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PAUL (SAINT). LE « MYSTÈRE » DU CHRIST


pour durer. Le salut doit aussi se réaliser progressivement, au fur et à mesure du développement de l’Église et non d’une manière subite et instantanée, comme dans certaines conceptions apocalyptiques. Ainsi l’Apôtre accentue le caractère social et collectif de la vie religieuse : le Christ est uni à l’Église, et les fidèles sont unis à lui parce qu’ils font partie de cette Église. Ce corps mystique se développe jusqu’à la croissance parfaite, et les fidèles participent à la vie de cet organisme. Mais cette doctrine était déjà en germe dans les épîtres antérieures. Cf. ICor., xii, 12 sq., 28 sq. ; Col., i, 18, 24.

Chef de l’Église, le Christ est le principe de la résurrection, la cause de la réconciliation. « Il est le principe, le premier-né d’entre les morts, afin qu’en toutes choses il tienne la première place. Car Dieu a voulu que toute la plénitude habitât en lui ; et, par lui, réconcilier toutes choses avec lui-même, celles qui sont sur la terre et celles qui sont dans les cieux, en faisant la paix par le sang de sa croix. » « Vous qui étiez autrefois éloignés [de Dieu| et ennemis (cf. Rom., v, 10) par vos pensées et vos œuvres mauvaises (cf. Eph., iv, 18 ; Matth., v, 8), il vous a réconciliés dans son corps de chair par le moyen de sa mort. » Col., i, 18-22.

Ici, l’œuvre de salut est exposée de manière à mettre en relief la dignité du Christ. L’Apôtre veut montrer que le Christ occupe en tout la première place. Cette place, les docteurs de Colosses ne la lui donnaient pas plus dans l’ordre de la nouvelle création que dans celui de la création physique et, par suite, ils ne lui rendaient point l’honneur qu’ils lui devaient. On doit supposer également que ces docteurs attribuaient aux puissances ou aux anges un rôle dans la réconciliation et la rédemption. N’ayant pas de « corps de chair », ces êtres étaient sans doute regardés comme plus aptes à servir d’intermédiaires.

Les Colossiens devaient croire, en outre, que les anges, ayant joué un rôle dans la promulgation de la Loi, cf. Gal., iii, 19, en restaient comme les dépositaires et les gardiens. Il fallait ainsi passer par eux, les disposer en sa faveur pour être justifié et sauvé ; les désarmer en quelque sorte et les réconcilier avec les hommes. A cette fausse conception, l’Apôtre oppose l’œuvre véritable du Christ : tout cela, il l’a fait par sa mort, dans « son corps de chair ». Il a supprimé le droit des puissances, leur créance pour ainsi dire ; cf. Col., ii, 14-15, et Eph., ii, 11-18.

En effet, étant le premier ressuscité, il est en même temps principe de résurrection pour les autres ; cf.

I Cor., xv, 20, 24 : « Le Christ est ressuscité des morts, il est prémices de ceux qui se sont endormis… De même que tous meurent en Adam, de même aussi tous seront vivifiés dans le Christ. » Cf. Act., ni, 15 :

II est le « chef de la vie », àpxTjyoç tyjç Çwîjç, c’est-à dire l’auteur et le principe de la vie nouvelle ; cf. Act., xxvi, 23. Sa résurrection lui confère ainsi une dignité supérieure à celle de tous les autres êtres ; cf. Rom., i, 4 : " Il est constitué Fils de Dieu, en puissance » en vertu de la résurrection. C’est pourquoi il occupe en tout la première place.

Bien plus, en lui « habite la plénitude » ; mot difficile à bien entendre. On le comprend généralement dans le sens de « plénitude de la divinité », comme dans Col., ii, 9, où le mot ttjç Œotyjtoç est exprimé. Mais pourquoi ce mot n’est-il pas exprimé également ici, ni le mot Œoç, que l’on regarde généralement comme le sujet sous-entendu de £Ù86xt)ctsv ? En employant tô 71Xr ( pG)[xa, avecl’article, et en personnifiant en quelque sorte cette notion, saint Paul doit supposer ici que les Colossiens la comprenaient suffisamment : ce qu’ils appellent le « plérôme » réside dans le Christ ; ce n’est point ailleurs qu’ils doivent le chercher. De

même, le mot 7ts7rXv]pcofiivoç devait avoir à leurs yeux une portée religieuse spéciale, L’Apôtre va préciser le sens de ces deux termes en exposant le mystère du C irist en face du syncrétisme judéo-phrygien.

