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    1. PAUL (SAINT)##


PAUL (SAINT). ÉPOQUE DE LA PAROUSIE

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Les fidèles ignoraient s’il devait s’écouler un long intervalle entre le premier et le second avènement du Christ. Saint Paul partage cette même incertitude et tire les leçons de vie chrétienne qui se dégagent de cette situation. Voir sur ce passage le commentaire de saint Jean Chrysostome, In Epist. ad Romanos, Homil., xxiv, P. G., t. lx, col. 621. Mais il n’a nullement la conviction ferme d’être au nombre des vivants lorsque le Christ reviendra. Son enseignement est conforme à la parole de Jésus : « Quant à ce jour et à son moment, personne ne sait… » Matth., xxiv, 36.

La même explication convient au passage I Cor., vu, 29-31, si l’on entend, avec saint Jean Chrysostome, Théodoret, (EcumeDius, l’expression « le temps est devenu court » de l’époque qui précède le second avènement du Christ. Toutefois, les Pères latins l’entendent de la « durée de la vie humaine ». Cf. Cornely, h. L, p. 205. Il en est de même de la formule Maran atha, si on l’entend du second avènement du Christ : Dominas noster veniet, ou Domine noster, veni. L’incertitude de l’époque du jugement avait une valeur morale que le Christ, les apôtres et, après eux, les prédicateurs de tous les temps n’ont point négligé de mettre à profit.

Quant aux expressions « les derniers jours », IITim., m, 1, et » la fin, téXt), des âges », I Cor., x, 11, elles indiquent la dernière période du monde, le temps messianique ; mais elles n’en précisent point la durée. On ne saurait donc les apporter pour attribuer à saint Paul un enseignement sur l’imminence de la parousie.

Reste le passage I Thess., iv, 15, 17 : « Nous, les vivants, laissés pour l’avènement du Seigneur… » En parlant à la première personne, saint Paul, selon plusieurs commentateurs, aurait parlé de la dernière génération, vivant au temps de la parousie, quelle qu’en soit l’époque ; mais, par une figure de style, il aurait employé la première personne, comme si lui-même devait en faire partie. Il y aurait là un procédé purement littéraire.

Dans ce cas, il faut reconnaître que les Thessaloniciens n’ont point compris la portée de ses paroles, eux qui croyaient, comme beaucoup de Juifs leurs contemporains, à l’avènement prochain du Christ. Les termes de la première lettre risquaient de confirmer encore leur croyance sur ce point. Saint Thomas l’a très bien noté dans son commentaire : Quia in prima epistola, nisi bene intelligatur, videtur dicere, instare Domini adventum, ut illud cap. iv, 16… In II Thess., m, 2., éd. Vives, t. xxi, p. 441. Saint Paul a dû, en effet, leur écrire la seconde lettre pour les rassurer en leur exposant les événements qui devaient précéder la parousie. II Thess., ii, 2, 3, 5. Ainsi, cette seconde lettre expliquait les passages de la première qui pouvaient prêter à équivoque ; elle donnait des précisions sur les points qui avaient dû être mal interprétés. Mais, en fait, saint Paul n’avait aucune conviction sur l’époque précise de la venue du Christ. Si les Thessaloniciens croyaient à son apparition prochaine, ils ne le devaient pas à l’Apôtre, mais aux idées judaïques. Les Juifs attendaient un Messie glorieux, qui triompherait des nations païennes, jugerait les pécheurs et constituerait avec les justes un royaume idéal et parfait, où les défunts seraient associés au bonheur des vivants. Cet événement qui devait être, aux yeux de beaucoup de Juifs, d’ordre politique, était regardé comme imminent et surexcitait les esprits. Saint Paul, dans sa première lettre, tout en marquant le caractère spirituel et mystique du salut chrétien, n’avait rien dit explicitement qui pût modifier l’attente des fidèles. Il s’était borné à en tirer des exhortations à la vie morale.

D’après Knabenbauer, en disant : « nous, les vivants. .. », l’Apôtre n’avait probablement fait que

reprendre les propres termes dont s’étaient servis les Thessaloniciens en posant leur question : Probabitiler sunt repetitio ipsius dictionis qua Thessalonicenses usi eranl. Comment, in Thess…, p. 92.

