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PAUL (SAINT). LE MARIAGE


donc pas les négliger sous prétexte d’aspirer aux charismes. Les charismes ne sont point de même ordre que les vertus ; ils peuvent même exister sans la charité, xiii, 1-3, mais ils ne serviraient de rien ; leur exercice doit être dirigé par la charité, xiv, 4 sq. La charité et les autres vertus sont les principes de la vie mystique ; elles donnent à la théologie spirituelle de l’Apôtre son véritable caractère, caractère moral qui contraste avec celui des mystiques païennes. Les charismes, étant soumis à la charité et s’exerçant sous la dépendance des vertus, ne modifient nullement cette conception morale de la théologie paulinienne.

Il faut donc d’abord rechercher la charité, puis, parmi les charismes, il faut aspirer surtout à la « prophétie », car elle édifie et console. « Celui qui prophétise l’emporte sur celui qui parle en langues, à moins que ce dernier n’interprète ses propres paroles, afin que l’Église en tire édification ». xiv, 5. Tout doit se passer pour « l’édification » des fidèles ; c’est dans ce but qu’il faut rechercher les « esprits » ou inspirations. xiv, 12. <t Les langues servent de signes non pas aux croyants, mais aux infidèles. » xiv, 22.

En pratique, si l’on parle en langues, deux ou trois suffisent, à tour de rôle, et encore à condition qu’il y ait un interprète. Les prophètes peuvent être également deux ou trois à parler ; ou même tous peuvent le faire, mais chacun à son tour, xiv, 26-33.

Nous retrouvons les charismes dans l’épître aux Romains, xii, 6 sq. Ce passage offre beaucoup d’analogies avec I Cor., xii, 28. Il fait partie d’une suite d’exhortations sur la vie chrétienne. Chacun doit avoir de lui-même une juste opinion et ne doit s’estimer que « selon la mesure de la foi que Dieu lui a concédée ». xii, 3. Les fidèles sont les membres d’un seul corps dans le Christ ; ils n’ont donc pas tous les mêmes fonctions. Ils possèdent des « dons, xapta^aTa » différents selon la grâce qui leur a été donnée. Ils doivent donc rester dans leur rôle ou leur office et le bien remplir. Ces « dons » sont « la prophétie, en proportion de la foi », c’est-à-dire se réglant sur l’objet ou le contenu de la loi ; le ministère ; l’enseignement ; l’exhortation ; l’aumône ; la présidence (d’une œuvre ou peut-être mieux de la communauté, cf. I Thess., v, 12 ; I Tim., v, 17) ; la miséricorde (œuvre d’assistance ou de charité distincte de l’aumône). Tous ceux qui possèdent ces dons doivent les exercer dans le champ bien déterminé qui appartient à chacun.

Ces conseils, avec la comparaison du corps et des membres, sont dans la même ligne que I Cor., xii, 13-31. Mais, dans Rom., xii, la liste des charismes est réduite à sept termes, et l’idée d’office déterminé, lié à un charisme, est plus accentuée que dans la I re aux Corinthiens.

Nous trouvons encore un passage sur les charismes dans Eph., iv, 7, 11-13. Ici, l’idée d’unité dans l’Esprit, celle de VÉglise formant un seul corps, est encore plus affirmée que dans I Cor., et Rom., cf. Eph., iv, 3-6. A chacun, « la grâce a été donnée selon la mesure du don, SwpeSç, du Christ ». Lui-même, il a fait « les uns apôtres, d’autres prophètes, d’autres évangélistes, d’autres pasteurs et docteurs ; cela en vue de rendre parfaits les saints pour l’œuvre du ministère, afin d’édifier le corps du Christ… ». Eph., iv, 11-12.

