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ORDRE. L’AGE PATRISTIQUE


La doctrine du caractère sacramentel se trouve déjà esquissée et même parfois poussée assez à fond dans la controverse des ordinations réputées invalides. Nous ne faisons qu’indiquer ici ce point, puisque toute la question doit être reprise à Réordinations. Il suffit ici de rappeler que l’ordre était considéré partout, au IVe siècle, comme un sacrement qui ne se renouvelait plus, pas plus pour le diaconat que pour la prêtrise et l'épiscopat ; cf. Canons apostoliques, lxviii. Si les Pères ne s’expriment pas en particulier sur le caractère sacramentel des trois impositions de mains (épiscopat, prêtrise, diaconat), ils s’accordent cependant pour le mieux avec la doctrine universellement admise sur l’institution divine des trois ordres, le caractère ineffaçable qui est l’effet de l’ordre et sur les pouvoirs inhérents à chacune de ces trois ordinations. La confusion établie par quelques Pères, notamment saint Cyprien et saint Basile, entre licéité et validité n’entame pas théoriquement ces principes absolus et universels.

/) Les Pères considèrent aussi unanimement que, de la part du sujet, le baptême est la condition absolument nécessaire à la validité de l’ordre reçu. Le concile de Nicée déclare invalide l’ordre des « paulianistes », précisément parce que leur baptême est invalide, can. 19, voir t. xi, col. 415. En ce qui concerne l’intention de recevoir le sacrement, nous n’avons pas, chez les Pères, au sujet de l’ordre, des explications aussi détaillées que pour les autres sacrements. Ce qu’ils nous disent de la contrainte imposée à plusieurs dans la réception des ordres doit être entendu en ce sens que, contraints par une force extérieure (par exemple, saint Jean Chrysostome et saint Ambroise), ils donnèrent cependant leur libre consentement dans leur consécration. Voir différents cas et leur solution dans Tixeront, L’ordre et les ordinations, p. 235 sq. Mais on se reportera surtout à la dissertation de Hallier, De sacris elect. et ordin., part I, sect. v, c. i, où sont examinés les divers motifs de refus de consentement, notamment l’humilité personnelle et le respect du sacrement, Cursus de Migne, t. xxiv, col. 408 sq. Ce qui amène, sous la plume de l'érudit théologien, une nouvelle dissertation sur l’opinion des Pères relativement au désir et à la fuite de l’ordination sacrée. Id., col. 437 sq. Enfin, les Pères enseignent unanimement que le sujet de l’ordination est un chrétien de sexe masculin. Jamais les femmes n’ont pu recevoir le sacerdoce ; cf. Tertullien, £>e præscript., 41 ; De velandis virginibus, 9, P. L., t. ii, col. 56, 902 ; S. Épiphane, Hær., lxxix, n. 2, P. G., t. xlii, col. 742. L’existence des diaconesses (voir ce mot, t. iv, col. 685) n’infirme en rien ce principe absolu.

2. Considérations morales.

-Des considérations particulières, à une époque où nul ne songeait à une systématisation dogmatique, portent principalement sur l’aspect moral du sacerdoce chrétien. Nous ne saurions nous en désintéresser ici.

Ces considérations s’inspirent des épîtres pastorales de saint Paul. Dès le IIe siècle, saint Ignace reprend ce thème dans l’admirable petit traité de pastorale qu’est la lettre à saint Polycarpe. Il y conlirme les droits de l'évêque, en insistant sur les devoirs qui leur sont corrélatifs. Il y déclare : 1° que la vigilance de l'évêque doit s'étendre au temporel comme au spirituel, i, 2, et qu’il ne doit rien laisser faire sans son autorisation ; 2° qu’il doit tenir ferme devant les hérétiques, « comme l’enclume sous le marteau », iii, 1 ; 3° qu’il doit être doux ; apaiser les violents par des lotions calmantes, ii, 1, mais qu’il ne faut pas cependant appliquer sur toutes les blessures le même emplâtre, ii, 1 ; qu’enfin, 4° il ne doit négliger personne, mais veiller sur tous, veuves, esclaves, époux, iv, v.

