Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 11.2.djvu/81

Cette page n’a pas encore été corrigée
1295
1296
ORDRE. THÉOLOGIE DU Xlie SIÈCLE


est enim quod ad sacerdotalis dignitatis amministraionem, duo sunt necessaria : ordo et licentia ordinis exequendi. Licentia enim absque ordine nichil confcrt ; … Item, ordinatio quoque prsestita absque licentia exsequendi nichil quod ad hoc spectat, conferre videtur… Die Summa…, p. 38.

Ainsi s’explique qu’un prêtre dégradé, ou déposé in perpetuum, ne puisse pas consacrer validement l’eucharistie, bien qu’il emploie la forme prescrite. La dégradation et la déposition enlèvent au ministre la licentia exsequendi. Le même motif explique les conditions de transmission de l’ordre. Cette doctrine, loin de constituer un progrès, marque plutôt une régression. Devenu pape, Maître Roland lui donnera un crédit imprévu, qui retardera l’avènement de la vraie doctrine.

b) Omnebene ou Ognibene, dans un ouvrage anonyme, mais qui doit lui être rapporté, Y Abbreviaiio Decreti (ms. 68 de la bibliothèque de Francfort-surle-Main) et dans les Sentences qui portent son nom (ms. latin. 19 134 de la bibliothèque de Munich), enseigne, contre Roland, la doctrine traditionnelle de saint Augustin, laquelle est redevenue la doctrine officielle de l'Église. Voici un passage expressif du manuscrit de Francfort : De hæreticis et scismaticis quaritur si possunt baptizare et ordines dare et corpus Domini conficere, p. 63. Sed tenendum est quod hæretici et scismatici baptizant et non est baptisma eorum reiterandum, quia sacramento non est facienda injuria et ordinant et consecrant corpus Domini, sed ad perniciem suam, p. 65. Et l’auteur réfute les assertions d’autres théologiens ; on reconnaît facilement ses allusions à Maître Roland. Dans les Sentences, même doctrine ; cf. Gietl., op. cit., p. 217, n. 1. « Au milieu du xiie siècle, dit M. Saltet, p. 310, ces deux doctrines sollicitaient les esprits à Bologne ; laquelle l’emportera ? Sans doute, Omnebene a la tradition pour lui. Mais il est un bien petit personnage à côté de Maître Roland devenu cardinal et pape. »

c) La Summa Decreti de Maître Rufin. — Le nom de Rufin n’est peut-être pas le véritable nom de l’auteur. Quoi qu’il en soit, les idées de Roland trouvent ici un développement cohérent. Sa thèse est reprise, exposée avec une clarté parfaite.

Pour Rufin, une ordination peut être dite irrita de deux manières : quoad sacramenti veritatem, quantum ad officii executionem… Et quidem irrita quantum ad veritatem sacramenti illa est quie fit praier formam Ecclesiæ vel a non habentibus potestatem ; irrita quantum ad officii executionem : ut illa, quæ non fit a suo episcopo. H. Singer, Die Summa des Maaisters Rufinus, dist. LXX, p. 161. Quels sont les évêques non hubentes potestatem ? Ce sont d’abord les évêques hérétiques qui ont été ordonnés, non par des évêques catholiques, mais par des évêques hérétiques. A ceux qu’ils ont ordonnés, ils n’ont pu communiquer non solum executionem ordinum vel virtutem sacramenti, sed nec ipsum sacramentum. Une seconde catégorie est constituée par certains évêques excommuniés. S’ils ont été consacrés dans l’excommunication, ils ne peuvent conférer les ordres, ni quoad veritatem sacramenti, ni quoad executionem ordinis. Quant à ceux qui, après avoir été évêques catholiques, ont été ensuite frappés de l’excommunication, ils ne peuvent, dans l’excommunication, conférer les ordres que quoad sacramenti veritatem, mais non quoad officii executionem. Id., c. ix, q. i, p. 298. Par ailleurs, Rufin nie que les hérétiques puissent consacrer validement. Id., p. 211. Pour l’administration du sacrement de l’ordre, il admet donc pleinement que le pouvoir d’ordre soit lié ipso facto dans le cas d’hérésie ou d’excommunication. Il ne reste à l'évêque hérétique

ou excommunié qu’une potestas aplitudinis, pouvoir lié ou pratiquement nul.

