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PAUL (SAINT). ROLE DE LA LOI

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Rom., vii, 12-13. Mais Dieu a utilisé pour le bien le mal auquel la Loi avait donné lieu ; et c’est cette utilisation qui, dans la pensée de l’Apôtre, justifie Dieu d’avoir donné une telle loi. C’est pourquoi saint Paul écrit : « La Loi est intervenue pour faire abonder la faute, IW 7tXeovdcafl to 7rapâ-rcT6ju.a ; mais, là où le péché a abondé, la grâce a surabondé. » Rom., v, 20. Ainsi, la surabondance de la grâce est une conséquence, au moins indirecte, de l’abondance du délit. Cette explication est adoptée, avec des nuances, par Estius, Salmeron, Corneille de Lapierre, In Rom., v, 20 ; voir Cornely, In GaL, p. 503-504 ; Prat ; Lagrange : « Lepéché devait abonder, afin que la grâce surabonde. » (Rom., v, 20), Galates, p. 82.

La seconde explication est celle qui semble dégager le mieux la pensée de l’Apôtre sur la Loi. En effet, si l’on dit que la Loi a été donnée « pour punir », ou « pour faire éviter » les transgressions, on entend le mot jrapàêaoïç dans le sens de « péché en général », et non violation de la loi positive elle-même. Or, ce mot signifie proprement la violation d’un article de loi. Avant que la loi existe il n’y a pas napà6aoiç ; cf. Rom., iv, 15. Du moment où la loi porte une défense ou un commandement, non seulement elle ne donne aucune force pour mieux agir, mais tous les actes qui la violent deviennent défendus, alors qu’ils ne l’étaient pas auparavant.

La Loi a donc été ajoutée en vue des transgressions. Elle n’était point une institution destinée à annuler l’alliance ou à en modifier les conditions ; car personne n’annule, àôeret, t- 15, ni ne modifie une disposition faite en bonne forme. Elle n’est qu’une disposition passagère, parallèle à l’alliance, pour aider à l’accomplissement de la promesse. Elle devait durer seulement jusqu’à la venue du rejeton visé par la promesse, c’est-à-dire jusqu’au Christ.

Que la Loi et la promesse diffèrent essentiellement, saint Paul en trouve une preuve dans les circonstances où la Loi fut promulguée. C’était une tradition chez les Juifs que la promulgation de la Loi s’était faite par le ministère des anges. On la trouve dans Deut., xxxiii, 2 (Septante) ; Heb., ii, 2 ; Act., vii, 38, 53. Pourquoi saint Paul mentionne-t-il cette tradition ? Veut-il montrer que la Loi est inférieure à la promesse, ayant été donnée par des êtres inférieurs à Dieu, et étant régie par eux ? En observant la Loi, les hommes se soumettent-ils aux « puissances » qui régissent les éléments et les astres ? Le Christ, en les affranchissant de la Loi les a-t-il du même coup arrachés à ces êtres intermédiaires qui ne sauraient procurer le salut ?

Bornons-nous ici à noter que la mention des anges dans la promulgation de la Loi ne fournit aucun argument à la théorie marcionite selon laquelle l’Ancien et le Nouveau Testament n’auraient point le même Dieu pour auteur. Les anges ne sont pas donnés par saint Paul comme des législateurs, comme les auteurs de la Loi : Siaxâaætv et surtout Tdcaæi.v vopiov veut dire non rédiger le texte d’une loi, mais en imposer l’observation ; cf. Platon, Crit, 50 a ; Leg., 863° ; Hésiode, "Epy-> 274. Voilà pourquoi saint Paul dit : 8t.’àyYs^fov, non » n’àyYs^wv ; les anges ne sont que des ministres dans l’établissement de la Loi ; cf. Deut., xxxiii, 2 (Septante) èx. SeÇtôiv aÙToO ayyeXoi. [nez aÙTOû. Il n’y a rien, dans cette tradition, qui aille contre l’origine divine de la Loi, origine affirmée assez clairement dans Rom., vii, 22, 25, vo^oç ©soû, cꝟ. 10, 13 ; iv, 21 sq. Les auteurs de la version alexandrine ayant horreur de l’anthropomorphisme, comprenaient que Dieu avait dû se servir des anges pour mettre la Loi entre les mains de Moïse. Cf. Bigg, The Christian Platonists of Alexandria, Oxford, 1886.

