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PAUL (SAINT). LA DÉFENSE DE LA FOI


qu’elles interrogent leur mari à lu maison, car il ne sied point à une femme de parler dans une assemblée. » Cf. Gen., iii, 16 ; Eph., v, 22 ; I Cor., xi, 5-10. Toutefois, dans ce dernier passage, ꝟ. 5, l’Apôtre dit : « Toute femme qui prie ou prophétise la tête découverte, fait injure à son chef. » Faut-il en conclure qu’il envisage la possibilité pour les femmes de recevoir et d’exercer le charisme de prophétie dans les assemblées ? C’est assez douteux, car les termes « prier et prophétiser » peuvent s’appliquer non seulement à ceux qui récitaient à haute voix les prières, ou adressaient des exhortations aux lidèles, mais encore à tous les auditeurs qui participaient à cette action religieuse et s’unissaient à la prière en répondant amen. Cf. I Cor., xiv, 16. Il est fort probable que tel était le rôle des femmes, assistant à la « prière » et à la « prophétie ». Voir dans Tertullien, Adv. Marcion., v, 8, l’opinion contraire : Mulieri etiam prophelanti velamen imponit, P. L. (1844), t. ii, col. 490. D’ailleurs, ce qui est dit I Cor., xiv, 34 sq., ne doit pas être restreint à l’usage des charismes. Le ꝟ. 35 montre que les femmes étaient portées à poser des questions et à prendre la parole dans les assemblées.

La prière publique et la diseipline.

Régler la

prière publique, en fixer le but et l’objet, entre dans la charge de Timothée : « Je t’exhorte donc, avant tout, pour que l’on fasse des prières, des supplications, des demandes, des actions de grâces pour tous les hommes ; pour les rois et pour tous ceux qui sont constitués en dignité, afin que nous menions une vie tranquille et paisible, en toute piété et honnêteté. Cela (c’est-à-dire prier pour tous les hommes) est bon et agréable devant Dieu notre Sauveur, qui veut que tous les hommes soient sauvés, et parviennent à la connaissance de la vérité. » I Tim., ii, 1-4.

Ce passage réagit probablement contre des tendances exclusivistes, réservant le salut à un » clientèle d’initiés, ou de « parfaits » qui menaient une vie ascétique Impraticable à la masse des fidèles. Ou encore, il vise peut-être des docteurs judaïsants, restreignant la portée de l’Évangile et de l’apostolat. L’Apôtre énonce le principe de’unii’ersalisme du salut et de la volonté salvifique de Dieu. L’Église doit prier pour « tous les hommes » et se conformer ainsi au plan de Dieu qui veut « sauver tous les hommes » en les faisant arriver à la connaissance de la vérité. Cette vérité, c’est la foi chrétienne ou l’Évangile. On retrouve ici, l’ordre d’apostolat universel donné aux disciples, Mat th., xxviii, 19. Saint Grégoire indique comment il faut se comporter envers les ennemis de Dieu : Et quod fæti sunt diligere et quod faciunt increpare : mores pravorum premere. vitre prodesse. Reg. pastor, t. III, c. xxii, P. L., t. lxxvii, col. 91.

Le même passage nous révèle l’attitude de l’Apôtre à l’égard des pouvoirs publics. Il faut prier pour

les rois », en général, c’est-à-dire l’empereur, et les rois des différents pays ; cf. I Petr., ii, 17 ; Tertullien, Apol., 30. Il y a peut-être là une réaction contre l’attitude des Juifs ; et. Suétone, Claud., 25 ; ou encore le sentiment qu’un péril d’ordre politique menaçait l’Église ; cf. Tacite, Annal., xv, 44. En tout cas, le passage contraste avec l’optimisme de Boni., xiii, 1-7. On a l’impression que la situation politique n’est plus la même. L’Église aspire à mener une vie qui ne soit troublée ni par la guerre et la persécution, ni par les émeutes ; cf. Act., xix, 23. Cette « vie tranquille et paisible » n’est pas l’objet direct, ni même le but de la prière ; c’est le résultat, le fruit que les chrétiens doivent recueillir d’un bon gouvernement et d’une sage administration. L’objet direct de la « demande » et de « l’action de grâces », en faveur des « rois et de tous ceux qui sont constitués en dignité », c’est qu’ils remplissent bien leur charge, que Dieu les protège et

les fasse bénéficier du salut. Mais il fallait encourager les fidèles en leur montrant les avantages politiques et terrestres de la prière. Il y a plus. En demandant des prières officielles en faveur des pouvoirs publics, on avait des chances de disposer ceux ci favorablement à l’égard des chrétiens. Cf. Tertullien, Apol., 39. Saint Paul avait à un très haut degré le sens de l’actualité.