Cette dernière liste, plus encore que celle de l’épître aux Romains présente les charismes comme conférés en vue d’offices déterminés. L’idée de charisme, manifestation surnaturelle de l’Esprit-Saint, reste au second plan. Nous avons là sans doute cette » diversité de ministères » mentionnée I Cor., xii, 5 ; cf. Eph., iv, 12, eîç ëpyov Siaxovtaç. Ces charismes confèrent des aptitudes ou des capacités surnaturelles en vue d’offices déterminés dans l’Église. Le don d’apostolat qui vient en premier lieu n’est point l’apostolat conféré par le

Christ lui-même aux « douze » et à saint Paul. C’est un don accordé en vue d’une mission analogue à celle des « douze », mais d’un ordre moins élevé. Il en est autrement dans Eph., ii, 20, où il ne peut être question que des <> apôtres » au sens strict, quelle que soit la manière d’entendre « les prophètes », qui leur sont associés.

Est-il possible de tenter un classement des charismes d’après les listes données par l’Apôtre ? La chose ne paraît guère possible. Saint Paul ne s’y est point appliqué ; mais il a voulu montrer que leur variété ne nuisait point à l’unité et à l’organisation de l’Église.

Par contre, en insistant sur cette idée que, dans bien des cas, les charismes sont donnés en vue d’offices déterminés, et cela pour la vie même et le développement de l’Église, ne laisse-t-il pas nettement entendre qu’au moins un certain nombre d’entre eux, ayant un caractère social, doivent être nécessaires à l’Église et, par conséquent, permanents ? De plus, si le charisme donne une capacité surnaturelle en vue d’un office déterminé à remplir dans l’Église, il confère l’aptitude à l’office hiérarchique comme aux autres ministères. Ou, si l’on veut, l’investiture d’un office comporte, dans la doctrine de l’Apôtre, la communication d’un charisme. Cette communication peut être extra-sacramentelle, c’était le cas pour la plupart des offices secondaires ; elle est de nature sacramentelle quand il s’agit d’office hiérarchique, c’est le cas pour l’ordination de Timothée, II Tim., i, 6. Voir plus loin, IX. L’organisation et le gouvernement de l’Église, Cf. A. Lemonnyer, art. Charismes, dans le Supplément du Dictionnaire de la Bible, col. 1241-1243 ; F. Prat, La théologie de S. Paul, 2° partie, éd. 1929, p. 373.

Le mariage.

Les Juifs se faisaient une haute

idée du mariage. Ils le regardaient comme une chose sainte et la plupart d’entre eux étaient mariés. Il faut faire exception pour la secte des esséniens qui le regardaient comme une chose impure et dégradante. Toutefois, chez les Juifs, le divorce était très fréquent. Parmi les rabbins, les uns étaient très accommodants sur ce point ; d’autres n’admettaient le divorce qu’en cas d’adultère.

Chez les païens, bien que la cérémonie du mariage eût un caractère religieux, le contrat pouvait être rompu à volonté par l’un ou l’autre conjoint. Cf. Juvénal. Sal., vi, 224 sq.

Les chrétiens convertis, juifs ou païens d’origine, étaient tentés de conserver leurs anciennes idées sur le mariage. Spécialement à Corinthe, où la licence des mœurs était devenue proverbiale, les chrétiens étaient particulièrement exposés à subir l’influence des habitudes païennes. D’autre part, certains chrétiens, portés à une ascèse exagérée, pouvaient considérer leur mariage comme rompu par leur conversion. Les époux avaient-ils le droit de se séparer et dans quelles conditions ? Fallait-il préférer le mariage ou le célibat ? Lorsqu’un seul conjoint se convertissait, sa situation au point de vue moral et religieux devenait difficile ; que fallait-il faire dans ce cas ? Bien des points exigeaient des éclaircissements. Les Corinthiens avaient posé par écrit à l’Apôtre un certain nombre de questions sur ce sujet, I Cor., vii, 1. Les réponses de saint Paul, contenues dans le c. vu de la l re aux Corinthiens, sont de la plus haute importance, car elles précisent la doctrine de l’Église chrétienne sur un point qui est le fondement de la famille et de la société.

Saint Paul expose d’abord la dignité respective du mariage et du célibat. Pour le comprendre, il faut se rappeler que Jésus, Matth., xix, 1-12, avait proclamé la dignité et l’indissolubilité du mariage. Ses disciples, trouvant son enseignement rigoureux, lui