Par ailleurs, les « puissances » dont le Christ a

triomphé, Col., ii, 15, ne sont pas des anges serviteurs de Dieu ; et les « éléments du monde » auxquels il a arraché l’homme, Gal., iv, 3, 9 ; Col., ii, 8, 20, ne sont probablement point, dans sa pensée, des êtres personnels exerçant leur empire sur le développement religieux de l’humanité avant le Christ. On ne saurait invoquer ces divers passages, en les rapprochant de Gal., iii, 19, pour établir que l’ancienne Loi avait pour auteur non pas Dieu, mais des esprits célestes gouvernant le monde matériel.

La Loi fut donnée par « l’entremise d’un médiateur », sv x st P^ pt-sotrou. La plupart des anciens commentateurs, ne lisant point le mot [isalr-qç dans l’Ancien Testament, et le trouvant dans le Nouveau pour désigner le Christ, I Tim., ii, 5 ; Heb., viii, 6 ; ix, 15 ; xii, 24, lui ont attribué le même sens dans Gal., ni, 19 ; ils l’ont entendu : * par le Christ, ou par la vertu du Christ ». Mais on ne voit ni comment la Loi a pu être donnée par le moyen du Christ, ni comment celui-ci peut être médiateur de l’ancienne Loi. Ces commentateurs rapportaient tcov roxpaëâoewv 5(âpiv non à npoceiiQ- » ] mais à èv x £l pî (asoêtou, ayant ainsi recours à une hyperbate pour expliquer une phrase assez simple. Cf. S. Irénée, Cont. hær., III, vu, 2, P. G., t. vii, col. 865 ; S. Jérôme, In Gal., P. h., t. xxvi, col. 366 ; S. Thomas, In Gal., édit. Vives, t. xxi, p. 214 : in manu mediatoris, id est in potestate Christi. Mais le texte montre assez clairement que oKspjxa et [i.saÎT7)ç représentent deux personnes différentes. C’est pourquoi, parmi les Pères grecs, plusieurs ont vii, dans le « médiateur », Moïse, qui a reçu la Loi au nom du peuple ; cf. Clément d’Alexandrie, Strom., i, 26, P. G., t. viii, col. 916 ; S. Basile, De Spiritu Sancto, xiv, 33, P. G., t. xxxii, col. 125.

La Loi a été donnée par l’entremise « d’un médiateur. Or, le médiateur n’est pas médiateur d’un seul, mais Dieu est un ». Ce passage a donné lieu à bien des explications ; on les trouvera dans les commentaires. Voici quel nous paraît être le raisonnement de l’Apôtre. La Loi, du fait qu’elle a été établie par l’intermédiaire d’un médiateur, diffère essentiellement de la « promesse ». En effet, un médiateur suppose deux parties contractantes ; il est fondé de pouvoir et agréé par les deux parties. Chaque partie prend des engagements et il en résulte une sorte de contrat. Dieu s’engage à donner des bénédictions d’ordre temporel et spirituel à son peuple, à condition que celui-ci observe tous les commandements. Il en est autrement de la promesse, car dans son établissement il n’y a qu’une seule partie qui est Dieu. Il promet et donne gratuitement ses bienfaits, et non moyennant l’observation des articles d’un code.

L’Apôtre envisage encore sous un autre aspect le rôle de la Loi : elle ne donne ni la justice ni la vie, car » l’Écriture a tout enfermé sous le péché, afin que la promesse fût réalisée par la foi de Jésus-Christ en faveur de ceux qui croient », ꝟ. 22. L’Écriture, c’est la parole de Dieu écrite ; ce n’est plus la Loi, ou du moins la Loi n’en est qu’une partie. Tous les hommes sont comme dans une prison sans issue ; ils y sont enfermés par la puissance du péché. Cf. Rom., i, 18 ; u, 29. Mais quel rôle joue l’Écriture dans cette situation ? Son action est-elle d’ordre intellectuel ou d’ordre réel ? En d’autres termes, enseigne-t-elle seulement que tout homme est « enfermé sous le péché », ou est-elle pour quelque chose dans cette situation ? Comme parole de Dieu, elle apporte son témoignage pour attester que Juifs et païens sont sous la puissance du péché, Rom., iii, 10-18 ; que tout homme tombe sous la colère divine, Rom., iii, 19. De plus, l’Écriture, comprenant la Loi, est aussi, dans une certaine mesure, cause de cette situation, au moins pour les Juifs ; mais on ne voit pas comment elle pourrait l’être pour