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PAUL (SAINT). LA REDEMPTION


à la mort du Christ et à sa résurrection ; cf. Rom., vi, 2 sq. ; Col., ni, 3 ; Gal., n. 19. Mais cette interprétation ne rend pas toute la pensée de l’Apôtre, si l’on n’y ajoute que la mort du Christ a expié le péché et délivré ainsi l’homme de la mort et du châtiment qui pesait sur lui. Cela ressort des textes qui vont suivre.

En effet, l’Apôtre déclare : « Dieu a fait le Christ péché pour nous, ûrcèp tjjjLwv, afin que nous devenions en lui justice de Dieu. » II Cor., v, 21. Pour faire comprendre aux Corinthiens la bonté et la miséricorde de Dieu, Paul rappelle comment il a traité le Christ en leur faveur. Dieu « l’a fait péché », c’est-à-dire, l’a traité nelut summum peccatorem, dit Cornely, h. I. « Il l’a fait péché », dit saint Jean Chrysostome, « c’est-à-dire il l’a laissé condamner comme un pécheur, wç àfxapTwXôv xaTaxp169)vai àçîjxsv, mourir comme un maudit, coç èrcixaTàpaTOv àTtoOavsïv », P. G., t. lxi, col. 478 ; Peccati nescium tractavit ut peccatorem, Grimm, Lexikon.

Il est de toute évidence que à(i.apr[a est mis ici pour àjvocpxcûXôç ; c’est l’abstrait pour le concret, comme dans Rom., vii, 7, ô v6y.oq à[i.ap-rîa, qui s’explique par son opposé ô v6[aoç aytoç, ꝟ. 12. Il faut expliquer de même l’expression « justice de Dieu » : Dieu a traité le Christ en pécheur pour que nous devenions en lui justes de la justice de Dieu, non de notre justice propre. Cf. I Thess., v, 10.

Un passage de l’épître aux Galates expose, d’une façon plus complète, le rôle du Christ dans notre salut : « Il s’est donné lui-même pour nos péchés, afin de nous arracher à ce siècle présent qui est mauvais, selon la volonté de Dieu notre Père. » Gal., i, 3-4. Au début de l’épître aux Galates, l’Apôtre indique ainsi la véritable cause de notre justification : le Christ « s’est donné », cf. ii, 20, « s’est livré ». A qui s’est-il donné, ou livré ? A Dieu, à l’humanité ou aux bourreaux ? Aux trois, sans doute. Mais l’idée prédominante est qu’il s’est donné à Dieu spontanément, par amour pour les hommes, ï)yà7T7)crsv ûpiâç, Eph., v, 2, cf. Gal., ii, 20 ; il s’est livré « comme offrande et victime agréable à Dieu, TrapéSooxsv éaurôv ùnèp 7)|i. « v rtpoaçopàv xai 6uaîav tû 0eà> elç àajj(.Y)v eùwSîaç », Eph., v, 2 : pour être la « rançon » de notre salut ou de notre délivrance, àvTiXuTpovÛTrèp TrâvTwv. I Tim., ii, 6.

A titre, à la fois de victime propitiatoire et expiatoire — la première n’allant pas sans la seconde lorsqu’il s’agit de péchés à pardonner — et de rançon pour la délivrance, il s’est olfert à Dieu et s’est laissé mettre à mort. Ce don de lui-même à Dieu s’étend-il à toute sa vie ou seulement à sa mort ? Aux deux sans doute, cf. Phil., ii, 8 ; mais surtout à sa mort, comme l’indiquent les mots « pour nos péchés », I Cor., xv, 3 ; cf. Gal., ii, 20-21 ; Eph., i, 7 : « la rédemption par son sang, la rémission des péchés ».

Le Christ s’est donc offert lui-même, et il a eu ainsi sa part de volonté dans la détermination de racheter l’homme. Cependant, dans Rom., viii, 32, nous lisons :

(Dieu) n’a pas épargné son Fils, mais l’a livré [à la mort], TrapéSoxev ocùxôv, pour nous tous » ; et dans Joa., iii, 16 : « Dieu a donné au monde son Fils unique », tandis que dans Marc, x, 45, Matth., xx, 28, c’est le « Fils de l’homme qui donne lui-même sa vie », comme dans Eph., v, 25 ; Tit., n. 14 ; Gal., ii, 20 ; I Tim., ii, 6. D’autre part, le Christ, en se livrant lui-même, fait la volonté du Père. Gal., i, 4 (fin du f.).

Nous sommes là en présence du mystère de cette double volonté, celle de Dieu et celle du Christ. D’un côté, le Christ se livre, se donne lui-même ; d’un autre côté, c’est Dieu qui le donne au monde, le livre et ne l’épargne pas. Saint Jérôme dit à ce sujet : Neque Filius se dédit pro peccatis nostris absque voluntate Patris, neque Pater tradidit Filium sine Filii voluntate. In Gal., i, 4, P. L., t. xxvi, col. 314.

