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ORDRE. LES GRANDS SCOLASTIQUES


un pouvoir spirituel sur le peuple chrétien. Enfin, une troisième opinion, commune, dit saint Thomas, plus probable, dit saint Bonaventure, enseigne que chique ordre, même parmi les ordres inférieurs, imprime dans l'âme un caractère sacramentel. Albert le Grand, In /Vum Sent., dht XXIV, a. 17, 25, 26 ; S. Thomas. loc. cit., sol. 2 ; Supp 1., q. xxxv, a. 2, q. xxxvii, a. 3, quoique l’on saisisse quelque hésitation, Opusc. xix, c. iv, édit. de Parme, t. xv, p. 20 ; et In 1 Tim.. c. m. lect. 2 ; cf. Benoît XIV, De sunodo, t. VIII, c. ix, n. 11 ; S. Bonaventure, dist. XXIV, part. II, a. 1, q. i ; Bichard de Médiavilla, a. 2, q. n ; Pierre de Tarentaise, a. 1 ; Pierre de la Palu, etc. Voir l'énumération dans Tanner, De ordine, disp. VII, dub. 2, n. 42. Duns Scot reste attaché à cet enseignement commun aux anciens docteurs : chaque sacrement, dans l’ordre, produit son double effet, la grâce et le pouvoir, c’est-à-dire le caractère : donc, autant de caractères que d’ordres spécifiquement différents. //i 7V" m Sent., dist. XXIV, n. ff ; Report., 1. iV, n. 10. Scot ne craint pas d’affirmer que tous les ordres ont été immédiatement institués par Jésus-Christ, mais qu’ils étaient, dans la primitive Église, donnés simultanément avec le sacerdoce et le diaconat ; l’autorité ecclésiastique n’a fait ensuite que diviser leur collation. Report., t. IV, n. 10. Saint Thomas et saint Bonaventure ne vont pas si loin ; tout en admettant, avec Pierre Lombard, que la prêtrise et le diaconat étaient les seuls ordres de l'Église apostolique, ils disent que les autres ordres étaient contenus implicitement dans le diaconat. S. Thomas, Suppl, q. xxxvii, a. 2, ad 2um ; S. Bonaventure, dist. XXIV, part. II, q. i, ad 3um.

C’est au xive siècle seulement, que Durand de Saint-Pourçain réserva la propriété du sacrement au sacerdoce, abaissant au rang des sacramentaux les ordres inférieurs, même le diaconat, q. ii, n. 6-0. Toutefois, dès le xiie siècle, il semble qu’on trouve déjà cette opinion chez Hugues de Saint-Victor, De sacramentis, I. II, part. III, c.xii, P. L., t. clxxvi, col. 428. Mais, pour arriver à cette conclusion, Durand ne se place pas sur le terrain historique ; il raisonne a priori.

5. Les présupposés sacramentels au caractère de l’ordre. — Cette question, en ce qui concerne, le baptême et la confirmation, semble avoir été traitée plus spécialement par saint Thomas, loc. cit., sol. 3 et 4. Le caractère de l’ordre présuppose en celui qui le reçoit le caractère baptismal. Quiconque recevrait la prêtrise ou l'épiscopat sans être baptisé ne serait pas prêtre ou évcque, ne célébrerait pas validement, ne consacrerait pas, ne conférerait pas les ordres. Le caractère baptismal est donc présupposé de neccssitate sacramenti. Il n’en est pas de même du caractère de la confirmation ; il n’y a plus ici qu’une question de haute convenance, afin que le sujet soit parfaitement disposé.

Les autres auteurs abordent incidemment cette question à propos du baptême et de la confirmation ; cf. Saint Bonaventure, In IVum Sent., dist. VII, a. 3, q. m ; Alexandre de Halès, Summa, part. IV, q. ix, memb. 4, a. 1 ; Guillaume d’Auxerre, Sent., tract. IV, c. ni, q. ni.

Mais tous les auteurs traitent ex professo la question de savoir s’il est nécessaire d’avoir reçu le caractère de l’ordre inférieur pour recevoir l’ordre supérieur. C’est, au point de vue théologique, le problème canonique de l’ordinatio per saltum.