L’enseignement de Rufin est repris par Jean de Fænza, Summa super Decretum (ms. P. II. 27 de la bibliothèque royale de Bamberg).

d) Retour vers la vraie doctrine. — Les ouvrages de Gandulph sont inédits ; ce qu’on en sait est dû aux travaux de M. Schulte, Die Geschichte der Quellen und Literatur des canonischen Rechts, von Gratian bis die Gegenivart, Stuttgart, 1875, t. i, p. 132, et du P. Denifle, Archiv fur Literatur und Kirchengeschichte des Miltclallers, t. i, 1885, p. 621 sq. Les quatre manuscrits des Sentences de Gandulph ont disparu dans l’incendie de la bibliothèque nationale de Turin de 1904. Les Sententiæ de Gandulph ne sont plus connues que par un extrait, Flores sententiarum magistri Gandulphi, signalé par Denifle dans un ms. de Bamberg. B. IV. 29 de la bibliothèque royale, fol. 126 b142 b. M. Saltet fixe l’enseignement de Gandulph à Bologne, vers 1170 ; cf. op. cit., p. 318-319.

A rencontre de l’opinion que nous connaissons bien et qui veut que la transmission du pouvoir d’ordre, qui peut se faire par un hérétique ordonné dans l'Église, ne puisse plus se faire par un hérétique ordonné hors de l'Église, Gandulph adopte une idée et crée une expression très heureuses : ordo est ambulatorius. C’est en raison de l’ordre qu’il a reçu que le premier communique son pouvoir au second, le second au troisième, et ainsi de suite jusqu'à l’infini. Pour ce qui est du pouvoir d’ordonner, il n’y a aucune différence entre l’hérétique du premier degré et celui du second, entre l'évêque déposé et celui qui ne l’est pas. L’ordre conféré suivant la forme prescrite est ambulatorius à l’infini. Cod. Bamberg, P. ri. 4, fol. 29 a. Gandulph invoquait, en faveur de sa thèse, des autorités du Décret. La lettre d’Urbain II à Lucius de Pavie, dit-il, ne fait aucune distinction entre hérétiques ; le pape reconnaît que les sacrements administrés par eux suivant la forme prescrite ont la forma sacramenti. On doit donc rejeter la distinction qui se trouve à la base du système de Roland, de Rufin, de Jean de Fænza, et ce que ces auteurs disent des effets de la dégradation. Entre la déposition et la suspense, il n’y a qu’une différence de degré. Aussi, tous les sacrements conférés par un ministre déposé ou dégradé sont valides. « Si la théologie de Gandulph n’a pas eu un succès immédiat, la raison en est d’abord que les habitudes de l'école étaient trop fortes pour être changées d’un seul coup et, aussi, qu’il y avait quelques points faibles dans l’enseignement du professeur de Bologne. C’est ainsi que, par réaction, Gandulph a exagéré, jusqu'à la fausser, l’idée vraie qu’il venait de conquérir. Il avait affirmé l’efficacité objective des sacrements, et, pour le baptême et l’ordre, il avait montré que ces sacrements produisent dans l'âme, indépendamment des dispositions du sujet, un elïet qui, persistant dans l'âme, empêche la réitération des rites. Mais, en poussant cette vérité à bout, Gandulph n’a pas fait les réserves nécessaires. Par exemple, il y a au moins une disposition qui est requise chez le ministre du baptême, c’est l’intention d’administrer le sacrement. Or, Gandulph, exagérant l’efficacité objective des sacrements, déclare que cette intention n’est pas nécessaire et que l’action matérielle du baptême suffit ; cf. Fr. Schulte, Die Glosse zum Dekret Graiians, etc., dans Denkschrijten der kaiserlichen Akademie der Wissenscha/ten, Philosophisch-historische Classe, t. xxi b, "Vienne, 1872, p. 53, n. 17. Bien plus, il applique sa théorie au sujet qui reçoit le sacrement : chez ce sujet, aucune intention de recevoir le sacrement ne serait requise ; car ce sujet peut très bien recevoir le baptême malgré lui, ou dans un état complet d’inconscience, comme le