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ORDRE. LA REFORME GRÉGORIENNE


p. 20 et 33. Il ajoute toutefois une restriction regrettable : pour être valide, l’ordination doit être conférée dans la foi orthodoxe à la Trinité, si recta fides adsit, videlicet ut in Patrem et Filium et Spiritum sanctum recte credatur, indigni etiam cujuslibet sacerdolis consecratio indifjerenter impletur. Id., p. 51.

Pierre Damien ne considérant pas les simoniaques comme hérétiques, il devait naturellement conclure que leurs ordinations, quoique irrégulières, étaient valides. C’est en ce sens qu’il orienta sa décision lors de sa légation à Milan. On a dit comment cette décision ne fut pas ratifiée par Nicolas II et comment Damien dut introduire dans sa doctrine une rectification, déclarant que les clercs simoniaques, après les décisions de Nicolas II, doivent être tenus comme s’ils n’avaient pas reçu l’ordination. Le « comme si » semble bien maintenir le principe de la validité. Voir Damien, t. iv, col. 53.

3. La théologie du cardinal Humbert.

Humbert (voir t. vii, col. 310) représente la tendance opposée à Pierre Damien, dont il n’a ni le calme, ni la sérénité, ni surtout les principes traditionnels, touchant l’indélébilité du pouvoir d’ordre et l’efficacité du rite d’ordination. Dans son ouvrage Adversus sirnoniacos, dans Mon. Germ. hist., Libelli…, t. i (et P. L., t. cxliii, col. 1005), et où il semble bien réfuter le Liber gratissimus de Damien, Humbert fait sienne la doctrine de saint Cyprien et des canons des Apôtres, p. 114. Les sacrements administrés par les hérétiques sont nuls : il faut les réitérer. Défigurant la pensée de saint Léon dans sa lettre clix, Humbert déclare qu’administrant le baptême, les hérétiques possèdent formam lantum baptismi sine sanctificationis virtute, p. 105. Cette forma baptismi n’est qu’une apparence, c’est la simple ablution du corps ; elle ne produit aucune espèce d’effet intérieur. Aussi pouvait-on précédemment la réitérer. Aujourd’hui l'Église se contente, en ce qui concerne le baptême reçu d’un ministre hérétique, de lui conférer après coup l’efficacité par le rite de l’imposition des mains. Aucune dispense pareille ne pourrait être accordée pour valider une ordination faite par les hérétiques : celle-ci est radicalement nulle. Pourquoi cette différence ? C’est que le simoniaque (qu’Humbert identifie avec l’hérétique, p. 105 et 109) voit son pouvoir d’ordre immédiatement lié : il devient inerte ou statunculus, p. 125, 126. Toutes les autorités patristiques qu’on peut apporter en faveur de la doctrine opposée n’ont aucune valeur ; il faut, en effet, les entendre en un sens impropre et vulgaire, p. 124.

Par elle-même, cette théologie ne comporte rien qui puisse directement marquer un progrès dans la conception catholique du sacrement de l’ordre. On remarquera cependant qu’elle transpose, en faveur d’une thèse que l’avenir condamnera, bien des éléments que les grands théologiens du Moyen Age recueilleront précieusement pour en faire le thème de leurs enseignements : distinction entre le sacramentum lantum et le res et sacramentum ; reviviscence des sacrements ; sans compter la thèse traditionnelle de l’efficacité ex opère operato.

Le concile romain de 1059, sous Nicolas II (voir Denz.-Bannw., n. 354), tout en se montrant d’une sévérité peu commune à l'égard des clercs simoniaques, n’avait pas encore déclaré nulles leurs ordinations ; il ne constituait pas encore un triomphe pour les idées du cardinal Humberl. Le concile de Girone apporta ce triomphe. On y déclarera officiellement la nullité des ordinations simoniaques, soit reçues pour de l’argent, soit même reçues gratuitement d’un prélat simoniaque. Mais nous sommes ici sous le pontificat d’Hildebrand, où, malgré l'âpreté de la lutte, ou peut-être même à cause d’elle, la théologie tradition nelle va pouvoir recommencer à émettre quelques vérités trop longtemps obscurcies.

