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PAUL (SAINT) ROLE DE LA LOI


Moïse, personne n’en disconviendra. C’est ce qu’a très bien vu saint Jean Chrysostome, In Gal., P. G., t. lxi, col. 652 : « Or, la Loi n’exige pas seulement la foi mais aussi les œuvres, tandis que la grâce sauve et justifie en vertu de la foi (sans les œuvres de la Loi). » Le régime de la foi existait avant la Loi ; la Loi ne l’a point supprimé, mais elle s’y est ajoutée comme une surcharge. La Loi, une fois son rôle terminé, a disparu, et la foi lui a survécu.

Ainsi, avant le Christ, la foi et la Loi se conciliaient dans le plan divin. Or, maintenant, précisément parce que ce plan a prévu la fin de la Loi, celle-ci est devenue un fardeau inutile dont la foi doit à tout prix se débarrasser. Mais cette conclusion s’impose en vertu de la révélation chrétienne expliquant le plan divin, plutôt qu’en vertu du sens historique des textes cités par l’Apôtre.

Si l’on veut préciser les motifs pour lesquels saint Paul a rejeté la Loi, on peut les résumer ainsi : L’Apôtre ayant eu la révélation du Fils de Dieu sauveur, a compris, à la lumière divine, qu’un régime de grâce et d’amour était inauguré pour remplacer un régime de servitude ; ce changement avait été opéré par la mort et la résurrection du Christ. A partir de ce moment, maintenir la foi comme principe de salut, c’était rejeter la « grâce du Christ » ; cf. Gal., ii, 21. Telle est la raison fondamentale qui explique l’attitude de l’Apôtre. Les autres motifs, comme l’impuissance de la Loi, Rom., ii-m, 20 ; vii, 7-25, son rôle néfaste, son caractère particulariste, obstacle à la diffusion du christianisme, le sentiment de répulsion qu’elle inspirait aux païens, ne sont que des raisons négatives que l’Apôtre devait faire valoir pour détacher plus sûrement les chrétiens d’une institution désormais inutile et même nuisible.

Il reste à se demander si saint Paul a rejeté toute la Loi, prise dans son ensemble, ou seulement les préceptes cérémoniels tout en maintenant la partie morale et religieuse. Beaucoup d’anciens exégètes ont adopté la seconde solution, saint Paul, — pas plus que Jésus,

— n’ayant sacrifié l’élément religieux et moral essentiel contenu dans la Loi. Mais, d’autre part, en parlant des préceptes de la Loi, l’apôtre ne fait jamais de distinction ; il rejette la Loi purement et simplement comme loi formelle et source d’obligation. Aussi, la plupart des exégètes modernes admettent qu’il rejette toute la Loi, dans son ensemble, comme législation. Mais il est clair qu’il n’a jamais voulu supprimer les obligations de l’homme dans l’ordre religieux et moral. Tout au contraire, il les accentue ; cf. Rom., vin, 4 sq. : il faut se conduire non selon la chair, mais selon l’Esprit. A la place de l’ancienne Loi, il met la loi du Christ, Gal., vi, 2 ; I Cor., ix, 21 ; cf. Gal., v, 14 ; la loi de l’Esprit, Rom., viii, 2.

2. Rôle providentiel de la Loi.

En faisant ainsi le procès de la Loi, à l’adresse des judaïsants, l’Apôtre devait prévenir une objection : Comment ce rejet de la Loi s’accorde-t-il avec le plan divin ? Si elle est « ministère de mort », auxiliaire de la chair, cause de péché, dans quel but Dieu l’a-t-il imposée à son peuple, lui qui est juste et tout-puissant ? Quel a été son rôle providentiel ? Saint Paul s’en explique dans Gal., ni, 19-25, qu’il faut rapprocher de Rom., iv, 15, et v, 20 ; cf. Rom., vii, 7-25. « Qu’est-elle donc, la Loi ? Elle a été ajoutée en vue des transgressions, xwv raxpocêdcæcdv y^âpiv npoeTéQ-q, jusqu’à ce que vînt la descendance à qui la promesse a été faite ; elle a été promulguée par le moyen des anges, par l’intermédiaire d’un médiateur. Or, le médiateur n’est pas médiateur d’un seul (c’est-à-dire suppose deux parties), mais Dieu est un (en faisant la promesse). » Gal., iii, 19-20. « La Loi est-elle donc contraire aux promesses de

