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PAUL (SAINT). LE MARIAGE


avaient dit : « Si telle est la condition de l’homme à l’égard de la femme, il n’est pas avantageux de se marier. » A quoi Jésus avait répondu que le célibat était un idéal de perfection en vue du « royaume », mais pour ceux-là seulement à qui « il est donné de le comprendre », ꝟ. 11-12. D’ailleurs, le mariage n’existera plus dans la vie future. Matth., xxii, 30.

D’après saint Paul, le mariage est la condition ordinaire. Il est un remède contre la « fornication », I Cor., vu, 2, et contre l’impureté, ꝟ. 9. Les époux doivent remplir leur devoir mutuel, ꝟ. 3 : « ne vous refusez pas l’un à l’autre, si ce n’est d’un commun accord, pour un temps, afin de vaquer à la prière », ꝟ. 6. Dans la première à Timothée, l’Apôtre condamne ceux qui défendent le mariage comme une chose mauvaise ; dans Eph., v, 22-33, il expose les devoirs mutuels des époux ; cf. Col., iii, 18.

Toutefois.il estime que le célibat et la virginité sont préférables au mariage ; c’est pour lui un idéal : « Il est bon, xocXôv, pour un homme de ne pas toucher de femme », ꝟ. 1. Ce qu’il vient de dire sur le mariage et son usage, il le dit « par condescendance », xaxà auyYva>ji.7]v, c’est-à-dire en tenant compte des sentiments et de la faiblesse des chrétiens. Il voudrait, au contraire, que « tout le monde » fût comme lui, c’est-à-dire non marié ; cf. ꝟ. 40. Cette affirmation, prise dans toute sa rigueur, peut paraître surprenante si on la compare à Gen., i, 28. Certains critiques indépendants expliquent cette attitude par la croyance à la proximité de la parousie : ce monde allait bientôt finir et avec lui la race humaine. La mariage devenait donc désormais inutile. Mais il n’est point nécessaire de recourir à une telle solution. L’Apôtre indique seulement ce qu’il estime le meilleur. D’ailleurs, il précise : « Chacun reçoit de Dieu son don particulier, l’un d’une manière, l’autre d’une autre », ꝟ. 7. Cette parole est analogue à celle de Jésus, Matth., xix, 11-12. Le choix entre les deux états est donc subordonné à l’action divine. L’Apôtre dit formellement : « ceux qui ne peuvent garder la continence doivent se marier », ꝟ. 9. Ainsi, il évite la conséquence absurde que l’on pourrait tirer du ꝟ. 7 en l’entendant d’une façon absolue : Si omnes homines confinèrent sicut Apos(olus continebat cessarel generalio ; et non fuisset impletus numerus electorum ; quod est contra dispositionem divinam, S. Thomas, h. L, éd. Vives, t. xx, p. 670.

En résumé, dans cette première section, ꝟ. 1-9, l’Apôtre recommande le mariage comme l’état ordinaire et normal, mais sans en faire un précepte en soi, ꝟ. 6. Toutefois, il estime que le célibat vaut mieux que le mariage. Pour chacun de ces deux états, il y a une vocation ou un « don de Dieu ».

Dans la section ꝟ. 25-33, il revient sur le même sujet en parlant des « vierges », qu’il regarde comme une catégorie spéciale.

Au sujet des « vierges » il n’a pas de « précepte du Seigneur », il donne seulement « un conseil » ; c’est-à-dire un avis, mais un avis dont la valeur est garantie par sa qualité d’apôtre, ꝟ. 25 ; cf. ꝟ. 40 : « Je crois avoir, moi aussi, l’Esprit de Dieu. » L’ « état » de virginité est bon, à cause de la « difficulté des temps », peut-être l’approche de la parousie que beaucoup de chrétiens regardaient comme imminente, cꝟ. 29-31. D’autres y voient les difficultés et les tribulations inhérentes à la vie conjugale, cf. ꝟ. 28. Cependant, on peut se marier sans commettre de péché, ꝟ. 28, cꝟ. 36. Toutefois, l’état de virginité, en libérant des préoccupations du monde, permet à celui ou à celle qui le choisit, de s’attacher davantage au service de Dieu et à sa propre sanctification. Au point de vue religieux, cet état est donc supérieur au mariage : « Ainsi, celui qui marie sa fille, -rrjv êauxoû roxpOévov

virginem suam, fait bien, et celui qui ne la marie pas fait mieux. » ꝟ. 38.

