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ORDRE. LES GRANDS SCOLASTIQUES


le pouvoir de conférer les ordres mineurs, comme la confirmation. S. Thomas, loc. cit., ad 3 l, m.

Sur la validité des ordinations conférées par des évêques hérétiques, schismatiques, la doctrine est désormais fixée : s’ils ont vraiment reçu l’onction épiscopale, vere sacramenta conferunt, sed cum eis gratiam non dant, non propter ine/Jicaciam sacramentorum, sed propter peccata recipienlium ab eis sacramenta contra prohibitionem Ecclesiæ. Le pouvoir d’ordre demeure indélébile chez les évêques qui l’ont reçu. S. Thomas, dist. XXV, q. i, a. 2 ; Suppl., q. xxxviii, a. 2 ; Richard, dist. XXV, q. n ; Pierre de Tarentaise, q. ni. Duns Scot ne se dissimule pas les raisons qu’on peut invoquer pour l’invalidité des ordinations dans une société hérétique, celle-ci notamment, que l'Église qui a donné aux évêques le pouvoir de l’ordre peut le reprendre. Cette conclusion serait fondée si le pouvoir de juridiction était seul conféré dans l’ordination. Mais la consécration épiscopale confère également une haute potestas ordinis, que l'Église ne donne pas en son nom personnel, mais au nom du Christ. Les évêques hérétiques, en vertu de leur pouvoir d’ordre, peuvent donc consacrer validement, bien qu’ils ne le puissent faire licitement, car, en tant qu’apostats, ils perdent l’usage de leur autorité. Reporlata, t. IV, dist. XXV, q. i, n. 16. C’est, en somme, sur cet argument théologique que Scot établit une distinction d’ordre et de sacrement entre la prêrise et l'épiscopat, voir ci-dessus, col. 1312. Même doctrine chez Durand de Saint-Pourçain, dist. XXV, q. i, ad 2um. Ainsi se trouve fixée définitivement dans l'Église la distinction entre pouvoir d’ordre et pouvoir de juridiction ; le pouvoir d’ordre demeurant attaché au caractère indélébile.

La question spéciale des ordinations simoniaques est examinée à part, en raison des controverses qui ont agité le haut Moyen Age sur ce sujet. S. Thomas la traite, dist. XXV, q. iii, a. 1-3 ; S. Bonaventure, a. 1, q. m ; Richard, a. 2, q. i et n ; Pierre de Tarentaise, q. iv-vi. Tout d’abord, définition de la simonie : studiosa voluntas emendi vel vendendi aliquid spirituale vel spiriluali annexum ; les simoniaques ne sont pas, à proprement parler, des hérétiques, cum non habeant aliquam falsam opinionem ; ils ne sont hérétiques que par analogie, en tant qu’ils estiment faussement que le don de l’Esprit-Saint peut être acheté. Enfin, les cas d’ordinations simoniaques doivent être ainsi résolus. L’ordre est validement reçu ; mais en exercer le pouvoir est interdit ; le simoniaque, de quelque façon qu’il le soit, est suspens ipso facto. Toutefois il peut y avoir des simoniaques occultes. La raison pour laquelle, contrairement aux théories admises aux xi c et xiie siècles, l’ordination simoniaque est valide, c’est que le simoniaque non intendit emere illud quod est per se spirituale ut characlerem, sed operationem minislri, quæ est corporalis et causa sacramenti rei spiritualis. Il ne faut d’ailleurs pas confondre avec la simonie les honoraires, les prébendes, les rétributions et fondations, la vente des vases sacrés, la cession des droits de patronage, le droit de percevoir la dîme, etc. S. Thomas, q. iii, a. 2. Dans l’art. 3, le Docteur angélique examine les trois façons dont, selon Urbain II, peut se produire la simonie, munere linguæ, indebiti obsequii, pecuniiv.

12. Le sujet de l’ordination. — Une condition est requise de neccssilate sacramenti, c’est que le chrétien qui doit être ordonné, soit de sexe masculin. L’existence des diaconesses et des veuves dans la primitive Église n’infirme en rien ce principe, car ces femmes ne possédaient aucun pouvoir sacré. S. Thomas, dist. XXV, q. i, a. 1, sol. 1 ; Suppl., q. xxxix, a. 1 ; S. Bonaventure, dist. XXV, a. 2, q. i ; Scot,

    1. DICT DE THÉOL##


DICT DE THÉOL. CATHOL.

q. n ; Richard, q. i ; Thomas de Strasbourg, q. i, a. 2 ; Fr. de Mayronis, q. iv ; Pierre de Tarentaise, q. vu.