5° Le « mystère du Christ » (Col., i, 25-n, 23). — Le rôle de l’Apôtre consiste à « répandre partout la parole de Dieu. C’est là le mystère caché depuis les siècles et les générations. Mais, maintenant, il a été manifesté par Dieu à ses saints » ; « ce mystère consiste en ce que le Christ est parmi vous (parmi les païens) l’espérance de la gloire. C’est lui (ce mystère) que nous annonçons, exhortant tout homme et instruisant tout homme en toute sagesse. Afin que nous présentions tout homme parfait dans le Christ. » i, 25-28.

L’Apôtre travaille pour les fidèles, « afin que leurs cœurs soient affermis, qu’ils soient unis dans la charité, en possession de toutes les richesses de la pleine intelligence, "rijç 7tX7]pocpopiaç tîjç auvéaecoç, ayant la pénétration, £7T[yvw<Ttv, du mystère de Dieu (du mystère divin), à savoir : du Christ, p.v>cmr]pîou toû ©eoù, Xpicrroû. En lui (dans le Christ qui est le mystère divin) sont cachés tous les trésors de la sagesse et de la connaissance, t9 ; < ; aoeptaç xal yvwcîeooç ». ii, 2-3.

Toute cette explication du « mystère » est donnée aux Colossiens pour que personne ne les trompe par des « discours captieux, mQ’XMoXoyicf. », des sophismes. n, 5. L’Apôtre oppose donc son enseignement à des doctrines répandues parmi eux et, à cette fin, il adopte la terminologie en usage dans ces doctrines équivoques : to p.ua-rv)pt, ov, ànb odcovcov, téXeiov, 7rX7)poçopta, ctÛvectiç, èmy^amç, , yvwaiç, aotptoc.

Certains commentateurs supposent chez l’Apôtre une adaptation positive au gnosticisme naissant. Le mystère, c’est-à-dire le plan divin de salut, aurait été « caché aux éons, ànb aïtovcov » personnifiés, » ainsi qu’aux générations humaines » ; il y aurait là une idée gnostique. Cf. Reitzenstein, Die hellenistischen Mysterienreligionen, p. 134. Le « mystère du Christ » serait un mystère d’initiation, par lequel l’initié deviendrait teXeioç, parfait, et « dans le Christ » participerait à la yvwciç, en recevant les « trésors de sagesse et de science ». ii, 3.

Mais, pour bien comprendre saint Paul, il ne faut pas oublier qu’il a précisément pour but de combattre les tendances de la gnose judéo-phrygienne ; les ?, 4-5 du c. n sont décisifs sur ce point. S’il reprend la terminologie gnostique, c’est précisément pour lui donner un sens paulinien et chrétien ; l’examen du passage et sa comparaison avec les autres épîtres le montrent clairement. D’abord, la traduction de aîcôvcov par « éons » (êtres personnifiés) n’est pas soutenable. Saint Pau’donne à ce mot un sens temporel ; cf. vûv Se, i, 26 : deux périodes s’opposent dans le plan divin ; cf. Rom., xvi, 25 ; I Cor., ii, 7 ; Act., iii, 21 ; xv, 18 ; lee siècle » ou éon (sens temporel) comprenait plusieurs « générations » ; cf. Eph., iii, 21. Du même coup, le mot « mystère » doit s’entendre d’une chose cachée qui est révélée à un moment précis ; ce secret, c’est l’Évangile ou plan divin de salut universel : le salut est l’œuvre du Christ et se réalise « dans le Christ » ; cf. Eph., i, 3-14. Il ne s’agit point d’un « mystère » d’initiation. cꝟ. 1 Cor., ii, 7. Si les correspondants de l’Apôtre entendaient le mot « mystère » à la manière païenne, saint Paul leur oppose, en l’expliquant, le nouveau mystère, le vrai mystère, celui qui doit exclure tous les autres.

Ce mystère est une philosophie divine, source de la véritable connaissance. C’est de là et non point d’ailleurs que dépend la perfection. Tout homme doit, en effet, devenir < parfait dans le Christ ». i, 29. Saint Paul entend d’ordinaire ce mot dans le sens du « complet développement de la vie spirituelle » ; cf. Eph., iv,