement,

qu’un seul péché avec celui dont il est la cause (Salm..

ibid., n. 391 : d’où sont tirées quelques conséquences

subtiles que l’on peut Volt chez ces théologiens (n

Celte dernière Ignorance s’oppose aux vertus contre

lesquelles s’inscrit l’acte ou l’omission dont elle est la (anse : elle n’est point un péché d’un genre détermine, mais qui se répand dans tous les genres dont l’ignorance peut être l’origine. Nous avons donc ici un péché qui atteinl l’intelligence, dont on dit justement

qui’l’Intelligence est le sujet : mais ((ni s’achève dans

la puissance de laquelle relève l’acte ou l’omission consécutifs Nous savons qu’il n a pas d’inconvé