L’usage de la raison n’est pas absolument requis pour la validité. L’ordre n’est pas du nombre des sacrements qui requièrent pour leur validité, un acte positif d’acceptation. Ainsi, pour certaines raisons légitimes, on peut conférer licitement les ordres mineurs à des enfants encore privés de l’usage de la raison. Pour les ordres majeurs, l’honnêteté et le précepte de l'Église exigent l’usage de la raison. Saint Bonaventure précise qu’il est impossible d’imposer l’obligation de la continence à qui ne sait pas à quoi il est engagé. Quant à l'épiscopat, les motifs qui exigent l’usage de la raison sont pius impérieux encore. Voir les mêmes auteurs, S. Thomas, dist. XXV, q. i, a. 1, sol. 2 ; cf. Suppl., a. 2 ; S. Bonaventure, q. n ; Richard, a. 4, q. n ; Pierre de Tarentaise, q. vin ; Pierre de la Palu, q. iii, a. 1, concl. 3.

Les autres empêchements sont aussi examinés : esclavage, homicide, naissance illégitime, mutilation, bigamie, mais toutes ces questions relevant d’autres articles, nous ne faisons que les indiquer.

13. L’origine de la juridiction épiscopale avant le concile de Trente. — Bien que ce sujet relève de la question de la primauté du pape, il est nécessaire de dire ici brièvement comment il fut envisagé par quelques théologiens antérieurs au concile de Trente. Nous en choisirons deux, représentatifs des deux courants, qui se heurteront dans la xxme session.

Le premier en date, Torqucmada, part de ce principe que le Christ a donné à son Église la constitution monarchique la plus parfaite, et de là il tire des conséquences qui font découler du pape tout pouvoir ecclésiastique. D’après lui, les apôtres auraient reçu immédiatement du Christ le pouvoir d’ordre complet lors de l’institution de l’eucharistie. Mais le pouvoir de juridiction au for interne et au for externe n’aurait été donné immédiatement par le Christ qu'à Pierre seul. Joa., xxi, 15 sq. Tous les autres passages de l'Écriture sur l’apostolat des Douze sont interprétés en ce sens que le Christ aurait donné aux apôtres seulement le pouvoir d’enseigner dans le monde entier ; mais ils auraient reçu de saint Pierre immédiatement leur juridiction épiscopale lors de leur dispersion, quoique cependant de cette manière ils l’aient reçue indirectement du Christ. Summa de Ecclesia, c. lxii. Et ainsi, les successeurs des apôtres, les évêques, recevraient encore aujourd’hui leur juridiction du pape immédiatement.

A rencontre de cette théorie, nous trouvons, au début du xve siècle un théologien de marque, Alphonse de Castro, qui enseigne l’origine immédiatement divine de la juridiction des apôtres et, par voie de conséquence, des évêques leurs successeurs. Omnes sacri doctores dicunt episcopos successisse aposlolis. Apostoli autem a Deo et non ab homine ullo fuerunt crdinati apostoli et episcopi. Si Christus apostclis dédit potestatem prædicandi evangelium et pvtestatem ligandi et solvendi, et episcopi successerunt in locum apostolorum, consequens est, ut episcopi etiam habeant a Deo et non ab homine has omnes potestates. De justa lui reticorum punitione, Lyon, 1556, t. II, c. xxiv, p. 489.

Est-il besoin de rappeler que Cajétan voulut prendre une position moyenne ? Les apôtres ont reçu tous leurs pouvoirs immédiatement du Christ. Mais ce fut là un mode exceptionnel. Après eux, le pouvoir épiscopal dut dériver des papes, successeurs de Pierre. De potestate papæ, c. n et m.

Aucun travail d’ensemble, à notre connaissance, n’existe sur la théologie du sacrement de l’ordre au Moyen Age. Nous signalerons ici simplement une intéressante esquisse thèse de synthomiste : La doctrine de S. Thomas sur le

T.

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