4. La théologie du sacrement de l’ordre sous le pontificat de Grégoire VII (1073-1085). — a) Les représentants de la doctrine de Pierre Damien au SacréCollège. — La théologie de Pierre Damien est continuée par Atto de Milan, cardinal-prêtie de SaintMarc, dans un recueil de morceaux patristiques et scripturaires, transcrits sans titre et sans commentaire, publié par A. Mai, Scriptorum veterum nova collectio, t. vi, p. 60 sq., Rome, 1832. On y trouve des textes très explicites sur la valeur des sacrements administrés en dehors de l'Église : la lettre du pape Anastase II (voir ci-dessus, col. 1281) ; la lettre de saint Léon à Anatolius de Constantinople, P. L, t. liv, col. 1101. Ces textes devaient servir à expliquer les deux décisions d’Innocent I er, supra, col. 1280.

Anselme de Lucques qunior) a publié une Collection canonique encore inédite. Voir Dictionnaire d’histoire et de géographie ecclésiastiques, t. iii, col. 492. La doctrine suggérée par cette collection est celle de la validité des sacrements administrés en dehors de l'Église. D’ailleurs, répondant à l’antipape Clément III (Guibert) qui reprochait aux grégoriens de considérer comme nuls les sacrements administrés en dehors de l'Église, Anselme répond : Detestamur, non sacramenta Ecclesiw, sed scismasticos et sacrilegos, quorum parricidalibus manibus sese sacramenta divina subtraxerunt… Sanctum quippe suum, quod foris habetis, quod malo vestro accepistis, quia bono odore peristis, veneratur Ecclesia, sed vos persequitur, ut Sara ancillam, qu ; v tamen de semine Abrahx concepil et peperit. Liber contra Wibertum, dans Mon. Germ., Libelli, t. i, p. 522.

b) Les continuateurs d' Humbert. — Sous Grégoire VII, le cardinal Deusdedit (voir t. iv, col. 647) composait la collection canonique qui devait former la charpente de son Libellus contra invasores et sijmoniacos. Bien que cet ouvrage ait paru postérieurement au pontificat de Grégoire VII, il représente des idées dont s’inspira plus d’une fois la curie romaine sous ce pontife. Il accumule les textes les plus défaforables à la validité des sacrements administrés en dehors de l'Église. Sans doute, le baptême donné dans ces conditions ne se renouvelle pas, mais d’après Deusdedit, il ne confère pas le Saint-Esprit, qui ne peut être donné que par l’imposition des mains lors de la réconciliation de ces baptisés. Notre cardinal estime que l’eucharistie des schismatiques et des simoniaques est nulle et ne contient pas le corps de Jésus-Christ. Pour l’administration du sacrement de l’ordre, une ordination simoniaque est nulle : il dépend de l'Église d’accepter ou de rejeter telle ou telle ordination. Si la réordination est interdite à l'égard de ces clercs, c’est pour une raison, non dogmatique, mais canonique ; cf. Saltet, op. cit., p. 246.

La théologie de Deusdedit fut mise en pratique par le légat Amat d’Oloron, principalement dans les décisions du concile de Girone. Prescrivant la réordination des clercs simoniaques, le légat aura voulu sans doute faire face à une situation exceptionnelle, ne pouvant déposer la plus grande partie du clergé.

c) L’intéressante évolution de Bernold de Constance. — Bernold de Constance, voir t. ii, col. 791, était un jeune clerc de Constance qu’intéressait vivement la question de la nullité ou de la validité des ordinations simoniaques. De concert avec son maître Adalbert, il adressa une consultation à Bernhard. un de ses maîtres, à ce sujet. La question posée laisse visiblement voir que Bernold penche pour la nullité des ordinations. La réponse de Bernhard (dans Libelli, t. ii, p. 29. et P. L., t. cxlviii, col. 1143) admet que les simoniaques et les excommuniés dont le crime