Tous sont d’accord pour déclarer que de necessitate sacramenti le caractère de l’ordre inférieur n’est pas nécessaire pour recevoir l’ordre supérieur, exception faite pour l'épiscopat qui, n'étant pas, selon ces auteurs, un ordre distinct du simple sacerdoce,

requiert, pour la validité, le caractère sacerdotal (voir plus loin). C’est pourquoi, dans la primitive Église, des prêtres étaient ordonnés, qui n’avaient pas reçu, au préalable, les ordres inférieurs. Ce n’est que plus tard que l'Église, par une loi positive, a déterminé l’obligation de recevoir les ordres inférieurs avant de parvenir aux ordres supérieurs. Toutefois, maintenant encore, l’ordinatio per saltum n’est pas considérée comme invalide ; on supplée simplement ce qui manque au sujet. Saint Thomas, loc. cit., sol. 5. La raison théologique donnée de la validité de telles ordinations est « que les pouvoirs des divers ordres sont distincts, et l’un ne requiert pas essentiellement l’autre dans le même sujet ». Suppl., q. xxxv, a. 5. Cette question est traitée par Pierre de Tarentaise, dist. XXIV, q. xix, et surtout saint Bonaventure qui en complète la solution : diversi characteres ordinum non sunt essentialiter ordinati ; sed bene habent congruitatem ordinis inter se, non nécessitaient, a. 1, q. ni, conclusio.

6. Les dispositions morales au sacrement de l’ordre.

C’est le sujet abordé par saint Thomas dans l’art, suivant. Ceux qui reçoivent les ordres doivent s’y être préparés par la perfection morale : la sainteté de la vie, c’est-à-dire la grâce sanctifiante, est requise pour recevoir le sacrement : néanmoins l’ordre conféré à un pécheur l’est validement, quoique reçu avec indignité. Art. 3, sol. 1 ; cf. IIa-IIæ, q. clxxxix, a. 1, ad. 3um.

Quelle science est requise ? Oportet quod habeat tantum de scientia, quæ sufficiat ad hoc ut dirigatur in actu illius ordinis…, plus et minus secundum quod ad plura vel pauciora se ejus officium extendit. Sol. 2. Cette remarque s’applique surtout à la prêtrise et plus encore à l'épiscopat, en raison du pouvoir qu’exercent prêtres et évêques non seulement sur le corps réel, mais encore sur le corps mystique de Jésus-Christ. Id., ad lum.

Le degré de l’ordre n’est pas proportionné au mérite personnel, mais est relatif au sacrement reçu. Sol. 3.

Enfin, celui qui exerce son ordre dans un état d’indignité commet une faute mortelle, sol. 4, et ce péché se renouvelle à chaque exercice du pouvoir, à moins qu’une nécessité urgente n’oblige le prêtre à faire acte de son ordre, ad 4um. Cf. Sum. theol., Suppl., q. xxxvi, per totam.

7. Distinction des sept ordres.

Les auteurs procèdent ici par gradation.

Ils examinent tout d’abord la nécessité de plusieurs ordres. La multiplicité des ordres dans l'Église répond à une triple raison : elle manifeste mieux la sagesse divine ; elle répond à la multiplicité des offices spirituels ; elle multiplie pour les hommes les possibilités de coopération à l'œuvre divine. S. Thomas, q. ii, a. 1, sol. 1 ; S. Bonaventure, part. II, a. 2, q. i ; Pierre de Tarentaise, q. ix.

Ensuite, ils établissent la distinction des sept ordres. Trois opinions ont été proposées sur ce sujet. Les uns ont justifié la division en sept ordres par corrélation aux sept ordres de grâces gratis data", énumérés dans I Cor., xii. Cette opinion est unanimement rejetée au xme siècle. D’autres rapprochent la division en sept ordres de la hiérarchie céleste, dans laquelle on distingue les ordres selon qu’ils purifient, éclairent et perfectionnent. Les ordres de portier, d’acolyte et d’exorciste visent à la purification dans l'Église : les ordres de lecteur, de sousdiacre et de diacre à l’illumination, par la lecture des prophéties, des épîtres, des évangiles. Enfin, les prêtres et les évêques sont institués en vue de la purification des âmes. Le Moyen Age lui-même a saisi ce qu’il y a de conventionnel et de superficiel