Timothée et Tite exercent l’autorité que saint Paul leur a déléguée. Non seulement ils doivent régler l’ordre des assemblées chrétiennes, organiser la prière, I Tim., ii, 1-15 ; mais encore ils ont juridiction sur les ministres : ils les choisissent ; ils reçoivent les accusations contre eux ; ils doivent les punir, comme aussi les récompenser. I Tim., v, 22 ; v, 17-21. Ils doivent également veiller à la conduite des différentes catégories de chrétiens. I Tim., v, 1-16. Ils doivent agir sans timidité, avec « un esprit de force, d’amour et de modération ». II Tim., i, 18. Ils doivent < reprendre sévèrement » « les insubordonnés, les vains discoureurs et les séducteurs ». Tit., i, 10.

Bien plus, ceux qui ont « fait naufrage dans la foi » sont « livrés à Satan » au nom de l’Apôtre. Tel est le cas pour Hyménée et Alexandre. I Tim., i, 19. Comment faut-il entendre l’expression < livrés à Satan » ? Nous la trouvons déjà dans la I re aux Corinthiens, où l’Apôtre ordonne de « livrer à Satan » l’incestueux de Corinthe, « pour la mort de la chair, afin que l’esprit soit sauvé au jour du Seigneur Jésus ». I Cor., v, 5. Dans I Tim., i, 19, Hyménée et Alexandre sont « livrés à Satan, afin qu’Us apprennent à ne pas blasphémer ». Les uns l’entendent de l’exclusion de la communauté, de l’excommunication ; cf. saint Jean Chrysostome, Théodoret ; cf. II Thess., iii, 14 ; III Joa., 10. D’autres y voient la condamnation à une peine corporelle, infligée par la communauté au nom de l’Apôtre (TOxpéSwxoc, au singulier). Cf. Job, ii, 6, et Act., v, 1-11 ; xiii, 8-11. On chassait sans doute le coupable en appelant sur lui un châtiment corporel qui devait lui être infligé par Satan, l’auteur du mal. On le mettait sous l’empire de Satan dans l’ordre physique, non dans l’ordre moral ; cf. Job, ii, 6 : Le Seigneur dit à Satan : « Voici que je le livre entre tes mains ; seulement, épargne sa vie ». On trouve des analogies dans les papyrus ; cf. Greek papi/ri in the British Muséum, éd. Kenyon, t. i, p. 75 ; Deissmann, Licht vom Osten, 3e éd. p. 226.

La seconde explication paraît la plus satisfaisante. Ce châtiment était à la fois une excommunication et une peine médicinale, un remède ; il ne comportait pas la peine de mort, comme l’indique le but pour lequel cette sanction était infligée : « sauver l’esprit », « apprendre à ne pas blasphémer ».

En toute hypothèse, dans I Cor., v, 4-5 ; I Tim., i, 19, ainsi que dans Act., v, 1-11, nous avons de très anciens exemples du pouvoir disciplinaire exercé sur les fidèles par les apôtres ou leurs délégués.

3° La défense de la foi : « l’Église du Dieu vivant, colonne et fondement de la vérité ». — Timothée et Tite ont pour charge principale de défendre et de garder la vraie foi, de rester attachés à la vraie doctrine. Timothée doit « faire avancer l’œuvre de Dieu qui repose sur la foi », I Tim., i, 4 ; « combattre le bon combat, en gardant la foi et une bonne conscience », i, 18 ; « être un bon ministre de Jésus-Christ, nourri des leçons de la foi et de la bonne doctrine », iv, 6 ; « veiller sur lui-même et sur son enseignement », iv, 16. Il doit « garder le dépôt, Tcotpa6r)X7)v, en évitant les vaines disputes profanes, xevotptovîaç (mieux que xaivocpwvîaç, leçon supposée par le novitates de la Vulgate ; voir les variantes) et les oppositions de la gnose (la science) mensongère ». I Tim., vi, 20-21. Ce passage est particulièrement fort. Le « dépôt » à garder par Timothée comprend les préceptes de la vie chrétienne et les vérités de la foi ; surtout la saine doctrine qui lui a