Dieu ? Loin de làl S’il eût été donné une loi capable de procurer la vie, la justice viendrait réellement de la Loi. Mais l’Écriture a tout enfermé sous le péché, afin que la promesse fût réalisée par la foi de Jésus-Christ en faveur de ceux qui croient. » Gal., iii, 21-22. « Avant que ne vînt la foi, nous étions enfermés sous la garde de la Loi en vue de la foi qui devait être révélée. Ainsi, la Loi a été notre pédagogue pour aller au Christ, afin que nous fussions justifiés par la foi. La foi étant venue, nous ne sommes plus sous ce maître. » Gal., iii, 23-25.

La Loi est donc venue se surajouter à la promesse. Elle a été donnée « en vue des transgressions, rapa6àaecov yâptv », ꝟ. 19. Comment faut-il entendre ce rapport entre la Loi et le péché ? Parmi les anciens commentateurs, un grand nombre l’expliquent en disant que la Loi a été donnée pour punir, ou pour écarter les transgressions. Saint Jean Chrysostome dit : « Pour les transgressions, c’est-à-dire pour que les Juifs ne pussent vivre dans une fausse sécurité et atteindre le comble de la perversion, la Loi leur a été imposée comme un frein, les instruisant, les dirigeant, les empêchant de transgresser, sinon tous, du moins un certain nombre de préceptes. Ainsi n’était point mince le bénéfice de la Loi. In Gal., P. G., t. lxi, col. 654. Saint Jérôme, de son côté, s’exprime ainsi : Post ofjensam enim in eremo populi, post adoratum vitulum, et murmur in Dominum, Lex transgressiones prohibitura successit (cf. I Tim., ii, 9). In Ep. ad Galat., P. L., t. xxvi, col. 366. Saint Thomas donne une explication analogue : Homines maie dispositi indigent retrahi a peccatis per pœnas ; et ideo quantum ad istos fuit necessaria legis positio, quæ habet coarctalivam virtutem. In Gal., éd. Vives, t. xxi, p. 213.

Saint Augustin, et saint Thomas dans un autre passage, envisagent surtout la question au point de vue moral. La Loi, en multipliant les fautes, sans fournir aux hommes la grâce dont ils avaient besoin pour les éviter, leur a donné le sentiment de leur misère et leur a fait implorer la grâce, au lieu de chercher le salut dans leurs propres mérites. Cf. S. Augustin, In Gai. P. L., t. xxxv, col. 2122-2123 ; S. Thomas, éd. Vives, t. xxi, p. 213-214.

Selon d’autres, la Loi a été donnée « en faveur des transgressions, c’est-à-dire pour que la violation de cette loi soit vraiment une transgression. La Loi est venue ainsi donner à la puissance du péché l’occasion de t produire des fruits de mort » ; elle a imprimé le caractère de péché à des désirs qui, sans la Loi, ne seraient pas des fautes. Cf. Rom., vii, 5-8 ; Vin, 3 ; I Cor., xv, 56. Mais, d’autre part, le péché existait déjà depuis Adam, Rom., v, 13 ; à ce genre de péché, la Loi a ajouté un caractère de T ; apà6acri.ç, Rom., iv, 15. Ces idées sont un peu adoucies dans Rom., v, 20 : « La Loi est survenue pour faire abonder la faute. »

La pensée de l’Apôtre serait donc que la venue de la Loi marque l’apparition du péché sous forme de transgression méritant un châtiment et attirant la colère de Dieu. Or, cela était voulu par la Providence. En effet, lorsque Dieu donna la Loi, il savait qu’il en résulterait des transgressions. Tirant le bien du mal, il disposa cet état de choses en vue du salut et de la justification future. L’expérience a prouvé que la Loi a, somme toute, produit ce résultat : elle a été surtout puissance de péché ; cf. II Cor., iii, 6. Telle était donc la volonté de Dieu. Qu’on ne dise pas que, dans cette explication, Dieu a été la cause du péché. Non, il a voulu la justification de l’humanité, et un des nioyens qu’il a employés dans ce but est une loi, bonne en elle-même, mais qui devait donner lieu au péché. Saint Paul ne veut point rendre Dieu responsable du péché en le faisant auteur de la Loi. Il est le premier à reconnaître que la Loi était « bonne et sainte »