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PAUL (SAINT). LA JUSTIFICATION, SA NÉCESSITÉ

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Ce que ni les doctrines et les rites païens, ni la Loi n’avaient apporté au monde, l’Évangile le lui donne : « C’est une puissance de Dieu pour réaliser le salut de tout croyant, du Juif d’abord, puis du Grec. En lui (l’Évangile) se révèle la justice de Dieu qui vient de la foi ». Rom., i, 16-17. Le véritable sauveur, c’est Jésus-Christ. Par sa vie, sa mort et sa résurrection, il a arraché l’homme au péché et à ses suites. Il lui a communiqué une vie religieuse nouvelle qui le fait fils adoptif de Dieu, l’unit à Dieu et lui donne droit à l’héritage divin dans le monde futur. Justifié dans le temps présent par le sang du Christ, l’homme sera sauvé par lui « de la colère » au temps du jugement. Rom., v, 9.

La foi chrétienne apporte ainsi « une grâce » que l’on s’approprie par le baptême. Cette grâce consiste dans l’union au Christ et dans une communication de vie divine qui doit régir la vie morale de l’homme sous l’influence de l’Esprit-Saint. Elle est la garantie d’une espérance qui relève et soutient ; elle est créatrice d’énergie morale dans le sens le plus élevé et le plus fécond. Telles sont les idées fondamentales que l’Apôtre développe en exposant sa doctrine sur la justification et la vie chrétienne.

Nécessité de la justification.

Les hommes se

divisent en deux grandes classes : les Juifs, les Grecs, cf. Rom., i, 16. Or ni les uns, ni les autres ne possèdent lajustice^ c’est-à-dire ne se trouvent dans une situation normale à l’égard de Dieu et de leur destinée : Tous ont péché et sont dépourvus de la gloire de Dieu », cette qualité divine, qui est le principe de la glorification. Rom., iii, 23.

1. D’abord les païens.

Par « leur injustice », ou l’état coupable dans lequel ils se trouvent, ils ont empêché la vérité de se manifester efficacement en eux. C’est pourquoi la colère de Dieu les a frappés : leur notion de la divinité s’est altérée et ils sont tombés dans la déchéance morale. Rom., i, 22-24 : « Ce qui est connu de Dieu, t6 yvtoaxov tou 0soij », c’est-à-dire ce qui est connaissable de lui, ce qui est accessible à la seule raison, leur était « clairement manifesté, ov.vîpôv èv aÙTOÏç ». Cela, non point précisément par une lumière intérieure qui brillait dans leur esprit, mais par les choses extérieures, par la création. « En effet, depuis la création du monde, l’être invisible de Dieu, xà àôpara ocùto’j (noter le pluriel : ses attributs) avec sa puissance éternelle et sa divinité, Gsiôtyjç (sa nature divine), se découvrent, au moyen de ses œuvres, par le travail de l’intelligence, vooûfXEvoc xaOopàtca. » Rom., i, 20.

Les paï ens avaient donc les moyens de connaître Dk-u et sa nature. Ils n’avaient qu’à regarder et à réfléchir. En fait, ils l’ont connu, yvovrsç, ꝟ. 21 ; mais, au lieu de reconnaître sa nature, ses attributs, sa puissance créatrice et modératrice de toutes choses, au lieu de lui rendre le culte qui lui revient comme Dieu, ils n’ont point su dégager de cette première notion les conclusions qu’elle exigeait ; et cela par leur faute, puisqu’ils sont inexcusables, àvaTroXoyyjTouç, de ne pas l’avoir fait. Leur conception de la divinité est restée déficiente : « Ils se sont amusés à de vaines spéculations, et leur cœur inintelligent (c’est-à-dire leur intelligence qui n’a pas voulu comprendre, le mot « cœur » étant employé au sens hébreu ; cf. Rom., x, 8-10) s’est empli de ténèbres. A force de se dire sages, oà-r/covTsç slvoa aocpoi, ils sont devenus insensés et ils ont échangé la gloire du Dieu incorruptible contre l’image de l’homme mortel, d’oiseaux, de quadrupèdes et de reptiles », ꝟ. 21-23.

Leur faute n’est pas simplement d’avoir voulu représenter Dieu, mais de l’avoir fait d’une façon grossière et indigne de la divinité. Cf. Act., vii, 48 ; xvii, 24. Au lieu de le symboliser dans sa « gloire »,

c’est-à-dire dans le rayonnement de son être spirituel et immortel, ils l’ont représenté comme un homme ou comme des animaux, et ils ont rendu à ces im iges un culte comme à la divinité même.