Plus tard saint Cyprien développe, sur un plan

différent, un thème analogue. Pour lui, le sacerdoce chrétien, qui est la suite du sacerdoce aaronique, tire sa majesté de l'élection divine qui désigne certains hommes pour le service de l’autel et pour une vie de prière. Comme les enfants de Lévi, et plus qu’eux, les clercs sont tenus à une entière séparation du monde. Epist., i, 1, édit. Hartel, p. 465. L’Apôtre veut qu’ils se tiennent en dehors des affaires séculières (II Tim., il, 4), et qu’ils vivent uniquement pour les sacrifices divins et les choses spirituelles. Dans une lettre célèbre aux chrétiens de Furni, Cyprien, au nom de ses collègues, rappelle ces vérités. Epist., i, 1-2, p. 465467. L’attachement aux biens de la terre engendre de nombreuses apostasies ; Cyprien ne ménage pas les évêques qui délaissent l'œuvre de Dieu pour se lancer dans les spéculations et courir après la fortune. Un demi-siècle plus tard, le concile d’Elvire devait légiférer pour réprimer ces abus. Can. 19-20. Le ministère sacerdotal suppose une vocation, l’ordinatio Dei, De cath. Eccles. unilate, 17, p. 226. L'élection divine se manifeste par les suffrages du peuple chrétien, auxquels l’intervention des pasteurs met le sceau par l’ordinatio clerica, Epist., xxxviii, 1, p. 579-580, ou ecclesiastica, Epist., lv, 8, p. 629-630. Cela est vrai, non seulement de l'évêque, mais, toutes proportions gardées, du prêtre et du diacre. L’ordination a pour effet de conférer le Saint-Esprit, principe des œuvres sacerdotales. Or le Saint-Esprit ne se trouve que dans l'Église catholique, donc aussi le pouvoir d’ordre. Epist., lxix, 11, p. 759. Pour Cyprien, licéité et validité ne font donc qu’un : principe d’une confusion qui sera la source de conflits inextricables ! Cf. A. d’Alès, La théologie de saint Cyprien, p. 308. Cyprien insiste également sur les vertus dont évêques et prêtres doivent donner l’exemple. Notons seulement que Cyprien recommande aux prêtres l’entière continence. Epist., lv, 8, p. 629.

II faut mentionner aussi les enseignements moraux de la Didascalie touchant la personne et les vertus de l'évêque, sur ses fonctions, sur son rôle de conciliateur et de juge, et aussi touchant la personne, les vertus, les fonctions du prêtre et du diacre (voir Didascalie des apôtres, t. iv, col. 742-743).

Parmi les œuvres de saint Éphrem, il faut relever de lui, simple diacre, un petit traité exaltant la dignité de l'état sacerdotal et la sainteté qu’il exige. Simple discours, cet opuscule est parfois édité à la suite du traité de saint Jean Chrysostome sur Je sacerdoce. Édit. Lamy, t. ni. p. 1-6.

Dans le plus important de ses discours d’occasion, le deuxième, Sur sa fuite, composé après son ordination sacerdotale, à son retour auprès de son père, saint Grégoire de Nazianze nous donne un vrai traité (117 chapitres) sur la grandeur du sacerdoce, P. G. t. xxxv, col. 407-514. Ce traité a servi de modèle, saint Jean Chrysostome dans son ouvrage sur le sacerdoce et à saint Grégoire le Grand dans son Pastoral. Le Traité sur le sacerdoce de saint Jean Chrysostome, œuvre d’un simple diacre (car il a été écrit probablement entre 381 et 385) est le premier grand ouvrage de pastorale qui ait été composé. Bien qu’il n’ait pas encore l’expérience du ministère sacerdotal, l’auteur y donne au prêtre, en une langue très pure, des conseils aussi pratiques que sages, en même temps qu’il lui montre la grandeur de sa mission avec une rare élévation de pensées. L’ouvrage est divisé en six livres, et revêt la forme du dialogue. Ce sont surtout les livres II et III qui sont consacrés à exalter la grandeur du prêtre. Pour l’analyse complète du traité, voir F. Cayré, Précis de patrologie, t. i, p. 463.

Le De officiis ministrorum de saint Ambroise renferme des préceptes destinés spécialement aux clercs : Tévêque de Milan recommande spécialement la chas-