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ORDRE. LES GRANDS SCOLASTIOUES


en ces rapprochements. Enfin une troisième opinion approprie les sept ordres aux sept dons du Saint-Esprit. Appropriation qui ne vaut rien, dit saint Thomas. « puisqu’on reçoit dans chaque ordre les sept dons du Saint-Esprit ». Suppl., q. xxxvii, c. 2. Alhert le Grand s’efforce cependant de montrer ce qu’il y a d’acceptable en cette adaptation, dist. XXIV, a. 6.

La vraie doctrine est que la dictinction des ordres doit se considérer d’après leur rapport à l’eucharistie à laquelle ce sacrement est ordonné. Le pouvoir d’ordre existe pour la consécration de l’eucharistie ou pour un ministère s’y rapportant. On explique ainsi l’ordre de la prêtrise qui a pour objet l’eucharistie, et les six autres qui s’exercent en six ministères différents relatifs à l’eucharistie : S. Thomas, dist. XXIV, q. ii, a. 1, sol. 2 ; S. Bonaventure, part. II, a. 2, q. iv ; Richard de Médiavilla, a. 3, q. m : Durand de Saint-Pourçain, q. ni ; François de Mayronis, q. n ; Pierre de Tarentaise, q. xii. Scot part du même principe pour expliquer la division de l’ordre en ses divers degrés, puisque pour lui l’ordre n’est autre que la hiérarchie ayant l’eucharistie comme centre d’action, Report., t. IV, dist. XXIV, n. 8 ; mais les degrés sont au nombre de huit. Si Scot hésite encore dans le commentaire sur les Sentences, il admet dans les Reportata que l'épiscopat constitue un ordre distinct, voir plus loin. Saint Bonaventure, dist. XXIV, part. II, a. 2, q. ii, et Pierre de Tarentaise, q. iv, se posent la question spéciale si le « psalmistat » (l’office de chantre) est un ordre. Leur réponse est négative. L’office de chantre est annexé à l’ordre de lecteur ; cf. Saint Thomas, Suppl., q. xxxvii, a. 2, ad 5um ; Albert le Grand, dist. XXIV, a. 20.

Vient ensuite la distinction des ordres sacrés et non sacrés. En soit tout ordre est sacré ; mais c’est par rapport à la matière sur laquelle ils s’exercent que certains ordres (sacerdoce, diaconat, s’exerçant sur le corps et le sang du Christ ; sous-diaconat, sur les vases sacrés) sont sacrés, et d’autres non. Saint Thomas, dist. XXIV, q. ii, a. 1, sol. 3. Saint Bonaventure, loc. cit. ; Pierre de Tarentaise, q. ix, Albert le Grand, a. 28.

La multiplicité des ordres n’empêche pas l’unité du sacrement d’ordre, car les divers ordres sont les parties du même tout potentiel, en tant que les ordres inférieurs possèdent une certaine participation de l’ordre suprême, le sacerdoce. L’essence de l’ordre se trouve en chacun des ordres inférieurs, mais elle n’existe avec toute sa vertu que dans le sacerdoce. Saint Thomas, dist. XXIV, q. ii, a. 1, sol. 1, ad2um ; Suppl., q. xxxvii, a. 1, ad 2um. L’expression partes totius potestatiin se retroue expliquée chez saint Bonaventure, dist. XXIV, part. 1, a. 2, q. iv : les différents ordres ne sont qu’un sacrement parce qu’ils convergent tous vers le sacerdoce ; cf. Albert le Grand, a. 3 et 4 ; Richard de Médiavilla, a. 3, q. n ; Pierre de Tarentaise, q. xi. Duns Scot a accentué la différence que les ordres présentent entre eux. II les considère comme spécifiquement distincts, dist. XXIV, n. 10. Aussi l’unité du sacrement de l’ordre n’est-elle qu’une unité générique, provenant de l’unicité de la fin. Sacramentum ordinis est unum génère, habens sub se plures species… quæ sunt diversse rationis et alterius speciei, non tantum ejusdem rationis et speciei, et diversæ numéro, n. 13.

