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PAUL (SAINT). LA HIERARCHIE


questions d’introduction ; elles seront reprises aux articles Timothée (Épltres à) et Titiï (Épttre à), nous ferons seulement les remarques suivantes. Les faits ou les textes invoqués pour soutenir cette thèse sont, depuis longtemps, diversement interprétés par les critiques, chez qui l'élément subjectif ou la part d’hypothèse sont considérables. Ils ne permettent donc nullement de motiver une conclusion ferme contre l’origine paulinienne des pastorales. Du reste, les dernières années de l’Apôtre sont trop peu connues pour que l’on puisse insister sur l’impossibilité de faire entrer dans le cadre de sa vie les faits relatés dans les pastorales.

Autrefois, Baur en rejetait la composition au 11e siècle. Mais les raisons en faveur de l’authenticité firent admettre à Harnack et von Soden au moins des éléments pauliniens. Récemment, M. Goguel s’est rangé sensiblement à l’opinion de Harnack : le rédacteur des pastorales aurait pris ses formule’s dans les épîtres pauliniennes et même emprunté des fragments « à divers billets authentiques » de l’Apôtre. Épîtres pauliniennes, t. ii, p. 530. Mais, comme ce même auteur le reconnaît, p. 530, note 2, il est impossible de déterminer le nombre et l'étendue de ces fragments. Par contre, B. Weiss, Godet, Zahn, admettent l’authenticité. Le jugement de Hort, reproduit par Grierson dans le Dictionary of the Bible in one volume, p. 939, marque l’attitude des conservateurs : « En dépit des difficultés courantes soulevées par la comparaison de ces épîtres avec les autres, je crois qu’elles sont de l’Apôtre, et dans leur forme actuelle. » L’authenticité a été défendue également par J. Parry, The pastoral epistles.

Telle est d’ailleurs la position traditionnelle de l'Église. Dans l’antiquité, il n’y a eu de voix discordantes que celles de Marcion, Basilide et leurs partisans, ainsi que celle de Tatien. Mais ces opinions singulières n’eurent pas d’influence sur l’ensemble de la tradition. Origène disait : « Quelques-uns se sont efforcés, sans succès, de rejeter une épître à Timothée », In Matth., P. G., t. xiii, col. 1769 ; et Eusèbe, dont le « canon » représente bien l'état de la tradition, n’hésite pas à placer les épîtres pastorales parmi les « livres incontestés ». — Une réponse de la Commission biblique, en date du 12 juin 1913, a consacré officiellement la position traditionnelle. Cf. Act. apost. Sed., t. v, 1913, p. 292 sq.

Les épîtres pastorales sont adressées à Timothée et à Tite. A côté de notes personnelles qui leur donnent un caractère épistolaire très marqué, elles renferment des instructions plus générales concernant l’organisation et le gouvernement des Églises, ainsi que la défense de la vraie foi. Aucune d’ailleurs ne contient une exposition méthodique de doctrine, ni ne se prête à une division rigoureuse ; mais l’idée d’organisation de l'Église et de défense de la vraie foi sont les deux points essentiels auxquels on peut rattacher l’enseignement théologique de ces épîtres.

1° La hiérarchie : Timothée et Tite ; les « évêques » et les « presbytres » ; les diacres ; les diaconesses ; les veuves. — Durant l'âge apostolique, les apôtres avaient chacun leur champ d’action et gouvernaient de fait, sous l’action de l’Esprit-Saint, chacun une partiede l'Église. Le livre des Actes et l'épître aux Galates montrent que Pierre était regardé comme un chef ; cf. Act., i, 13, 15-16 ; ii, 14-41° ; iii, 1-26 ; iv, 1-4, 5-22 ; v, 1-11, 27-32 ; viii, 14-24 ; ix, 31-43 ; x, 1-48 ; xi, 1-18 ; xii. 3-17 ; xv, 6-12 ; Gal., i, 11-19 ; ii, 7-14 ; cf. I Cor., i, 11-13 ; iii, 21-23 ; ix, 4-6. Mais il était dépositaire d’une autorité qui devait être exercée plus pleinement par ses successeurs que par lui-même. Cf. Bellarmin, De romano pontifi.ce, I. I, c. xxii, éd. Vives, t. i. p. 518.

Au concile de Jérusalem, le champ d’action réservé à chacun des deux grands apôtres avait été délimité : saint Pierre devait prêcher aux Juifs et saint Paul aux païens. Gal., ii, 9.