L’exégèse traditionnelle n’a jamais attribué à saint Paul aucune erreur, ni formelle, ni matérielle, sur l’époque de k parousie. Dans les temps modernes, depuis Grotius v | 1645), plusieurs courants d’exégèse se sont développés. D’abord le courant des eschatologistes, dont Albert Schweitzer est le représentant le plus connu. A. Schweitzer, Geschiclite der paulinischen Forschung. Die Mystik des Apostels Paulus, p. 51 sq. ; ’cf. E. Lohmeyer, Grundlagen paulinischer Théologie, p. 109 sq. Saint Paul aurait cru au retour prochain du Christ glorieux, et sa doctrine aurait été entièrement conditionnée par cette erreur ou cette illusion. Cette théorie radicale est évidemment incompatible avec le dogme chrétien.

Par contre, plusieurs exégètes catholiques ont cru pouvoir admettre que l’Apôtre avait simplement partagé l’illusion de ses contemporains, mais sans en faire l’objet d’un enseignement ; erreur matérielle, si l’on veut, sur un point d’ordre historique, mais n’engageant en rien la vérité religieuse ou la doctrine de l’Apôtre : « La parousie, si elle n’est pas imminente, est prochaine. Saint Paul a l’impression que lui-même et l’ensemble de ses correspondants seront encore vivants quand elle se produira. » A. Lemonnyer, Les épîtres de saint Paul, t. i, Paris, 1908, p. 40. — Le P. Prat s’exprime ainsi sur le même sujet : « Paul a-t-il partagé l’illusion commune ? En principe, rien ne s’y oppose ; car l’inspiration ne donne pas toute science et ne pouvait pas, en tout cas, donner la connaissance du dernier jour que le Père céleste s’est réservée. En dehors de la vérité dont il est dépositaire, l’écrivain sacré peut ignorer, hésiter, asseoir une opinion sur des probabilités ou des vraisemblances… Le tout est qu’il n’enseigne pas l’erreur… Il (l’Apôtre) ne semble pas envisager devant lui une longue série de siècles… Parlerait-il de la sorte s’il avait l’intuition nette que des milliers d’années le séparent du terme ? » La théologie de saint Paul, 1°> éd., 1. 1, 1908, p. 108-109 : 18e éd., t. i, 1930, p. 89-90. D’autre part, M. Brassac écrivait dans son Manuel biblique, t. iv, 1911, p. 210 : « Saint Paul et les autres écrivains sacrés croyaient donc à une certaine proximité de la parousie et n’avaient pas conscience de la longueur des temps évangéliques. Mais ils ne l’affirmaient pas et ils ne le pouvaient pas sans sortir de la donnée révélée telle qu’ils la tenaient du Maître… Dans ces conditions, ces croyances et cet enseignement conjectural ne sont pas incompatibles avec l’infaillibilité de l’inspiration… » Voir dans le même sens : Mgr Le Camus, L’oeuvre des apôtres, t. ii, p. 343, 344, note 5 ; Tanquerey, De Ecclesia, éd. 1910, p. 417 ; F. Tillmann, Die Wiederkunfl Christi nach den paulinischen Briefen, Biblische Sludien, t. xiv, 1909 ; M. Magnien, dans la Revue biblique, 1907, p. 365 sq. ; Ch. Pesch, De inspiralione, éd. 1925, p. 459, note 1 ; A. Lemonnyer, article Fin du monde, dans le Dictionnaire apologétique de la foi catholique, t. i, col. 1919-1920.

Toutefois, un décret de la Commission biblique, en date du 18 juin 1915, a précisé les points suivants :

a) Il n’est pas permis à l’exégète catholique d’affirmer que les apôtres, bien qu’ils n’enseignent aucune erreur, étant sous l’inspiration du Saint-Esprit, expriment cependant, parfois, des opinions ou sentiments humains comportant l’erreur ou l’illusion. —

b) L’apôtre Paul, dans ses écrits, n’a rien dit qui ne fût en parfait accord avec l’ignorance où se trouvaient les hommes concernant le temps de la parousie, ignorance proclamée par le Christ lui-même. — c) Il n’est pas permis de rejeter l’interprétation traditionnelle,