L’œuvre salutaire du Christ est non seulement un sacrifice ou une offrande agréable à Dieu, elle est une délivrance, un rachat. Cette idée est exprimée par le mot àTroXÔTptoaiç, qui est le nom d’action du verbe à7ToXuxpôw, comme XÛTpcoaiç de Xuxpôw. Dans les LXX, XuTpoGcÔat. est surtout employé à propos de la délivrance d’Egypte, Ex., vi, 6 ; xv, 13 ; Deut., vii, 8 ; ix, 26 ; xiii, 5 ; mais il exprime aussi le rachat des esclaves par leur maître en payant une rançon ou une amende, Ex., xxi, 8. Dans Polybe, XVII, xvi, 1, on trouve XurpoCaGoa dans le sens de racheter en payant un prix. En grec classique, Xùrpov, généralement au pluriel, désigne la rançon des prisonniers, cf. Thucydide, vi, 5. Il a également le sens d’amende payée pour avoir la vie sauve, il est alors synonyme de -ufjw). Dans les LXX, nous le trouvons dans le sens de rançon ou compensation pécuniaire, Ex., xxi, 30 ; xxx, 12 ; Num., xxxv, 31 ; Lev., xxv, 24. Il en est de même dans FI. Josèphe, Antiq., XIV, vii, 1 : Xûxpov (xvtî 7TâvTwv eSmxev. Enfin, en grec classique, on trouve àTco0vr)axet.v ûnép -uvoç dans le même sens que aTcoGvYjaxsiv àvrî twoç ; cf. Sophocle, Trach., 708 ; Euripide, Héc, 310 ; Platon, Conviv., 179 b.

En outre, chez les Juifs, l’idée de la mort expiatrice du juste est déjà indiquée dans Is., lui ; on la retrouve dans II Mac, vii, 37 sq. (noter àvrî^vj/ov, iXaarrjptou 0aw.Tou), ainsi que dans IV Mac, xvii, 22 ; cf. Rom., v, 7-8.

D’autre part, on voit clairement, d’après les évangiles, que le péché constitue comme une dette envers Dieu, en même temps qu’un état de déchéance et d’esclavage dont l’homme n’a pas lui-même les moyens de se libérer. Dans le grec de l’époque impériale, on disait ôtpsîXw à(i.apTÎ<xv, « devoir un péché », c’est-à-dire être coupable d’une faute entraînant un châtiment, comme on disait ôçîiXco xpioç, avoir une dette. Cf. Deissmann, Neue Bibelstudien, p. 52. Dans le Pater, la recension de Matth. donne : « Remettez-nous nos dettes, ôçsiXr)|xocTa Tjfxcov », tandis que celle de Luc dit : « Nos péchés, àpiapTÎaç rj[i.(ï>v. »

Quant au terme àTroX’jTpwaiç, il n’est pas d’un emploi fréquent chez les auteurs grecs, et il n’est employé dans l’Ancien Testament que dans Daniel, iv, 30c, pour exprimer la délivrance de Nabuchodonosor, c’est-à-dire la guérison de sa folie. Par contre, il est employé dix fois dans le Nouveau Testament, dont sept fois par saint Paul : Luc, xxi, 28 ; Rom., m, 24 ; viii, 23 ; I Cor., i, 30 ; Eph., i, 7 ; i, 14 ; iv, 30 ; Col., i, 14 ; Heb., ix, 15 ; xi, 35.

Comme il ne s’agit point d’un terme courant en dehors de saint Paul, il faudra l’expliquer en tenant compte de sa valeur étymologique et de la pensée générale de l’Apôtre. Dans tous les passages des épîtres, le sens général est celui de délivrance : délivrance du péché, des puissances mauvaises, de la Loi, de la mort. Dans la plupart des cas, il n’est pas fait mention d’une rançon ou d’un moyen de délivrance. Néanmoins, dans Eph., i, 7, la délivrance est accomplie « par le sang du Christ, Sià tou aï^a-roç aùfoû ». Ce texte est déjà significatif par lui-même ; mais, si nous rapprochons les passages où est employé le mot àroiXô-Tpcoaiç, des autres passages — et i s sont nombreux — où il est question de rançon payée, on voit que cette délivrance est accomplie moyennant la rançon, Xùxpov, àvTtXuTpov, xi.pt.Yj, qui consiste dans le sang ou le sacrifice du Christ. Cf. Marc, x. 45 (Matth., xx, 28) ;

I Tim., ii, 6 ; I Cor., vi, 20 ; vii, 22 (cf. xv, 3) ; Gal., m, 13 ; II Petr., ii, 1 ; Apoc, v, 9 ; Act., xx, 28 ;

II Petr., i, 18-19.

Le passage Rom., iii, 26, synthétise la pensée de l’Apôtre sur ce point : « Dieu a disposé le Christ comme moyen de propitiation et d’expiation dans son sang, par le moyen de la foi, lXaaxr]p(.ov… èv tw aùxoG