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ORDRE. PIERRE LOMBARD


loin, col. 1304 sq. L’auteur laisse entendre, sans en donner d’ailleurs d’explication, que chaque ordre imprime un caractère sacramentel. Sacrement, l’ordre l’est à coup sûr, puisque sa réception est accompagnée de l’infusion de la grâce, symbolisée par le signe sensible extérieur, quam figurant ea qu ; v gerun(ur.

Enfin, à propos de l'épiscopat, l’auteur distingue quatre dignités, les patriarches, les archevêques, les métropolitains, les évêques. Ces dignités, introduites dans l'Église sans doute à l’instar de certaines dignités païennes, ne doivent pas faire oublier à ceux qui en sont revêtus leurs devoirs et la perfection que commande leur haute situation dans l'Église. Leur vie doit être un sujet d'édification pour ceux qui reçoivent de leur main les sacrements et entendent leur messe.

2. Dist. XXV. — Cette distinction fait écho aux préoccupations du haut Moyen Age sur les ordinations schismatiques et simoniaques.

Pierre le Lombard se fait le simple rapporteur des opinions ayant cours au xiie siècle (voir plus haut).

Selon une première opinion, ces ordinations sont invalides ; on s’appuie sur les textes connus d’Innocent I er, de saint Grégoire, de saint Cyprien, de saint Léon, textes qu’on n’entend pas toujours dans leur sens véritable.

Une deuxième opinion veut que ces ordinations soient valides et ne puissent être réitérées. Elle a pour fondement les textes bien connus de saint Augustin, Contra epist. Parmen., et la lettre de saint Grégoire à Jean de Ravenne. La conclusion de cette opinion est que les prélats schismatiques et simoniaques, possunt clare, sed perniciose, et quibus dederint non sunt iterum ordinandi.

Une troisième opinion déclare que tes hérétiques qui ne se séparent de l'Église qu’après avoir reçu l’onction sacerdotale ou épiscopale conservent le droit de conférer le baptême, mais sont totalement impuissants à consacrer ou à ordonner, après leur séparation d’avec l'Église. En ce cas, il faudrait interpréter saint Augustin, comme s’il avait parlé des évêques et des prêtres devenus secrètement hérétiques, mais n’ayant encouru aucune sentence de l'Église.

Une quatrième opinion admet que les sacrements conférés par les hérétiques sont valables, s’ils sont conférés dans la forme de l'Église ; sans cette forme, ils sont invalides. D’autres veulent que les sacrements administrés par les* hérétiques soient vains et sans effet, là où ils sont donnés et reçus dans des conditions morales défectueuses. Ici, on invoque encore l’autorité de saint Grégoire, de saint Innocent I er, de saint Jérôme. Toutefois, les prélats ordonnés avant leur séparation de l'Église selon la forme prescrite, garderaient le pouvoir de conférer validement les ordres, bien que cette collation apporte une blessure plutôt que la grâce.

Pierre le Lombard prononce sans hésiter que les simoniaques sont des hérétiques. Mais il établit une distinction entre ceux qui sciemment se font ordonner par des simoniaques, et ceux qui le font par ignorance. De ces derniers, l’ordination misericordiler sustinetur.

Suivent plusieurs distinctions reçues au xii c siècle sur les simoniaques : ceux qui ont été ordonnés d’une façon simoniaque par des simoniaques ; ceux qui ont été ordonnés d’une façon simoniaque par des non simoniaques ; ceux qui ont été ordonnés par des simoniaques d’une façon non simoniaque. Ces derniers eeuls peuvent être maintenus dans leur ordre, en supposant qu’ils se soient fait ordonner sans connaître le crime de leur consécrateur.

Pierre le Lombard interprète ensuite une lettre de saint Innocent au sujet des simoniaques ; ceux qu’on a contraints à recevoir les ordres d’un simoniaque peuvent à la rigueur être excusés.

Enfin, une décrétale de Nicolas I er fixe l'âge des ordinands : les sous-diacres doivent avoir au moins quatorze ans, les diacres, vingt-cinq, les prêtres, trente ; l'épiscopat vient seulement ensuite.

L’auteur ne se prononce ni sur la distinction d’ordre entre la prêtrise et l'épiscopat, ni sur la validité des ordinations simoniaques. Mais le seul fait — inouï au xiie siècle à Paris, — qu’il ait donné asile dans sa nomenclature à l’opinion orthodoxe, déjà enseignée à Bologne, a suffi pour introduire cette opinion dans l’enseignement officiel.

Les commentateurs du Maître des Sentences.


Sur le thème esquissé par Pierre le Lombard, la plupart des théologiens ont, jusqu’au milieu du xve siècle, construit l'édifice de leur théologie du sacrement de l’ordre. Sauf sur certains points que nous relèverons, la plupart de ces commentaires sont entre eux d’une concordance parfaite. Il serait donc fastidieux de rappeler la doctrine exposée par chacun d’eux individuellement. Pour plus de commodité, nous grouperons leur enseignement d’une façon collective, sous un certain nombre de points de doctrine et nous nous en tiendrons aux principaux représentants de l'École. Nous laisserons de côté les canonistes proprement dits. Bien que l’ordre des matières ne soit pas rigoureusement le même chez tous, les différences sont si minimes qu’en fait on peut s’en tenir à l’ordre observé par saint Thomas.

1. De l’ordre en général. — Tous les auteurs distinguent deux aspects dans l’ordre : l’organisation de la société religieuse en degrés hiérarchiques, et le pouvoir relativement au ministère sacré. Sous le premier aspect l’ordre est nécessaire à l'Église pour y faire resplendir la beauté divine, jusque, précise saint Thomas, dans son activité, communicative de perfections. Et ici, le saint docteur touche à l’autre aspect de l’ordre, à savoir, en tant qu’il permet, comme pouvoir sacré, de communiquer aux autres les sources de la grâce, les sacrements, S. Thomas, In IVum Sent., dist. XXIV, a. 2, q. i ; S. Bonaven-* ture, id., a. 2, q. i ; Richard de Médiavilla, id., a. 3, q. i ; Thomas de Strasbourg, id., q. i, a. 1 ; Etienne Brulefer, dans ses Reportata sur le commentaire de saint Bonaventure, loc. cit. Sous cet aspect général de l’ordre, Scot, avec plus de personnalité, définit l’ordre : gradus eminens in hicrarchia ecclesiastica, disponens ad congrue exequendum aliquem actum excellenlem in Ecclesia. Reportata, t. IV, dist. XXIV, n. 6. Mais il convient que l’ordre ait été institué sous forme de sacrement. Saint Thomas en donne une première raison, en ce qu’il est conforme à la divine libéralité de ne pas accorder un pouvoir, et surtout un pouvoir d’ordre spirituel, comme celui d’administrer les sacrements, sans y joindre la grâce nécessaire au bon exercice de ce pouvoir ; ce qui est le propre du sacrement. Cont. Gentes., t. IV, c. lxxiv. Saint Bonaventure ajoute cette considération que le pouvoir de conférer les autres sacrements doit lui-même, propter sacramentorum dignitatem, être un sacrement. In IVum Sent., dist. XXIV, part. I, a. 2, q. n.

2. L’ordre, comme sacrement. — On se rappelle la définition du Maître des Sentences : Sane dici potest, signaculum esse, id est sacramentum quoddam, quo spiritualis potestas traditur ordinatis, et officium. Saint Thomas justifie cette définition en la rapportant à l’ordre considéré sous son second aspect ; mais, pour lui, le signaculum quoddam n’est pas le caractère conféré, mais seulement le rite extérieur conférant ce