L’apôtre des gentils gouvernait donc directement, soit par lui-même, soit par des délégués, les Églises qu’il avait fondées. Les épîtres aux Corinthiens nous olïrent un exemple particulièrement frappant de cette action apostolique. Paul agit soit par sa présence, soit par ses lettres, ou par Timothée, son délégué, qu’il charge de diverses missions ; cf. I Cor., iv, 17 ; xvi, 10 ; Act., xvi, 1-3 ; Rom., xvi, 21 ; Phil., ii, 19-23.

Ces diverses missions déjà confiées à Timothée, d’après les épîtres antérieures, nous mettent sur la voie pour comprendre son rôle et celui de Tite d’après les pastorales. Ces deux personnages étaient des délégués agissant au nom de l’Apôtre resté le véritable chef des Églises qu’il leur avait confiées. Ils n'étaient point définitivement attachés aux Églises qu’ils gouvernaient. Leur mission était temporaire. L’Apôtre écrit en effet à Tite : « Lorsque je t’enverrai Artémas ou Tychique, hâte-toi de me rejoindre à Nicopolis, car c’est là que j’ai résolu de passer l’hiver », Tit., ni, 12 ; et à Timothée : « Crescent est allé en Galatie, Tite en Dalmatie ; Luc seul est avec moi. Prends Marc et amène-le avec toi, car il m’est d’un grand secours pour le ministère. » II Tim.. iv, 10.

La charge de Timothée et de Tite a d’abord pour objet de conserver intacte et de défendre la vraie foi ; de veiller à la prédication de la « saine doctrine » ; cf. I Tim., i, 3-19 ; vi, 11-16 ; II Tim., ii, 15 ; m. 1013 ; v, 1-5 ; Tit., i. 9, 11 ; ii, 1, 7-8 ; c’est le thème essentiel des épîtres pastorales.

Timothée et Tite ont en outre pour mission d’organiser la vie de l'Église, en choisissant les ministres qui doivent la gouverner ou y exercer une charge, I Tim., m, 1-16, en leur enseignant leurs devoirs. Ils continuent ainsi et achèvent l'œuvre commencée par l’Apôtre ; le passage Tit., 1, 5, est particulièrement instructif : « Je t’ai laissé en Crète pour que tu achèves d’organiser ce qui reste Là faire], et que tu établisses des « anciens » de ville en ville selon les instructions que je t’ai données. » Ils doivent donc recruter et répartir les ministres de l'Église. Sans doute, l’intervention de la communauté dans le choix des « anciens » n’est point exclue ; mais Tite lui-même les établit en vertu de son autorité déléguée. Cf. I Cor., vii, 17.

Ils ont encore pour mission d’organiser la vie morale et religieuse des fidèles, en tenant compte dos différentes classes de personnes dont se composent les Églises. I Tim., v, 1-vi, 2 ; Tit., ii, 1-in, 2. Enfin, ils doivent régler ce qui concerne la prière publique et le bon ordre dans les assemblées. I Tim., n. 1-15.

Timothée et Tite étaient « évêques ». D’abord, les qualités que saint Paul exige de leur part ne sont point des qualités communes ; cf. II Tim., ii, 15, 22 ; iv, 5 ; cf. I Tim., iii, 1-7 ; Tit., i, 6-8. Ce sont des qualités qui conviennent à des chefs.

De plus, ils avaient reçu le sacrement de l’ordre, Saint Paul écrit à Timothée pour lui rappeler les devoirs de sa charge : « Ne néglige point y.r àfxéXsi, la grâce (le charisme) qui est en toi, toû èv aoi xa-pio|j.axo< ;, qui t’a été donnée par le moyen d’une prophétie avec ['imposition des mains du près by ter ium (l’assemblée des près byteri ou anciens) », I Tim., iv, 14 ; et encore : « Je te rappelle de ranimer, àvxÇcoTrupeïv, le don (ou : la grâce) de Dieu, qui est en toi, tô /àpta(j.a toû ©sou o èaTiv èv aoi, par l’imposition de nus mains. » II Tim., i, 6-7.

Il importe de bien saisir ici la notion de « charisme ». D’après l’Apôtre, le corps du Christ, qui est l'Église jouit de la vie surnaturelle sous l’action de l’EspritSaint. Cette action se manifeste par des dons surna-