Le ton de cette section, ꝟ. 25-35, un peu différent de celui de ꝟ. 1-9, ainsi que certaines particularités de langage, comme l’emploi du mot 7rocp6évoç au singulier, ꝟ. 36, 38, ainsi que du mot à.oyr^oveïv exprimant une idée toute nouvelle dans l’exposé de l’Apôtre, ont fait croire à certains commentateurs modernes que les virgines, TrœpOÉvoi., en question, désignent les virgines subintroductæ dont nous trouvons l’existence au iie siècle. Mais la pensée générale du morceau, qui se rattache étroitement à ꝟ. 1-9, et surtout l’usage du verbe x<xx.’£ > zm au ꝟ. 38, après le verbe Yafxeïv, ꝟ. 28, ne permet point cette interprétation. L’hypothèse a été soutenue par H. Achelis, Virgines subintroductæ, Leipzig, 1903 ; cf. S. Irénée, Cont. hær., I, vi, 3 ( ?) ; Tertullien, De virg. vel., 14. Cf. Lietzmann, Handbuch zum N. T., éd. 1913, An die Korinther L, p. 111 ; M. Dibelius, Der Hirl des Hermas, dans Handbuch zum N. T. de Lietzmann, Die apostolischen Valer, p. 619 ; R. Knopft, Die Lehre der zwôlf Aposlel, ibid., p. 32.

Après avoir précisé la dignité respective du mariage et du célibat, saint Paul traite du lien ou de l’indissolubilité du mariage. Là encore, pour bien le comprendre, il faut rappeler l’enseignement de Jésus. Jésus avait enseigné que le mariage était une institution divine : l’homme et la femme avaient été unis par Dieu pour « devenir une seule chair ». Gen., ii, 24. Il avait condamné le divorce. Matth., v, 22 ; xix, 6, 9-10 ; Marc, x, 9, Il sq. ; Luc, xvi, 18. Sa doctrine était : « Ce que Dieu a uni, l’homme ne peut le séparer. »

Toutefois, le premier évangile apporte à cette doctrine un certain adoucissement : « Quiconque renvoie sa femme, hors le cas d’impudicité (ou d’adultère), TrotpexTÔç X6you Tcopvetaç, la rend adultère. » Matth., v, 32 ; cf., xix, 9 : et y.r Xôyou rcopveîaç.

En cas d’impudicité ou d’adultère, il était donc permis de renvoyer sa femme. La tradition chrétienne l’a entendu dès le commencement, non du divorce proprement dit, permettant de se remarier, mais de la simple séparation, les époux ainsi séparés ne pouvant se remarier sans devenir coupables d’adultère. Cf. Hermas, Mand., IV, i, 6.

Plusieurs critiques indépendants regardent la clause ^apex-roc Xôyou Tcopvetocç comme ne faisant point partie des paroles de Jésus ; ce serait une glose, une interprétation ou un adoucissement du principe énoncé par Jésus. Le principal argument en faveur de cette thèse est l’absence de cette clause dans les autres synoptiques et dans l’enseignement de saint Paul. Cependant, la clause se trouve deux fois dans le premier évangile, et dans deux contextes différents ; l’auteur la considérait donc réellement comme une parole de Jésus. Elle serait une interpolation si on l’entendait du divorce proprement dit, car, dans ce cas, dans l’un et l’autre passages de Matth., elle ne s’accorderait plus avec la suite du texte.

Saint Paul, se conformant à l’enseignement de Jésus, affirme comme lui l’indissolubilité du mariage : « Que la femme ne se sépare pas de son mari ; si elle en est séparée, qu’elle reste sans se remarier, ou qu’elle se réconcilie avec son mari. Que le mari ne répudie point sa femme », I Cor., vii, 10-11 ; et ꝟ. 39 : « La femme est liée aussi longtemps que vit son mari. »

En donnant ce commandement, l’Apôtre se réfère au Seigneur : « J’ordonne, non pas moi, mais le Seigneur », ꝟ. 10. Il ne cite point les propres paroles de Jésus, dans la forme où les évangiles les ont conservées. En se référant au Seigneur, il entend avant tout reproduire sa doctrine. Toutefois, il se rapproche de Marc, x, 11-12, mais il parle en premier lieu de la femme.