Enfin, les actes des divers ordres ont été convenablement assignés, parce qu’ils mettent d’une façon convenable l’ordinand en rapport avec le sacrement de l’eucharistie. Saint Thomas, dist. XXIV, q. ii, a. 2 ; saint Bonaventure, part. II, expositio textus.

8. Rite essentiel de l’ordination.

On a vu plus haut que l’ordre, comme tout sacrement, doit, en

tant que sacrement, être constitué de matière et de forme. A propos du caractère sacerdotal, les Sententiaires se demandent si le caractère est imprimé dans la bénédiction, l’onction, l’imposition des mains, ou la tradition du calice. Cette question sera traitée plus amplement au paragraphe suivant, col. 1322. Notons simplement ici quelques traits propres aux grands théologiens du Moyen Age.

La réponse de saint Thomas est sans ambiguïté : bénédiction, imposition des mains, onction appartiennent à la préparation du sacrement. La bénédiction se donne à tous les ordinands, car tous sont destinés au service divin. L’imposition des mains donne la plénitude de la grâce qui rend capable de grands emplois ; aussi se fait-elle pour les diacres et les prêtres. Mais l’onction consacre pour qu’on touche le sacrement. Aussi ne se fait-elle qu’aux prêtres qui touchent le corps du Christ de leurs mains, comme aussi on joint le calice qui contient le sang et la patène qui supporte le corps. Mais le pouvoir de consacrer n’est communiqué au prêtre que dans la tradition du calice et de la patène, avec le vin et le pain, parce que cette matière, avec la forme qui la précise, désigne l’acte principal du sacerdoce, qui est de consacrer le corps du Sauveur. Cette doctrine qui est la doctrine reçue chez presque tous les auteurs du xme et du xive siècle, a été spécialement développée par saint Thomas dans l’opuscule De fidei articulis et septem sacramentis, qui a servi de texte au décret d’Eugène IV au concile de Florence (voir plus loin). Pour les auteurs qui suivent l’opinion de saint Thomas, voir col. 1322.

Nous noterons cependant ici que saint Bonaventure et Pierre de Tarentaise, tout en excluant positivement l’onction et la bénédiction, sont moins affirmatifs que saint Thomas pour faire de l’imposition des mains un hors-d'œuvre préparatoire au rite essentiel. In ordinibus, écrit saint Bonaventure, quoniam datur ibi nobilis potestas et excellens, fit manus impositio, non tantum instrumenti traditio ; quoniam manus est organum organorum, in quo scilicet residet potestas operandi ; unde sic ordinabant in Ecclesia primitiva, ubi non nisi isti duo ordines expliciti erant. Part. II, a. 1, q. iv. Nous relevons ici un trait historique, qui fait défaut chez saint Thomas, mais que nous retrouverons dans le commentaire de son fidèle interprète, Capréolus. Et celui-ci, pour se libérer de la difficulté tirée du rite d’ordination des Églises orientales, dira simplement que ces Églises jouissent d’un « privilège » ou d’une « dispense » de Dieu. Dist. XXIV, q. i, a. 3.

Le sous-diacre reçoit le caractère de son ordre en touchant le calice et la patène vides ; mais pour le diacre, dont l’ordre est intermédiaire entre le sacerdoce et le sous-diaconat, faute de signification possible à l'égard de l’acte principal de son ministère, c’est la tradition de l'évangéliaire, signifiant son ministère secondaire, qui lui confère le caractère. Saint Thomas, loc. cit.

Notons ici qu’un théologien d’aujourd’hui a cru trouver dans le texte du Commentaire, In IV am Sent., dist. XXIV, q. ii, a. 3, que, selon saint Thomas, l’imposition des mains confère la grâce, la tradition des instruments, le caractère, au prêtre et au diacre. A. Teixidor, De causalitate : acramentorum, dans Gregorianum, 1927, p. 76-100.

Les auteurs en général ne parlent pas du rite des ordres mineurs, sinon, comme saint Bonaventure tout spécialement, dans l’exposition du texte du Maître des Sentences, qui explique sur ce point le pontifical.

On verra plus loin, col. 1324, que Duns Scot fut l’initiateur d’un système différent de celui de saint Thomas, faisant entrer dans le rite essentiel de l’ordi-