L’Apôtre avait vu ces idoles au cours de ses missions. On sent chez lui l’âme juive qui se révolte en se rappelant les prescriptions du Deutéronome, iv, 17, et les termes du psaume evi, 20 : » Ils ont échangé leur gloire (celle du Dieu d’Israël) contre l’image d’un bœuf qui mange du foin. » Les païens, eux, ont échangé « la vérité de Dieu (la vraie notion de lui-même que Dieu leur avait donnée, cf. ꝟ. 19) contre le mensonge, et ils ont adoré et servi la créature à la place du Créateur », ꝟ. 25.

Cette méconnaissance de la vérité religieuse leur a attiré le châtiment de Dieu, ꝟ. 24. Dieu les a châtiés en les abandonnant aux « désirs de leurs cœurs », à leurs passions mauvaises. Ce châtiment revêt un triple aspect : pour n’avoir pas voulu honorer Dieu, ils ont « deshonoré leurs corps », ꝟ. 24 ; ils ont commis des actes contraires à la nature même de l’homme, ꝟ. 27 ; ils ont enfin perdu le « sens moral, sic, àâôxijiovvoûv », de sorte que leur raison n’a plus été à même de distinguer le bien du mal.

De tout ce réquisitoire contre le paganisme, il se dégage en premier lieu une vérité fondamentale sur la connaissance de Dieu. Dieu se manifeste aux" 1 hommes par ses créatures. Sa puissance, ses attributs et sa nature peuvent être suffisamment connus par la raison humaine. L’homme, par l’observation des choses, l’expérience et la réflexion, peut donc arriver à la connaissance de Dieu, créateur et fin de tous les) êtres. Cf. concile du Vatican, sess. ni, c. n. Cf. Sap., i xin, 1 : « Insensés par nature, (i.dh : at, ot. (puerai, tous les hommes qui ont ignoré Dieu et qui n’ont pas su, par les biens visibles, connaître, elSévoa, celui qui est, t6v ôvtoc, ni par la considération de ses œuvres, Ipyoïç, reconnaître l’ouvrier, t6v Ttyryirrf) », et ꝟ. 5 : « Par la grandeur et la beauté des créatures, xtictuoctcov, on voit, OscopsiToa, par analogie, àvaXoymç, leur Créateur, ô yeveaioupyôç ocùtôv. » Voir Philon, Vita Mosis, II [III], 238-239 ; Pseudo-Aristote, De mundo (écrit stoïcien du i er siècle de notre ère), cité dans Lietzraann, An die Romer, p. 30 : « Dieu, étant invisible à toute nature mortelle, est contemplé dans ses œuvres, om’gcÛtcôv tcôv ëpyoiv OscopeÏTO ». »

Saint Paul ne cite point, même implicitement, le livre de la Sagesse, mais il fait valoir un argument courant dans le judaïsme hellénistique, et que l’on retrouve chez les stoïciens. Les doctrines de la Sagesse devaient sans doute lui être familières, mais il y a des différences assez marquées entre Sap., xiii et Rom., i, 19-20. Dans la Sagesse, la for me est plu s philosophique ; remarquons surlout le mot àvocXoytoç. Dans xiïi, 1, (iâxatoi cpûasi n’indique point une impuissance native, mais plutôt un défaut d’ordre moral ; autrement l’on ne voit pas comment l’auteur aurait pu écrire sans contradiction, au ꝟ. 9 : « Car, s’ils ont acquis assez de science pour chercher à connaître les lois du monde, comment n’en ont-ils pas connu plus facilement leur Maître ? » Cf. S. Augustin, Serm., lxviii, P. L., t. xxxviii, col. 438. Ils pouvaient donc connaître Dieu ; s’ils ne l’ont pas fait, c’est parleur faute. La __ Sa^essej_cojnme saint Paul, affirme que l’homme peut c onnaître Dieu par la raison ; mais l’Apôtre ajoute qu’en fait il l’a connu au moins dans une certaine mesure.

La seconde idée essentielle qui ressort de Rom., i, 18-32, c’est le rapport qui existe entre la vérité religieuse et la moralité. L’Apôtre donne comme fondement de la vie morale la connaissance religieuse. Mais, au lieu d’aborder le problème du point de vue psychologique, il ne l’envisage que du point de vue providen-